L'approche de la question du rapport de l'écriture avec la folie consiste, selon Kaufmann, dans la réception par le lecteur d'une équivalence toute métaphorique des deux phénomènes. Ainsi Artaud confie-t-il à la littérature ce qu'il (et à la société) appelle sa «maladie» en écrivant des pages où le délire n'empêche pas la cohérence du texte.
Tout le paradoxe de sa position tient au fait qu'il se sert de la littérature à des fins non littéraires. Il confie la singularité de son cas, sa «maladie» (pour reprendre son propre terme) à la littérature plutôt qu'à la médecine, ou à la psychanalyse. Contre le transfert (analytique ou plus généralement thérapeutique), il choisit le transfert littéraire. [...] C'est là que je repérerais pour ma part l'éventuelle «folie» d'Artaud, la seule en tout cas dont il me semble possible de parler dès lors qu'il ne reste que ses textes à lire: une folie qui engage un rapport spécifique à la littérature, qui s'engage avec un tel rapport, qui consiste à faire du discours littéraire un lieu, où, lui, Artaud aurait la possibilité de se faire entendre en personne dans sa singularité.
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Une telle approche de la question de la folie d'Artaud devrait au moins permettre d'échapper au vieux débat qui me semble piégé sur la cohérence ou l'incohérence de ses textes. Avec un peu de bonne volonté et d'énergie dans la lecture, on trouve toujours des cohérences. Et lorsqu'on en trouve, elles n'empêchent pas la folie d'exister, bien au contraire, en repérant la «folie» d'Artaud dans sa prise à la lettre de la littérature plutôt que dans des contenus ou dans l'ensemble de ses faits et gestes, on évite aussi le simple rabattement de la folie sur l'écriture, l'équivalence entre les deux choses, qui a fait les beaux jours d'un certain discours avant-gardiste. Équivalence d'ailleurs toute métaphorique: on veut bien que l'écriture ait partie liée avec la folie, on ne veut même pas que ça, mais à condition que la folie reste en fin de compte une image, une figure: à condition, précisément, de ne pas avoir à la prendre à la lettre.
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Une telle approche de la question de la folie d'Artaud devrait au moins permettre d'échapper au vieux débat qui me semble piégé sur la cohérence ou l'incohérence de ses textes. Avec un peu de bonne volonté et d'énergie dans la lecture, on trouve toujours des cohérences. Et lorsqu'on en trouve, elles n'empêchent pas la folie d'exister, bien au contraire, en repérant la «folie» d'Artaud dans sa prise à la lettre de la littérature plutôt que dans des contenus ou dans l'ensemble de ses faits et gestes, on évite aussi le simple rabattement de la folie sur l'écriture, l'équivalence entre les deux choses, qui a fait les beaux jours d'un certain discours avant-gardiste. Équivalence d'ailleurs toute métaphorique: on veut bien que l'écriture ait partie liée avec la folie, on ne veut même pas que ça, mais à condition que la folie reste en fin de compte une image, une figure: à condition, précisément, de ne pas avoir à la prendre à la lettre.