Né à Chicoutimi (Saguenay) au Québec le 14 février 1917 et décédé en 1998, Alphonse Piché vit toute sa vie à Trois-Rivières où ses parents s’installent alors qu’il n’a pas encore deux ans. Après des études jamais complétées au séminaire Saint-Joseph de cette ville, il gagne sa vie en pratiquant divers métiers: commis de chantier, vendeur, comptable, agent d’assurances, etc. Dans son premier recueil Ballades de la petite extrace, Alphonse Piché donne à ses poèmes une portée sociale en s'intéressant au petit peuple de Trois-Rivières à la fin de la deuxième guerre mondiale. Remous (1947) et Voie d'eau (1950) révèle son talent lyrique qui deviendra de plus en plus nostalgique et mélancolique* dans ses derniers recueils: Dernier profil (1982), Sursis (1987) et Remous (1997) nous livrent l'intimité d'un homme tourmenté par la mort.
En guerre est un cri virulent d'un homme en révolte contre la guerre et ses atrocités, convaincu de son inutilité et du manque de sensibilité éthique chez les soi-disant «grands» qui imposent aux autres une guerre comme sacrifice*, auquel ils n'ont pas le courage de participer eux-mêmes sauf dans les parades ou dans les estrades. C'est un cri de rage d'un pacifiste toujours actuel, même s'il est rejeté trop aisément et paresseusement comme «populiste», «subjectif» ou «sentimental» par les bien pensants dont l'étroitesse d'esprit se manifeste par leur culture de la vindicte ou de la dette, préférant verser le sang des autres qu'à se plier aux dures exigences de la raison qui s'engage plutôt dans les ruses de la négociation que dans les forces des armes pour régler les conflits. Le prix à payer pour la paix n'est pas la guerre dont la (ir)rationalité instrumentale est destructrice, mais la résolution permanente des conflits par une raison humaine compétente en tant que recherche rigoureuse des médiations nécessaires à la création de rapports justes et équitables entre les États.
En guerre
Sacrant, gueulant, nous partirons,
Petits soldats des grandes guerres,
La rage au coeur, nous foulerons,
De par les landes étrangères,
Les ossements laissés naguère
En des formidables ragoûts,
Par nos grands-pères et nos pères
Avec des gens de rien du tout.
Et foncera le bataillon
Par les marais, les ornières,
Sous la mitraille, sans façon,
Parmi les bombes, sans manière;
Dedans ses mains comme un joujou,
Un autre fouillera la terre
Avec des gens de rien du tout.
Sacrant, gueulant, quand finiront
Nos aventures militaires,
La rage au coeur, quand traîneront
Les savates de nos misères
Sur les asphaltes légataires
De ce qui rstera de nous,
Nous viderons nos ministères
Avec des gens de rien du tout.
ENVOI
Blessés, crevés, vétérans, hères,
Maigres chômeurs, enrôlez-vous
Pour les batailles d'après-guerre
Avec des gens de rien du tout.
Ballade de la petites extrace (1946)
IMAGE
litterature.com