L'Encyclopédie sur la mort


Mort de Laocoon

Virgile

« Virgile a repris une comparaison homérique (celle du guerrier avec un bovin) mais il en a profondément modifié le sens: au lieu de poser un simple rapport analogique entre l'homme et l'animal, elle suggère un phénomène de métamorphose, la transformation d'un homme en animal. Nous commençons par citer le passage d'Homère*, avant d'en commenter la réécriture virgilienne. Selon toute vraisemblance, le passage de Virgile est inspiré de cette comparaison homérique. [...] La description s'ouvre par une scène de sacrifice rituel, au cours de laquelle le prêtre Laocoon s'apprête à sacrifier un taureau. [...] L'épisode s'achève par une figure, la comparaison de Laocoon à un taureau. Le lecteur reconnaît le motif homérique, emprunté à l'Iliade. » (Sophie Jouanno, « Mortis Imago,trois réécritures virgiliennes de modèles homériques » dans Gérard Jacquin, dir., Le récit de la mort. Écriture et histoire, Presses universitaires de Rennes, 2003, p. 46-47)
François PelletierHomère

« Tel mugit le taureau que les jeunes traînent en l'honneur du dieu maître de l'Hélicon et qui réjouit l'Ébranleur du sol; c'est avec un mugissement pareil que sa noble vie abandonne ses os. » (Iliade, XX, 403-406)

Virgile

« Ici un autre événement plus considérable et beaucoup plus angoissant, vient assaillir les malheureux que nous sommes, troubler nos coeurs déconcertés. Laocoon, désigné par le sort comme prêtre de Neptune, immolait, sur l'autel des sacrifices, un puissant taureau. Or voici que de Ténédos à travers les eaux calmes du large deux serpents aux anneaux démesurés - je le raconte avec horreur - s'allongent sur l'abîme et d'un égal mouvement tendent vers le rivage; leurs poitrines dressées au milieu des vagues, leurs crêtes sanglantes dominent les ondes; le reste de leurs corps glisse sur la mer et roule l'ondulation de leurs dos démesurés. Il y a grand bruit dans les flots qui écument; et déjà ils avaient pris terre, et leurs yeux flamboyants emplis de sang, de feu, ils léchaient de leurs langues vibrantes des gueules pleines de sifflements. À cette vue, nous nous enfuyons, sans plus une goutte de sang. Eux, sans hésiter, vont droit à Lacoon et d'abord l'un, l'autre serpent l'étreint, enlace le corps enfantin de ses deux fils, déchire, dévore leurs membres pitoyables; puis, comme il venait à leur secours et apportait des armes, ils le saisissent lui-même et le lient de leurs anneaux gigantesques; et déjà deux fois ils ont enlacé son corps par le milieu, deux fois serré autour de son cou leurs dos écailleux; ils le dominent de leurs têtes et de leurs nuques dressées. Lui, tout ensemble, s'efforce à pleines mains de desserrer ces noeuds, jusque sur ses bandelettes inondées de leur bave et de leur noir venin, et en même temps il pousse vers les astres des clameurs horribles, comme mugit un taureau quand il s'est enfui, blessé, de l'autel et a secoué de sa nuque une hache mal assurée. » (Énéide, II, 199-224)

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François Perrier,
«La Mort de Laocoon et de ses fils»
17° siècle
Date de création:-1-11-30 | Date de modification:-1-11-30

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