Rosaire se voulait un témoignage sur la folie, ou du moins sur un certain usage qui était fait des asiles alors que L'Exécution de Maski était «l'histoire d'un suicide qui n'a pas réussi». Le 13 août 1976, Ferron avait en effet tenté de se suicider: «Je devrais être mort depuis quatre ou cinq ans», écrivait-il à Bigras le 9 juin 1981.
Dans Voix et Images, il disait:
«J'ai tenté de me suicider [...] Je me suis raté, mais comme le suicide est une chose grave, il faut que tu passes en psychiatrie. J'ai alors réalisé le rêve qui me hantait depuis quelque temps en me situant dans la folie au lieu de la voir de l'extérieur comme un bel esprit.»
Se situer «dans la folie au lieu de la voir de l'extérieur»: l'expression mérite d'être retenue. D'autant plus que dans les romans précédents, Ferron avait cherché à rendre compte de la folie en la faisant endosser à ses personnages ayant surtout recours à la troisième personne narrative et à la focalisation externe.
[...]
Voulant procéder à une analyse immanente du Pas de Gamelin, je me suis rapidement rendue à l'évidence qu'une ambiguïté entourait le statut d'énonciation. Par son contenu événementiel, très près de l'expérience que connut Ferron à Saint-Jean-de-Dieu, le récit a recours au même type de transposition que pour le onzième chapitre de L''Amélanchier, dont l'écriture fut consécutive au séjour au Mont-Providence. Comme pour L'Exécution de Maski et Rosaire, il devient difficile dès lors de départager la transposition littéraire de ses référents extratextuels, d'autant plus que Ferron n'a pas manqué de rajouter en surimpression à son oeuvre maints détails explicitement autobiographiques.
[...]
Or, c'est précisément là la pierre d'achoppement, l'obstacle majeur sur lequel vient buter incessamment l'écriture du Pas de Gamelin. «[P] our être normal, d'affirmer Ferron en 1982, je devais me prendre pour un autre parmi les autres» (lettre à Julien Bigras, 1er avril 1982). En 1983, il ajoutait: « [...] il faut absolument, pour être un homme comme tous les autres, s'apercevoir de l'extérieur, être vu et regardé, ne pas être enfermé à l'intérieur de cette coquille où nous sommes uniques, absolument uniques [...] ». D'où la théorie de truchement qui institue un écart essentiel entre le «moi» défensif et le narrateur omniscient: seul véritable conteur, scribe soumis à l'intervention de Dieu (lettre de Julien Bigras à Jacques Ferron, 28 mars 1982).
[...]
Un sujet, certes, peut toujours se prendre pour un autre: c'est là une affirmation banale, mais qui rejoint néanmoins les innombrables fictions que nous construisons nous-mêmes dans le quotidien de nos vies. Toutes des fantasmagories à travers lesquelles l'imaginaire cherche à adhérer au moi idéal n'ont cesse de faire retour sous une forme inversée. En 1976, Ferron fit l'expérience d'une crise existentielle cruciale (suivie d'une tentative de suicide), sans doute pour avoir côtoyé la folie de trop près. Non pas «la belle et flamboyante folie», mais la simple «débilité mentale». Celle que l'on traitait, en des temps révolus mais pas si lointains, avec la panoplie d'une psychiatrie lourde: lobotomies, électrochocs, chirurgies excessives et le reste. Or, pour Ferron, la folie se définit comme une singularité absolue. De cela, il s'est expliqué dans maints passages de ses écrits, qu'ils soient d'ordre fictif, épistolaire, intimiste ou pamphlétaire. [...]
«J'ai tenté de me suicider [...] Je me suis raté, mais comme le suicide est une chose grave, il faut que tu passes en psychiatrie. J'ai alors réalisé le rêve qui me hantait depuis quelque temps en me situant dans la folie au lieu de la voir de l'extérieur comme un bel esprit.»
Se situer «dans la folie au lieu de la voir de l'extérieur»: l'expression mérite d'être retenue. D'autant plus que dans les romans précédents, Ferron avait cherché à rendre compte de la folie en la faisant endosser à ses personnages ayant surtout recours à la troisième personne narrative et à la focalisation externe.
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Voulant procéder à une analyse immanente du Pas de Gamelin, je me suis rapidement rendue à l'évidence qu'une ambiguïté entourait le statut d'énonciation. Par son contenu événementiel, très près de l'expérience que connut Ferron à Saint-Jean-de-Dieu, le récit a recours au même type de transposition que pour le onzième chapitre de L''Amélanchier, dont l'écriture fut consécutive au séjour au Mont-Providence. Comme pour L'Exécution de Maski et Rosaire, il devient difficile dès lors de départager la transposition littéraire de ses référents extratextuels, d'autant plus que Ferron n'a pas manqué de rajouter en surimpression à son oeuvre maints détails explicitement autobiographiques.
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Or, c'est précisément là la pierre d'achoppement, l'obstacle majeur sur lequel vient buter incessamment l'écriture du Pas de Gamelin. «[P] our être normal, d'affirmer Ferron en 1982, je devais me prendre pour un autre parmi les autres» (lettre à Julien Bigras, 1er avril 1982). En 1983, il ajoutait: « [...] il faut absolument, pour être un homme comme tous les autres, s'apercevoir de l'extérieur, être vu et regardé, ne pas être enfermé à l'intérieur de cette coquille où nous sommes uniques, absolument uniques [...] ». D'où la théorie de truchement qui institue un écart essentiel entre le «moi» défensif et le narrateur omniscient: seul véritable conteur, scribe soumis à l'intervention de Dieu (lettre de Julien Bigras à Jacques Ferron, 28 mars 1982).
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Un sujet, certes, peut toujours se prendre pour un autre: c'est là une affirmation banale, mais qui rejoint néanmoins les innombrables fictions que nous construisons nous-mêmes dans le quotidien de nos vies. Toutes des fantasmagories à travers lesquelles l'imaginaire cherche à adhérer au moi idéal n'ont cesse de faire retour sous une forme inversée. En 1976, Ferron fit l'expérience d'une crise existentielle cruciale (suivie d'une tentative de suicide), sans doute pour avoir côtoyé la folie de trop près. Non pas «la belle et flamboyante folie», mais la simple «débilité mentale». Celle que l'on traitait, en des temps révolus mais pas si lointains, avec la panoplie d'une psychiatrie lourde: lobotomies, électrochocs, chirurgies excessives et le reste. Or, pour Ferron, la folie se définit comme une singularité absolue. De cela, il s'est expliqué dans maints passages de ses écrits, qu'ils soient d'ordre fictif, épistolaire, intimiste ou pamphlétaire. [...]