L'Encyclopédie sur la mort


Manuel de guerre allemand

Bertolt Brecht

« Le manuel de guerre* est écrit dans un style «lapidaire». Ce mot vient du latin Lapis la pierre, et désigne le style qui avait fini par s'imposer pour les inscriptions. Celui-ci était d'abord conditionné par la peine que demandait la gravure du mot dans la pierre, ensuite par la conscience que celui qui s'adressait à une série de générations avait intérêt à s'exprimer brièvement [...] Le poète confère l'aere perennius d'Horace à ce qu'un prolétaire, exposé à la pluie et aux agents de la Gestapo, a tracé sur un mur d'un rapide coup de craie.» (Walter Benjamin, Essais sur Brecht, Paris, Maspero, 1969, p. 84-85)
Sur le mur, ces mots à la craie:
Ils veulent la guerre.
Celui qui a écrit ces mots
Est déjà tombé.

5
Les travailleurs réclament à grands cris du pain.
Les marchands réclament à grands cris des marchés.
Le sans-travail a souffert la faim. Souffre
À présent la faim le travailleur
Les mains qui demeuraient croisées,
De nouveau bougent:
Elles tournent des obus.

15
Ceux d'en haut disent:
Au bout du chemin, la gloire.
Ceux d'en bas disent:
Au bout du chemin, la tombe.

18
Quand viendra l'heure de marcher,
Beaucoup ne sauront pas
Que leur ennemi marche à leur tête.
Cette voix qui les commande
Est la voix de leur ennemi
Celui qui parle, là, d'ennemi
Est lui-même l'ennemi.

Traduction de Maurice Regnaut, B. Brecht, Poèmes, L'Arche, tome IV, p, 12, 15, 16
citée dans Walter Benjamin, o.c., p. 83-83.
Date de création:-1-11-30 | Date de modification:-1-11-30

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