Le terme euthanasie (gr: ευθανασία - ευ, bonne, θανατος, mort), qui signifie littéralement «bonne mort», semble avoir été présenté pour la première fois par le philosophe anglais Francis Bacon (1561-1626). La tâche des médecins est d'intervenir, sinon pour conduire le malade à sa convalescence ou à la prolongation de sa vie, au moins pour l'aider à bien mourir. Les médecins doivent apprendre et approfondir l'art d'offrir aux mourants les conditions favorables à une mort douce et paisible en réduisant, le plus possible, leurs douleurs et leurs tourments par des traitements et par une alimentation appropriée. Cette mort douce ressemble à un agréable sommeil. Bacon distingue l'euthanasie extérieure, une mort douce du corps, de l'euthanasie en tant que préparation de l'âme à la mort.
TEXTE EN ANGLAIS
(les caractères gras sont de nous et concernent les principaux traits de l'euthanasie - bonne mort- selon Bacon)
De euthanasia exteriore
Nay further, I esteem it the office of a physician not only to restore health, but to mitigate pain and dolors; and not only when such mitigation may conduce to recovery, but when it may serve to make a fair and easy passage: for it is no small felicity which Augustu Caesar was wont to wish to himself, that same Euthanasia; and which was specially noted in the death of Antoninus Pius, whose death was after the fashion and semblance of a kindly and pleasant sleep. So it is written of Epicurus, that after his disease was judged desperate, he drowned his stomach and senses with a large draught and ingurgitation of wine; whereupon the epigram was made, Hinc Stygias ebrius hausit aquas; he was not sober enough to taste any bitterness of the Stygian water. But the physicians contrariwise do make a kind of scruple and religion to stay with the patient after the disease is deplored; whereas, in my judgment, they ought both to enquire the skill and to give the attendances for the facilitating and assuaging of the pains and agonies of death.
Source: Selected Writings of Francis Bacon, with an introduction and notes by Hugh G. Dick, New York, The Modern Library & Randon House, 1955, Book II, p. 277-278.
TEXTE EN LATIN
(les caractères gras sont de nous et concernent les principaux traits de l'euthanasie selon Bacon)
... etiam plane censeo ad officium medici pertinere, non tantim ut sanitatem restituat : verum etiam ut dolores et cruciatus moborum mitiget: neque id ipsum solummodo, cum illa mitigatio doloris, veluti symptomatis periculosi, ad convalescentiam faciat et conducat; imo vero cum abjecta prorsus omni sanitatis ipse, excessum tantum praebeat e vita magis lenem et placidum. Siquidem non parva est felicitas pars (quam sibi tantopere precari solebat Augustus Cesar) illa euthanasia; quae etiam observata est in excessum Antonius Pius, quando non tam mori videretur, quam dulci et alto sopore excipi. Scribitur etiam de Epicuro, quod hoc ipsum sibi procuraverit: cum enim morbus ejus haberetur pro desperato, ventriculum et sensus, meri largiore hausto et ingurgatione obruit; une illud in Epigrammate: Hinc Stygias ebrius haustit aquas (vino felicitet stygii laticis amaritudinem sustulit).
At nostris temporibus, medicis quasi religio est, aegrotis, postquam deplorati sint, affidere; ubi meo judicio, si officio suo atque adeo humanitati ipsi deesse nolint, et artem edificere et intelligentiam praestare deberunt, quam animam agentes, facilius et mitius e vita demigrent. Hanc autem partem, inquisitionem de euthanasie exteriori (ad differentiam ejus euthanasia quae animae preparationem respicit) appelamus, eamque inter desiderata reponimus.
Source: Francisci Baconi, Baronis de Verulamio, De Dignitate et Augmentis Scientiarum dans Novum Organum (1623),Wirceburgi, Jo. Jac. Stahel, (1779), p, 292-294 : http://books.google.ca/
[Queen Elisabeth] retaining her health and vigor to the end, and having experienced neither the vicissitudes of fortune nor the ills of old age, she obtained at least by an easy and gentle death that euthanasia which Augustus Caesar was wont so earnestly pray for; and which is noted in the case of that excellent Emperor Antonius Pius whose death wore the appearance of a sweet and placide sleep. So likerwise in the last illness of Elisabeth there was nothing revolting to human nature. She was not tormented either with desire of life, or impatience of sickness, or pangs of pain: none of the symptoms were frightfull or loathsome; but all of that kind which showed rather the frailty than the corruption and dishonor of nature.
Source: Francis Bacon, «In Felicem Memoriam Elisabeth, Angliae Reginae, The Works, p. 451.
TEXTE EN FRANÇAIS
(les caractères gras sont de nous et concernent les principaux traits de l'euthanasie selon Bacon)
De l'euthanasie extérieure
La tâche du médecin n'est pas seulement de rétablir la santé, mais aussi d'adoucir les douleurs et souffrances des malades; et cela non seulement si cet adoucissement conduit à leur rétablissement, mais encore lorsqu'il sert à procurer au malade une mort douce et paisible: car ce n'est pas un menu bien-être que César Auguste désire quand il souhaite pour lui cette même euthanasie. Celle-ci fut particulièrement notée chez l'empereur Antonius Pius dont la mort ressemblait à un sommeil agréable et aimable. Il est écrit que, après avoir appris que son état de santé était jugé désespéré, Épicure noyait son estomac et ses sens en ingurgitant, à larges traits, une coupe de bon vin. Voilà donc l'origine de l' épigramme faite à son compte: Hinc stygias ebrius hausit aquas (il ne fut pas assez sobre pour sentir le goût amer des eaux du Styx). De notre temps, au contraire, les médecins semblent se faire un souci scrupuleux et religieux de se tenir tranquilles près du patient lorsque son état de santé est jugée déplorable , alors que j'estime étant de leur devoir d’approfondir leur art afin de donner des soins plus adéquats, aptes à faciliter et adoucir les douleurs et tourments des agonisants. (libre traduction par Éric Volant)
Sources:
Bacon, Francis, The Advancement of Learning , Second Book, 1605 (Du progrès et de la promotion des savoirs, livre II, partie 3, p. 150. Traduction Michèle De Boeuff, Gallimard, 1991).
Bacon, Francis, viscount St. Albans, 1561-1626. Francisci Baronis de Verulamio, Vice-comitis Sancti Albani, De dignitate et augmentis scientiarum libri IX. Ad regem svvm. Londini: In officina Ioannis Haviland, 1623. -- Lat. [19], 493 p. 30 cm. First edition.
Bacon, Francis, De dignitate et augmentis scientiarum (principaux chapitres). Avec une introduction et des notes par Marcel Mauxion, Paris, Ch. Delagrave, 1897.