Dans sa poésie de jeunesse, le regard que le poète flamand Émile Verhaeren porte sur la vie et la mort est empreint de sa foi chrétienne. L'aspect sombre de la mort (ô noir amour, la moisson des lis noirs) est éclairé par le feu de la prière et des cierges des moines, des martyrs et des vierges.
Qu’il te soit fait hommage et gloire, ô mort chrétienne !
Parmi les biens du temps seule réalité,
Seul pain spirituel dont le cœur entretienne,
Sur la terre, son fixe orgueil d’éternité ;
Qu’il te soit fait hommage et gloire, ô mort austère !
À toute heure qui vient et passe, à tout moment,
Toi, dont l’autel d’ébène appuyé sur la terre
Mêle sa flamme à la pâleur du firmament.
Qu’il te soit fait hommage à travers les années,
Grave ensevelisseuse, ô mort ! ô noir amour !
Qui dans tes maigres mains détiens les destinées
Et qui remplis de ciel les yeux défunts au jour ;
Qu’on te louange ! ô mort pieuse et baptisée !
Mort qui portes en toi la tristesse des soirs,
Mort sereine, gerbant au fond de la pensée,
Dans les vallons du cœur, la moisson des lis noirs.
Mort des moines, mort des martyrs et mort des vierges,
Hosannas traversant d’un vol les cieux hautains,
Ô mort ceinte de feux, de prière et de cierges,
Ô mort qui fais la vie ! Ô mort qui fais les saints !
Le juste ne craint pas ta fidélité sombre,
Il regarde au delà des horizons flottants :
Que sont les ans ? Une ombre errant après une ombre,
Dans le brouillard trompeur de l’espace et du temps.
Émile VERHAEREN, Les moines (1886)
Recueilli dans Poètes de Jésus-Christ,
poésies rassemblées par André Mabille de Poncheville,
Bruges, Librairie de l’Oeuvre Saint-Charles, 1937.
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