Les Danzas de la Muerte sont représentatives de la crise des Espagnes au sortir du Bas Moyen Âge. L'attrait culturel pour cette forme de danse macabre dans la péninsule ibérique sera reprise avec la devise Viva la Muerte du camp nationaliste lors de la guerre civile au XXe siècle.
A la dança mortal venid los nascidos
que en el mundo soes de qualquier estado;
el que non quisiere a fuerça de amidos
facerle e venir muy toste parado.
Pues ya el freire vos ha pedricado
que todos vayais fazer penitencia,
el que non quisiere poner diligencia
por mi non puede ser mas esperado
La Danse macabre est un élément, le plus achevé, de l'art macabre du Moyen Âge, du XIVe au XVIe siècle. Elle représente, dans la littérature, la peinture ou la sculpture, l'entraînement inexorable de tous les humains, quelle que soit leur position sociale, dans un cortège solidaire vers un destin commun. On y voit à la suite un pape, un évêque, un moine, un empereur, un roi, un seigneur, un soldat, un bourgeois...
La Danse macabre est décrite dans plusieurs poèmes latins, français, allemands ou italiens, le plus souvent anonymes. Tout au long du XVe siècle et au début du XVIe, ce thème est peint a fresco sur les murs des églises et dans les cimetières d'Europe du Nord.
Cette forme d'expression est le résultat d'une prise de conscience et d'une réflexion sur la vie et la mort, dans une période où celle-ci est devenue plus présente et plus traumatisante, depuis la guerre de Cent Ans, à cause de la peste, des famines...
Elle souligne la vanité des distinctions sociales, dont le destin se moquait, fauchant le pape comme le pauvre prêtre, l'empereur comme le lansquenet.
Contexte artistique
La Danse macabre est une étape dans la représentation de la Mort. Ce thème apparaît après celui du Dit des trois morts et des trois vifs, du Triomphe de la Mort, de l'Ars moriendi, du Mors de la Pomme, des Vanités et des Memento mori.
Mais alors que la leçon du Triomphe de la mort présente l'individu mourant, ayant le temps de faire un dernier examen de conscience, la Danse macabre entraîne celui-ci immédiatement vers la pourriture, en montrant une Mort insensible aux inégalités sociales.
Illustrations :
Image de la Mort - Gravure sur bois de Hans Holbein l'Ancien (1491).
Danse macabre - Peinture de Giacomo Borlone de Buschis (détail).
XVe siècle
À l'origine, la Danse macabre constituait une matière première à la composition dramatique et à la mise en scène et prenait la forme d'échanges verbaux — le plus souvent de quatre lignes — entre la Mort et 24 personnes rangées par ordre hiérarchique. Un rôle prépondérant y était vraisemblablement attribué aux sept frères macabres, à leur mère et à Eléasar. Une représentation eut d'ailleurs lieu à Paris dans le cloître des Innocents en leur mémoire. D'où le nom consacré en latin de chorea macabæorum (danse macabre). D'autres théories prétendent que le mot «macabre» vient de l'arabe makabir qui signifie «tombeaux», ou encore d'un peintre du nom de Macabré.
L'une des danses macabres les plus anciennes actuellement connues apparut autour de 1360, sous l'influence de la «mort noire» (la peste), dans l'église de Lübeck. Cette peinture murale en partie annotée par Bernt Notke dans la chapelle de la mort fut détruite au cours de la Seconde Guerre mondiale. Deux vitraux réalisés par Alfred Mahlau en 1955-1956 rappellent aujourd'hui dans cette chapelle ce chef-d'œuvre disparu. Des fragments de la Danse macabre de Notke pour Riga subsistent aujourd'hui encore dans le musée de Tallin.
À Paris, toute la série des situations dramatiques était déjà peinte en 1424 à coté des vers correspondants sur les murs du cimetière du cloître des Innocents, et bientôt apparaissent de nouvelles peintures (qui peuvent aussi être exécutées sur le sol ou les façades) dans les églises d'Amiens, Angers, Dijon, Rouen, etc. De même, on trouve depuis 1485 des gravures sur bois et des impressions qui reproduisent les images et les inscriptions. Une Danse macabre sans texte, mais illustrant un poème, est toujours conservée en très bon état dans l'église de La Chaise-Dieu en Auvergne. Elle daterait de la fin du XVe siècle.
Des vers et des images de Danse macabre furent copiés avec créativité par le moine anglais John Lydgate et parvinrent de ce fait à quitter la France pour l'Angleterre. Il aurait toutefois trouvé la plus grande diversité en Allemagne, où il aurait observé de nombreux vers, images et illustrations. Une représentation de danse macabre de Bernt Notke dans l'église de Lübeck, dont les vers en moyen allemand ont partiellement été conservés, montrait encore la danse macabre sous sa forme la plus simple : 24 figures humaines, ecclésiastiques et laïques, dans l'ordre décroissant de Pape, Empereur, Impératrice, Cardinal et Roi, jusqu'au paysan, jeune homme, jeune femme et enfant, et entre deux personnages, toujours une Mort dansant ou sautant.
XVIe siècle
A partir du milieu du XVIe siècle, les images de danses macabres deviennent de plus en plus variées, alors que les vers changent ou sont même abandonnés pour, finalement, renouveler tout à fait vers comme images. Dans un premier temps, les danses macabres sont transférées de la basse ville à la haute ville de Bâle, sur les murs du cloître, et le nombre comme l'arrangement des couples dansants restent identiques excepté qu'un prêtre est ajouté au début et un pêcheur à la fin. A la destruction des murs en 1805, il ne subsiste de l'original que quelques fragments, bien que des illustrations aient été conservées parallèlement aux vers. Ce qui est devenu la célèbre "mort de Bâle" donna une nouvelle impulsion à cette catégorie de représentations, bien que la poésie ait complètement abandonné le genre. Ainsi, Herzog Georg de Sachse fit réaliser en 1534 le long du mur du troisième étage de son château un bas-relief de 24 personnes et trois figures mortuaires de pierre grandeur nature, sans couple dansants et d'une composition tout à fait novatrice. Cette oeuvre fut très endommagée par le grand incendie de 1701, puis restaurée et transférée dans la paroisse de Dresden (illustrée par Nanmann en 1844 sous le titre "La mort dans toutes ses relations"). Cette représentation est à l'origine de celle de l'église de Strasbourg, qui montre différents groupes dans lesquels chacun est invité à danser par sa mort (illustrée par Edel sous le titre "La nouvelle église de Strasbourg". La danse macabre de la Marienkirche à Berlin date elle aussi des années 1470-1490. Nicolas Manuel peint une vraie danse macabre entre 1514 et 1522 sur les murs du cloître de Berne, constituée de 46 images, qui ne sont plus aujourd'hui accessibles que sous la forme de reproductions.
Mais c'est avec l'apparition de Hans Holbein le Jeune que la danse macabre adopte une toute nouvelle forme artistique. Celui-ci ne voulait en effet pas tant mettre en valeur le fait que la mort n'épargne aucune classe sociale, mais plutôt l'irruption qu'elle fait dans le travail et la joie de vivre. Ses oeuvres (le plus souvent des gravures) parurent dès 1530 et furent constituées en livre à partir de 1538 en grand nombre, sous différents titres et copies.
Siècles tardifs
Baudelaire* et Strindberg ont écrit sur la danse macabre, Liszt et Saint-Saëns l'ont mise en musique, plusieurs auteurs ont encore écrit sur le sujet, dont Georges Eekhoud, La danse macabre du Pont de Lucerne (Bruxelles 1920), ou Michel de Ghelderode et sa Ballade du grand macabre (1934).
Représentations murales :
En France :
Parmi les représentations murales de la Danse macabre, la France possède plusieurs fresques intérieures, dont deux en Bretagne (Basse-Bretagne) :
* Kernascléden (Morbihan), église paroissiale
* Plouha (Côtes-d'Armor), chapelle de Kermaria an Iskuit (ainsi qu'un Dit des trois morts et des trois vifs)
* Brianny (Côte-d'Or), église Sainte-Apolline
* La Chaise-Dieu (Haute-Loire), église de l'abbaye bénédictine de Saint-Robert
* Meslay-le-Grenet (Eure-et-Loir)
* La Ferté-Loupière (Yonne), église paroissiale (ainsi qu'un Dit des trois morts et des trois vifs).
Autres formes de représentations
* Albi (Tarn), cloître Saint-Salvi : gravure sur engoulant de poutre.
* Angers (Maine-et-Loire), musée des Beaux-Arts : sculpture sur coffre en bois du XVIe siècle.
* Blois (Loir-et-Cher), aître Saint-Saturnin : sculptures sur chapiteaux de pierre.
* Guiscard (Oise), chapelle privée du cimetière : mosaïque.
* Cherbourg (Manche), basilique de la Trinité : sculpture polychrome en ronde-bosse, milieu XVIe
* Preuilly-sur-Claise (Indre-et-Loire), chapelle de tous les Saints (privée) : peintures murales.
* Rouen (Seine-Maritime), aître Saint-Maclou : sculptures sur les colonnes de la galerie.
* Vergonnes (Maine-et-Loire), enluminures du registre paroissial 1616-1664.
* etc.
Bibliographie
* Utzinger (Hélène et Bertrand), Itinéraires des Danses macabres, éditions J.M. Garnier, 1996.