Roussel Albert

5 avril 1869-23 août 1937
«On connaît à peine le nom d'Albert Roussel, musicien de France. On sera peut-être même étonné d'apprendre qu'il est déjà mort. En effet, né en 1869, Roussel est mort en 1937. Et pourtant, l’œuvre de Roussel est important et riche et varié. Un opéra, des ballets, quatre symphonies, de la musique de chambre, des poèmes symphoniques, des mélodies, bref, le bagage ordinaire d'un grand musicien.

Il semble que rien, dans son enfance, n'ait prédestiné Roussel à la musique, puisque, d'une famille d'industriels, il devait tout naturellement s'adonner aux affaires. Sans doute, très jeune, il aime la musique et «tapote» du piano, mais comme beaucoup d'enfants. Une fois venu le moment de prendre une direction, au lieu de se tourner vers les affaires, c'est la mer qui l'attire. Les récits de voyages de Jules Verne ont toujours excité son imagination, et il aime l'air salin, vif et âpre, des côtes de la Manche. Il imagine des pays lointains où tout est féerie ornementale. Toutes choses que l'on retrouve plus tard dans ses somptueuses Évocations pour chœur et orchestre. Enfin, après le bachot, il entre à l'École Navale, et il s'embarque sur le Borda, où il se plie à la «forte discipline des choses de la mer», en même temps qu'aux rigueurs « d'un solide enseignement mathématique».

Il aime la mer et ne semble aimer qu'elle. Mais la musique l'y rejoint et elle devient pour lui une nécessité si impérieuse qu'une fois officier de marine, à l'âge de vingt-cinq ans, il prend la résolution de démissionner pour s'y consacrer entièrement. Mais la mer aura toujours une place dans son cœur et il sait bien qu'il ira vivre près d'elle et y reposer définitivement un jour. En effet, Roussel a longtemps vécu près de la mer, à Varengeville, en Normandie, parmi les pins, les bégonias et les hortensias, et il repose dans le petit cimetière de son pays d'élection, qu'il appelait modestement «l'annexe de sa maison»...

Roussel fut le plus discret, le plus sobre, le plus simple, le plus modeste, le plus indépendant et disons même le plus sympathique des musiciens français de son temps. Oublieux de sa célébrité, n'ayant jamais rien fait pour sa propre gloire, il semble au contraire s'être constamment intéressé aux autres, aux jeunes surtout, dont plusieurs lui doivent une aide précieuse.

Ainsi, sans fracas, Roussel a édifié un oeuvre considérable dont le charme, l'attrait, la force, conquièrent tous ceux qui s'en approchent. La Troisième Symphonie en Sol mineur a été écrite à l'occasion du cinquantième anniversaire de la Symphonie de Boston, en 1930, où elle fut donnée en première audition, sous la direction de Koussewitzky. Elle est d'ailleurs dédiée à la gloire de la Symphonie de Boston. C'est une oeuvre de proportions modestes, si on en juge par sa durée. Elle ne dépasse pas la demi-heure. Mais d'une substance infiniment riche, et construite à la manière des grandes symphonies. Roussel est volontiers concis. Il sait s'arrêter dès qu'il a dit ce qu'il avait à dire. Ce qu'il y a de plus remarquable dans l'art de Roussel, c'est l'invention rythmique, c'est l'unité rythmique, ce mouvement constant, cette pulsation constamment renouvelée qui fait que sa musique est comme une musique en marche, soumise au rythme propre et à la respiration de son auteur. Il y a de la fermeté et de la force dans cette musique, qui respire aussi la paix et la sérénité.»

Source: Léo-Pol Morin, Musique, Montréal, Beauchemin, 1946.

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