Le diagnostic d'un ex-professeur de l'Université York (Toronto) sur ce qui ne fonctionne plus dans les universités canadiennes. Un texte qui date de 2002 mais résonne encore aujourd'hui avec la même intensité :
« En réalité, mon mécontentement avait des racines plus profondes que les conflits sociaux, certes extrêmes, de York. Depuis des années, je me sentais de plus en plus étranger à l'industrie universitaire. Certains aspects routiniers de la vie universitaire, comme l'embauche de nouveaux professeurs, peuvent faire ressortir ce qu'il y a de pire en chacun. Des causes parfaitement légitimes, telles que l'égalité des sexes et des races, peuvent devenir vindicatives et déclencher des chaînes de récriminations apparemment sans fin. La vie étudiante semble, de l'extérieur du moins, de plus en plus difficile et sans joie. Et la recherche, ultime autojustification de l'entreprise universitaire, récompense les arcanes, le trivial et les formes de connaissance hermétiquement fermées à la société dans son ensemble.
Lire des revues universitaires ou assister à des conférences universitaires, c'est tomber dans des mondes qui sont de plus en plus autoréférentiels, avec peu d'échos dans le monde réel. »
Un texte de Reg Whitaker à lire sur le site de la Literary Review of Canada.
Selon plusieurs commentateurs, dont le théoricien des médias Andrey Mir, les modes de pensée et de discours de l'ère numérique ressemblent de plus en plus à ceux des cultures orales pré-alphabétisées. Ces auteurs s'appuient largement sur les travaux du philosophe Walter Ong, qui a développé dans Orality and Literacy une théorie très influente, quoique controversée, sur la façon dont les cultures orales et littéraires divergent.
« Andrey Mir affirme que l'"oralité numérique" a plongé de nombreux conservateurs et progressistes dans l'abîme de la caverne de Platon - le royaume allégorique où les intuitions subjectives sont prises pour des vérités objectives. La droite subordonne la raison au culte de la personnalité de Trump, tandis que la gauche accorde moins de valeur à l'empirisme qu'à l'"intersectionnalité". Il en résulte un "tribalisme identitaire", une polarisation et une crise de la démocratie représentative.»
Quelques traits de l'oralité
«Dans une culture orale, toutes les idées importantes doivent être exprimées d'une manière qui soit à la fois mémorable et facile à réciter.»
«Cela implique, entre autres, l'utilisation intensive de répétitions, de formules, de moyens mnémotechniques et d'épithètes.»
«Par ailleurs, dans une société orale, la communication doit toujours se faire face à face, souvent à portée de voix des autres villageois ou hommes de clan. Selon Ong, cela imprègne le discours d'un esprit combatif, car les déclarations ont tendance à se doubler de demandes de statut et d'affirmation sociale.»
«Plus important encore peut-être, ces limites de l'oralité l'ont rendue incapable d'accueillir la pensée abstraite.»
Un essai à lire dans Vox (en anglais).