L'événement et le monde, Paris, PUF, « Epiméthée »,1999, traite de l'expérience que nous avons de la mort. Elle se réduit à celle de la mort d'autrui, le deuil des survivants. Les sous-titres sont de nous.
La mort d'autrui, une expérience de deuil
Et d'abord, dans l'événement de la mort des autres : à cette mort subie nous restons étrangers, radicalement extérieurs, et si nous essayons, malgré tout, de la saisir comme un fait dans le monde, nous ne pouvons avoir accès qu'à des signes corporels - et précisément à rien d'autre : il ne s'est rien passé, rien qui soit expérimentable comme un fait dans le monde, et ce « rien » est la mort. Cependant, si la mort est radicalement inexpérimentable comme cet événement ultime dont autrui fait preuve, elle est bien expérimentable, en autre sens, par les survivants, et cette ex-pér-ience de la mort est le deuil. [...] Le deuil* est cette épreuve métempirique de la mort d'autrui qui me frappe moi-même en plein coeur - au coeur de mes possibles et du monde (o.c., p. 243).
[...]
La mort comme un passage abyssal (effondrement)
Il s'agit bien, ici, en effet, d'un passage et d'une traversée, mais d'une traversée de l'intraversable (ce que les grecs nommaient : apeiron), traversée où l'on n'atteint aucun terme, aucun but, « passage » qui n'est pas transition de quelque chose vers quelque chose, mais où le terme s'abolit dans le passage et n'est rien d'autre que ce passage lui-même. S'il s'agit ici d'une transformation, ce n'est pas au sens du passage d'une forme à une autre, mais d'une « forme » qui s'abîme et « va au fond (geht zu Grunde), comme dit Hegel, s'abolit dans son passage. «Passage » tel, que je ne suis plus là pour expérimenter « ce qui se passe », mais où ce qui se passe est le seul « passage ». Non point passage de quelque chose à quelque chose - transformation - mais passage « du tout au tout » (o.c., p. 245).
La mort comprise en son sens événemential
Ce sens, qui me sera toujours opaque, est littéralement in-com-préhensible pour moi-même, impossible à embrasser dans un projet compréhensif, et cela, en vertu de l'articulation intime de la naissance et de la mort : de la naissance, en tant qu'événement précurseur et inaugural de mon avènement au monde comme advenant, qui n'ouvre à un possible que je ne possibilise pas, qui n'est pas d'abord « mien », et à un sens inépuisable, qui précède et excède tout projet compréhensif et livre la compréhension à ce surcroît d'elle-même - à l'incompréhensible - qu'elle ne peut ni embrasser, ni circonscrire; et de la mort, en tant qu'elle ne clôt pas l'aventure sur elle-même, mais remet bien plutôt aux survivants la charge de l'interpréter - aventure dépourvue d' « horizon », parce que nécessairement excentrique (o.c., p. 249).
Et d'abord, dans l'événement de la mort des autres : à cette mort subie nous restons étrangers, radicalement extérieurs, et si nous essayons, malgré tout, de la saisir comme un fait dans le monde, nous ne pouvons avoir accès qu'à des signes corporels - et précisément à rien d'autre : il ne s'est rien passé, rien qui soit expérimentable comme un fait dans le monde, et ce « rien » est la mort. Cependant, si la mort est radicalement inexpérimentable comme cet événement ultime dont autrui fait preuve, elle est bien expérimentable, en autre sens, par les survivants, et cette ex-pér-ience de la mort est le deuil. [...] Le deuil* est cette épreuve métempirique de la mort d'autrui qui me frappe moi-même en plein coeur - au coeur de mes possibles et du monde (o.c., p. 243).
[...]
La mort comme un passage abyssal (effondrement)
Il s'agit bien, ici, en effet, d'un passage et d'une traversée, mais d'une traversée de l'intraversable (ce que les grecs nommaient : apeiron), traversée où l'on n'atteint aucun terme, aucun but, « passage » qui n'est pas transition de quelque chose vers quelque chose, mais où le terme s'abolit dans le passage et n'est rien d'autre que ce passage lui-même. S'il s'agit ici d'une transformation, ce n'est pas au sens du passage d'une forme à une autre, mais d'une « forme » qui s'abîme et « va au fond (geht zu Grunde), comme dit Hegel, s'abolit dans son passage. «Passage » tel, que je ne suis plus là pour expérimenter « ce qui se passe », mais où ce qui se passe est le seul « passage ». Non point passage de quelque chose à quelque chose - transformation - mais passage « du tout au tout » (o.c., p. 245).
La mort comprise en son sens événemential
Ce sens, qui me sera toujours opaque, est littéralement in-com-préhensible pour moi-même, impossible à embrasser dans un projet compréhensif, et cela, en vertu de l'articulation intime de la naissance et de la mort : de la naissance, en tant qu'événement précurseur et inaugural de mon avènement au monde comme advenant, qui n'ouvre à un possible que je ne possibilise pas, qui n'est pas d'abord « mien », et à un sens inépuisable, qui précède et excède tout projet compréhensif et livre la compréhension à ce surcroît d'elle-même - à l'incompréhensible - qu'elle ne peut ni embrasser, ni circonscrire; et de la mort, en tant qu'elle ne clôt pas l'aventure sur elle-même, mais remet bien plutôt aux survivants la charge de l'interpréter - aventure dépourvue d' « horizon », parce que nécessairement excentrique (o.c., p. 249).