Sappho, poétesse grecque de l'Antiquité, est née, entre 60 et 632 avant notre ère, à Érèse, une petite ville proche de Mytilène, sur l'île de Lesbos d'où le nom « La Lesbienne ». Les parents de Sappho appartenaient à l'aristocratie de Lesbos.
« Peut-être contre son gré, elle fut mariée très jeune à un marchand qui s'appelait Kerkôlas. L'origine triviale de ce nom, kerkos, signifiant membre viril, laisse penser que le mariage fut loin d'être idyllique et que l'amour n'était probablement nullement partagé à l'unisson. De cette union incongrue naquit une fille, Cléïs, qui lui apporta un immense bonheur et qu'elle chérit tendrement » (Oksana, Prou, o.c., p. 32). Devenue veuve ou en raison d'une séparation, elle se consacra à la formation de ses jeunes élèves au sein d'une communauté féminine, la Maison des Muses, académie artistique et cercle littéraire. Elle connut l'exil en Sicile sous le règne de Mélanchros et fut graciée sous le pouvoir de Pittacos.
Et Sappho? Inévitablement et très justement Sappho, admirable poète, créatrice, fondatrice de la maladie d'amour. Elle est là, citée pour le saut de Leucade, vieille tradition aussi du suicide de Sappho, amoureuse folle de Phaon. Strabon nous dit rapportant Ménandre, qu'elle fut la première à faire ce saut qui dût lui coûter la vie. « C'est du haut du cap, dominé aujourd'hui encore par le temple d'Apollon-Leucate, que l'on faisait le saut terrible qui, suivant une croyance généralement répandue, pouvait seul mettre un terme aux amours » (Strabon, Géographie, 10, 2, 9.). Entendons le mal d'amour, le désir irrépressible. Esquirol en tire une conclusion historique plutôt saugrenue. Je me permets de la reprendre pour la savourer : « Les anciens regardaient l'érotomanie comme une véritable affection nerveuse qui pouvait se guérir par de vives secousses morales » (Esquirol, Maladies mentales, Paris, Baillère, 1838, t. 2, p. 42). Étrange secousse morale que ce terrible saut, qui devait souvent se terminer par la mort. (J. Pigeaud, De la mélancolie. Fragments de poétique et d'histoire, Paris, Dilecta, 2005, p. 92)
Oeuvres
Son oeuvre constituait plus de 12 000 vers dont 660 fragments épars ont pu être récupérés. Sappho a inventé aussi une magadis, un instrument un peu plus petit que les lyres traditionnelles de cette époque. Elle a conçu le mode mixo-lydien, un mode musical très approprié à la création d'atmosphères rempli de passion et de mélancolie. Elle inaugura la strophe saphique, composée de quatre mètres, les trois premiers de onze syllabes chacun et le dernier de cinq syllabes seulement. Elle composa des épigrammes, des épitaphes, des ïambes et des chants nuptiaux (Oksana, Prou, o.c., p. 33).
Sappho témoigne « de ce lyrisme des îles et de cette expression de sentiments personnels qui n'ont plus rien d'héroïque : on ne saurait oublier sa description de l'amour et des troubles physiques qu'il entraîne, description qui a inspiré de très près nos classiques et se trouve citée ou imitée dans nombre de textes du XVIIe siècle » (Jacqueline de Romilly et Monique Trédé, Petites leçons sur le grec ancien, Stock, 2008, p. 38). « Les Anciens appelaient Sappho « la dixième muse » et l'oeuvre de la poétesse de Lesbos comptait neuf livres dans l'édition canonique qu'en établirent les Alexandrins. Seul un poème entier et quelques fragments nous sont parvenus, mais ils suffisent pour se faire une idée de la subtilité de cette poésie qui chante l'amour et la beauté » (o. c., p. 142-143).
Poème
Ah! ce désir d'aimer qui passe dans ton rire. Et c'est bien pour cela qu'un spasme étreint mon coeur dans ma poitrine. Car si je te regarde, même un instant, je ne puis plus parler.
Mais d'abord ma langue est brisée, un feu subtil a couru en frisson sous ma peau. Mes yeux ne me laissent plus voir. Un sifflement tournoie dans mes oreilles.
Une sueur glacée couvre mon corps, et je tremble, tout entière possédée. Et je suis plus verte que l'herbe. Me voici presque morte, je crois...
(Sappho, cité par Oksana, Prou, o.c., p. 34-35)
Eros et Thanatos si proches l'un de l'autre dans ce poème
Bibliographie
Sappho, Poèmes, traduit du grec et présenté par Jackie Pigeaud, Rivages poche / Petite Bibliothèque, 2004.
« Sapho » dans Oksana et Gil Prou, Les métamorphoses d'Éros. Pour un humanisme responsable à l'orée du IIIe millénaire, Valence d'Albigeois, Éditions de la Hutte, «Essai, 2011, p. 31-35.
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Charles Nicolas Rafael Lafond (1774–1835): Sappho chante pour Homère, 1824