Dans le poème «Marina», écrit en 1929, Eliot imagine Péricles sur son chemin de retour vers sa patrie après de longs périples outre-mer. Il présente Périclès comme perdu devant un environnement qui lui semble étranger parce que privé de la présence de sa fille Marina dont il a été séparé depuis tant d'années et qu'il croit disparue à jamais. Périclès, dont il s'agit dans ce poème, est un personnage de la pièce de théâtre Shakespearienne Péricles, Prince deTyre, inspirée par l'histoire d'Apollonius de Tyre. En exergue de son poème, Eliot cite un texte de Sénèque*, Hercule furieux, Act. 5, ligne 1138 : «Quis hic locus, quae regio, quae mundi plaga?» (Quel est ce lieu? quelle région? quel rivage du monde?), exclamation d'Hercule, après avoir tué sa femme et ses enfants dans un état d'aliénation causé par Junon. Au sujet de ce poème d'Éliot, Christopher Bouix écrit: «C'est la mort qui brise le vers, qui le ronge, le creuse de néant et l'empêche d'atteindre la forme d'une musicalité idéale, désormais impossible.» (L'épreuve de la mort dans l'oeuvre de T. S. Eliot, Georges Séféris et Yves Bonnefoy, Paris, L'Harmattan, 2009, p. 55)
Quis hic locus,
Quae regio, quae mundi plaga?
Quelles mers quelles rives quels rocs gris quelles îles
Quelle eau lapant la proue
Quelles senteurs de pin quels chants de grive dans la brume
Quelles images s'en reviennent
O ma fille
Ceux qui aiguisent la dent du chien, signifiant
Mort
Rutilent des gloires de l'oiseau-mouche, signifiant
Mort
Croupissent dans la soue des repus, signifiant
Mort
Subissent l'extase des animaux, signifiant
Mort
Sont devenus immatériels, réduits à rien par une brise
Une bouffée de pin et la brume du chant
Que cette grâce a par place dissoute
[...]
Quelles mers quelles rives quelles îles près mes vergues
Et l'appel de la grive au travers de la brume
Ma fille.
Ariel Poems, 1930
T. S. Eliot, La terre vaine et autres poèmes, traduits de l'anglais par Pierre Leyris (1976), Seuil, «Points», 2006, p. 155-156
Quae regio, quae mundi plaga?
Quelles mers quelles rives quels rocs gris quelles îles
Quelle eau lapant la proue
Quelles senteurs de pin quels chants de grive dans la brume
Quelles images s'en reviennent
O ma fille
Ceux qui aiguisent la dent du chien, signifiant
Mort
Rutilent des gloires de l'oiseau-mouche, signifiant
Mort
Croupissent dans la soue des repus, signifiant
Mort
Subissent l'extase des animaux, signifiant
Mort
Sont devenus immatériels, réduits à rien par une brise
Une bouffée de pin et la brume du chant
Que cette grâce a par place dissoute
[...]
Quelles mers quelles rives quelles îles près mes vergues
Et l'appel de la grive au travers de la brume
Ma fille.
Ariel Poems, 1930
T. S. Eliot, La terre vaine et autres poèmes, traduits de l'anglais par Pierre Leyris (1976), Seuil, «Points», 2006, p. 155-156