L'Encyclopédie sur la mort


Hugo Victor

Victor HugoVictor-Marie Hugo, né le 26 février 1802 à Besançon et décédé le 22 mai 1885 à Paris, est écrivain et homme politique. Son oeuvre monumentale est diversifiée: romans, poésie lyrique, drames et discours. La mort joue un rôle important autant dans sa vie personnelle que dans son oeuvre littéraire.

HUGO HANTÉ PAR LA MORT

Dans Les voix de la liberté. Les écrivains engagés au XIX°siècle, Michel Winock a été très attentif au deuil* que Victor Hugo a pu vivre durant ses années d'apothéose comme républicain du second empire et dans ses années de plus grande solitude de sa vieillesse
:

Entre ses livres, ses femmes, ses interventions à la Chambre, il serait un homme parfaitement heureux, n'était la mort qui rôde, qui lui a arraché sa fille Léopoldine, qui rend à Juliette sa fille Claire... (p. 348)

Reste pourtant cet amour jamais déjugé pour Juliette. Quand celle-ci, échouant à détourner Hugo de ses galanteries à tout va, prend la fuite, en septembre 1873, elle laisse un homme hagard, brisé, désespéré, gagné par la fièvre et l'insomnie, cherchant un renfort auprès des médiums, puis fou de bonheur à son retour, Juliette quitte la vie avant lui, le 11 mai 1883; il note dans son carnet: «Je vais bientôt te rejoindre, ma bien-aimée.» (p. 590)

Au cours de ses dix dernières années, l'entourage d'Hugo s'est dépeuplé, la solitude s'est accrue. En1873, son deuxième fils François-Victor, lui a été enlevé, deux ans après la mort de Charles; cinq ans après celle de son épouse. Il enterre ses contemporains les uns après les autres: en mars 1875, Edgard Quinet; en juin 1876, George Sand («D'autres sont les grands hommes, elle est la grande femme»); en décembre 1882, Louis Blanc, puis Léon Gambetta; en mars 1883, son ennemi Louis Veuillot... Hanté par la mort, qu'il ne craint pas, mais dont il se sent désormais les prodromes, il s'imagine entendre les «invisibles», les «chers disparus», épiant tous ces instants, ces nuits particulièrement, où ils frappent dans les murs, ombres sonores qui ne cessent de l'entretenir dans sa foi en l'immortalité*. Seule sa fille Adèle lui reste, folle, internée à Saint-Mandé, autre façon d'être morte. (p. 590)

Winock raconte les funérailles de Charles, né en 1826 et décédé en 1871, fils de Victor Hugo. L'enterrement a lieu le jour même où Paris est en état d'insurrection:

Le 13 mars, s'apprêtant à quitter Bordeaux, Hugo apprend la mort brutale de son fils Charles, frappé d'apoplexie foudroyante. Il a près de lui sa belle-fille Alice, accablée de douleur, et ses deux petits-enfants. Le 17 mars, Hugo et sa famille quittent Bordeaux, par le train, qui emporte aussi le cercueil plombé où repose Charles. Le lendemain 18 mars, Hugo et les siens, très entourés, suivent le corbillard de la gare d'Orléans jusqu'au Père-Lachaise. Arrivé place de Bastille, des gardes nationaux font au cortège une haie d'honneur spontanée.

Winock s'appuie sur le récit de P. Verlaine, «Mes souvenirs de la Commune», Oeuvres en prose complètes, Paris, Gallimard, «La Pléiade», 1972, p. 279-181:

«Sur tout le parcours jusqu'au cimetière, note Hugo, des bataillons de garde nationale rangés en bataille présentent les armes et saluent du drapeau. Les tambours battent aux champs. Les clairons sonnent. le peuple attend que je sois passé et reste silencieux, puis crie: "Vive la République!» Au cimetière*, un homme haut de taille, d'allure énergique, tend sa large main vers le poète: "Je suis Courbet", dit-il.

À ce moment-là, Victor Hugo n'a pas nette conscience de ce qui se passe. Par une coïncidence dont l'histoire n'est jamais avare, Hugo a enterré son fils le jour même où, depuis à l'aube, Paris en état d'insurrection fait front à l'Assemblée dont il vient de démissionner. [...]

«C'est au moment où nous enterrions le pauvre Charles Hugo, raconte Verlaine*, qu'avait lieu le drame de la rue des Rosiers. La triste nouvelle tintait déjà dans l'air assombri. En même temps, les barricades ébauchées le matin devenaient formidables, s'armaient de canons, de mitrailleuses, se hérissaient de baïonnettes au bout de fusils chargés. Les passants chuchotaient des paroles d'alarme et filaient vite. Les boutiques se fermaient et maints cafés n'étaient qu'entrebâillés. Ça sentait la poudre et ça fleurait le sang.» (p. 506-507)

Dans sa correspondance avec Juliette Drouet, le rappel de la mort est constant.

Leur première «nuit bénie» dont Hugo se rappelle dans Les Misérables comme «la nuit de noces de Marius et de Cossette» est la nuit du 16 au 17 février 1833. Nous avons choisi des extraits de trois lettres, écrites par Hugo aux jours d'anniversaire de ces noces et dans lesquelles il exprime sa sollicitude au sujet de la mort.

Lettre du 17 février 1843:
«Aime-moi toujours ainsi! Charme-moi, caresse-moi, soutiens-moi, console-moi; oui, sois ma consolation comme tu es ma beauté; comble avec ton amour tous les vides de mon coeur; et fasse le ciel qu'après m'avoir ainsi aidé à vivre, tu m'aides un jour à mourir.»

Lettre du 17 février 1848: «Je prie Dieu tous les soirs et nos anges qui sont au ciel [Lépoldine et Claire], et je demande que tu sois là aux heures où je souffre, et que tu sois là à l'heure où je mourrai. Je t'aime, ce qui veut dire; je te bénis!»

Lettre du 17 février 1853: « Quand on est ensemble et quand on s'aime, on vieillit, et il n'y a pas de vieillesse, car on s'aime de son amour jeune et on se voit avec ses jeunes yeux; on meurt, et il n'y a pas de mort, car derrière la vie on trouve l'éternité. Et qu'est-ce que l'éternité* pour ceux qui ont été bons et se sont aimés? Ô mon doux ange, l'éternité c'est l'amour. Remercions Dieu et prions nos deux anges de là-haut.»

Source: Olivier et Patrick Poivre d'Arvor, «Je souffre trop, je t'aime trop». Passions d'écrivains, Points, «Mots pour mots», 2010, p. 37, p.39 et p. 44.

Ses dernières années (1883-1885)

Sur la tombe de Juliette, décédée le 11 mai 1883, on pourra lire ces vers de Hugo:

Quand je ne serai plus qu'une cendre glacée
Quand mes yeux fatigués seront fermés au jour,
Dis-toi, si dans ton coeur ma mémoire est fixée,
Le Monde a sa pensée,
Moi, j'avais son amour.

Au début d'août 1883, il remet à Auguste Vacquerie (1819-1895), poète, dramaturge, photographe et journaliste français, le fameux codicille à son testament:

Je donne cinquante mille francs aux pauvres,
Je désire être porté au cimetière dans leur corbillard
Je refuse l'oraison de toutes les églises;
Je demande une prière à toutes les âmes
Je crois en Dieu.

Il paraît qu'au dernier moment, un alexandrin vint sur ses lèvres:

C'est ici le combat du jour et de la nuit

Ses funérailles (1er juin 1885)

« [...] Le 1er juin, ce fut le Triomphe: Senatus populusque et tout l'Empire, on eût pu dire l'orbus terrarum entière défila. Tous les pays - sauf l'Allemagne et l'Angleterre. Toutes les provinces - Metz et Strasbourg, les provinces perdues en tête. Toutes les jeunesses: Pologne, Russie, Grèce, Amérique, etc. Tous les états : forts de la Halle, cochers, boulangers, pâtissiers, laitiers, plombiers, dentistes. Tous les cercles... Les arbres des Champs-Elysées craquaient sous le poids, des branches cassaient... Les chevaux de Marly, les statues de ville étaient noirs de fourmis humaines. [...]» (Romain Rolland à 19 ans)

«Il faut avoir vu le cercueil soulevé dans la nuit noire, sombre lui-même à cette hauteur, tandis que les flammes vertes des lampadaires désolaient de lueurs blafardes le portique impérial et se multipliaient aux cuirasses des cavaliers porteurs de torches qui maintenaient la foule. Les flots, par remous immenses, depuis la Place de la Concorde, venaient battre sur les chevaux épouvantés, jusqu'à deux cents mètres du catafalque, et déliraient d'admiration d'avoir fait un dieu. Des adorateurs furent écrasés aux pieds de l'idole. [...]» (Maurice Barrès)

Source pour les dernières années et les funérailles: Pierre Gamarra, La vie prodigieuse de Victor Hugo, Messodor, «Temps actuels», 1985, p. 250-255)

Date de création:-1-11-30 | Date de modification:2012-04-10

Notes

Source: Michel Winock, Les voix de la liberté. Les écrivains engagés au XIX° siècle, Paris, Seuil. 2001.

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