L'Encyclopédie sur la mort


«Seize étudiants sont emprisonnés!»

Mathieu-Robert Sauvé

Le 2 novembre dernier, 16 étudiants de l'Université de Montréal ont passé la nuit dans une cellule de la prison de Trois-Rivières. Il ne s'agissait pas d'une sentence particulièrement sévère pour des travaux remis en retard mais d'une expérience pédagogique offerte aux étudiants en criminologie.
Pour un criminologue appelé à intervenir auprès des prisonniers, la «sentence d'une nuit» est une expérience précieuse, considère André Normandeau, professeur à l'École de criminologie et accompagnateur du groupe. «Même si nous sommes dans une maison de détention qui n'est plus en fonction, nous sommes sensibilisés à l'aspect de l'enfermement. Il ne faut pas oublier qu'une peine de prison, c'est d'abord une perte de liberté, explique-t-il à l'entrée de la cellule où il a lui aussi été incarcéré. Ici, on ne décide pas à quelle heure on se couche, à quelle heure on se lève. Et le gardien de prison joue bien son rôle.»

Marc-André Fortin, en effet, était criant de vérité dans la peau du surveillant. De sa voix tonitruante, il a exigé des pensionnaires une obéissance constante dès l'instant où ceux-ci ont franchi l'épaisse porte d'entrée. Au moment de prendre la photo du condamné et de relever ses empreintes digitales, les étudiants étaient dirigés avec autorité par le faux gardien.
«C'était une très bonne expérience, commente David Scheer, étudiant à l'Université libre de Bruxelles, en stage à l'Université de Montréal en vertu d'un programme d'échanges. Même s'il ne s'agit pas d'une véritable incarcération, on peut ressentir de façon subjective à quoi ressemble la vie en prison. On ne sait pas quand les lumières vont s'allumer ni s'éteindre. On entend les portes claquer.»

Ce qui a frappé le plus Olivier Pelletier-Giguère, inscrit lui aussi au baccalauréat en sécurité et études policières, c'est le «trou», l'endroit où l'on isolait certains prisonniers pour les mater ou leur faire payer un manquement à la discipline. «Si j'avais passé trois semaines ici comme c'est arrivé à Michel Morin, je serais devenu fou, dit-il. Ce genre de traitement crée une aliénation mentale.»

Pour lui, l'expérience d'une incarcération même de courte durée permettrait à la population de modifier son opinion à propos des revendications de la population carcérale. Monsieur et Madame Tout-le-monde n'ont pas assez de considération pour les doléances des prisonniers, estime-t-il.

«La prison n'assume pas toujours sa mission, indique David Scheer. On lui demande de favoriser la réinsertion sociale alors qu'elle a été d'abord pensée comme un outil de répression.»

Extraits de l'article publié dans UDMNouvelles, le 15 novembre 2009

http://www.umontreal.ca/b-udem-nouvelles/fr/2009-11-18.html

http://www.nouvelles.umontreal.ca/multimedia/forum-en-clips/des-etudiants-passent-une-nuit-en-prison.html
Date de création:-1-11-30 | Date de modification:-1-11-30

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