Recyclage
Dimanche le 13 septembre 2020
Le mot «recyclage» est souvent utilisé comme terme générique pour décrire le fait que, dans un procédé manufacturier, un déchet matériel est utilisé en remplacement d'une matière première vierge. Le designer industriel William McDonough utilise les trois termes suivants pour décrire les trois types d’utilisation des matières résiduelles :
1. Recycling (recyclage à 100%) désigne le procédé par lequel on transforme un déchet matériel en produit de même valeur. Exemple: transformer la fibre des vieux tapis en nouvelle fibre, ou l'endos de vinyle en nouvel endos de vinyle.
2. Upcycling (valorisation) désigne le procédé par lequel on transforme un déchet matériel en produit de valeur supérieure. Exemple: transformer le polyéthylène téréphtalate (PET) des bouteilles de soda en tissu pour les panneaux amovibles.
3. Downcycling («décyclage» ou «dévalorisation») désigne le procédé par lequel on transforme un déchet matériel en produit de moindre valeur. Exemple: transformer les moquettes en résine technique pouvant être moulée en pièces d’automobiles, utiliser la fibre des vieux tapis pour fabriquer de nouveaux endos de tapis, ou utiliser les vieux tapis pour produire de l’énergie par combustion.
La majorité de ce qu’on appelle «recyclage» et même «valorisation» est en fait un «décyclage».
Tri des matières résiduelles dans une usine de recyclage (lieu non précisé)
© Peter Doeberl, Aarwangen - visipix.com
Essentiel
Etudiants à l’ESCEM -école supérieure de commerce-, nous avons fondé le projet
«AsieRecup’». De la Thaïlande jusqu’au Vietnam, en passant par le Laos et le Cambodge,
nous sommes partis quatre mois interviewer des entrepreneurs qui agissent pour une meilleure
gestion des déchets ménagers dans leur pays. Nos envies étaient doubles : célébrer chacune de
nos rencontres tout au long de ce voyage, et être des reporters d’espoir en soulignant ce qui se
fait de mieux.
Particulièrement étonnés par deux projets à Phitsanulok (Thaïlande) et à Hanoï (Vietnam),
nous nous sommes alors questionnés sur notre système de gestion des déchets en France.
Ce que nous jetons dans la première poubelle venue, d’autres le gardent précieusement et lui
attribuent même une valeur monétaire. La notion de « déchet» est donc très relative. Les
Français n’ont pas pour habitude de stocker leur canette de soda pour les revendre. Une fois
vidées, elles sont tout simplement jetées. A Phitsanulok (Thaïlande), un kilogramme de
canette d’aluminium se vend en moyenne 41 baths, l’équivalent d’un euro. Propriétaire de
l’entreprise Wongpanit, Monsieur Somthai Wongchaoren rachète les déchets des habitants de
la ville et les transforme en or.
“Waste is gold” est le maître mot de cet entrepreneur. Autour d’un plat de riz sucré et de
mangues, Somthaï Wongchaoren nous raconte comment il a créé son entreprise. L’idée est
née il y a 30 ans en discutant avec les chiffonniers qui vivaient sur la décharge. Il a constaté
que les Thaïlandais produisaient plus de 40 000 tonnes de déchets par jour. La mission
économique de Bangkok nous informe aussi dans son rapport sur « La gestion des déchets en
Thaïlande » (Missions économiques, 2004) que seulement 5% des déchets sont
incinérés, recyclés ou valorisés. Les 95% restant sont mis directement en décharge, brûlés ou
jetés dans la nature. Le marché à exploiter est donc énorme. En fondant son entreprise, il a
offert des emplois décents aux anciens chiffonniers. Les bénéfices sont non seulement sociaux
mais aussi environnementaux puisque les quantités de déchets brûlés ou jetés en décharge
sauvage diminuent. La plupart des habitants de la ville apporte leurs déchets directement à
l’entrepôt de l’usine mais ils peuvent aussi demander aux salariés de Wongpanit de venir les
chercher à leur domicile, contre un prix de rachat plus faible. Les déchets sont ensuite
nettoyés puis compressés avant d’être revendus à des entreprises spécialisées dans le
recyclage.
En France, nous n’avons pas à nous préoccuper de nos déchets. C’est une chance considérable
qui n’est pas offerte à tous en Asie du sud-est. Cependant, cette collecte nous coûte cher et
son coût augmente années après années, avec un taux de croissance annuel de 6,2% de 1995 à
2006 (ADEME). Or, à un taux annuel constant de 6,2%, le coût double tous les onze ans environ (11,3). En outre, c'est 90% de la population française qui paye ce coût par l’intermédiaire de taxes
(taxe d’enlèvement des ordures ménagères) dont le montant est totalement indépendant de
l’utilisation du service (ADEME). Comme dans la ville de Phitsanulok, il serait intéressant
que les Français qui trient puissent bénéficier d’un avantage économique. C’est d’ailleurs
l’objectif du Grenelle 2 qui autorise « les collectivités locales à expérimenter, pendant trois
ans, la mise en place d’une part variable incitative, calculée en fonction du poids et du
volume des déchets, dans la taxe d’enlèvement des ordures ménagères ». L’idée est de
pénaliser ceux qui ne font pas d’efforts et d’encourager fortement les autres en augmentant la
taxe des premiers pour diminuer celle des seconds du même montant. C’est le principe du
pollueur-payeur.
Certes, vendre ou trier ses déchets représente un gain économique. Mais ce gain restera
toujours assez faible. Au-delà de l’aspect économique, c’est aussi pour la bonne santé de
l’environnement, et donc des Hommes, qu’il est nécessaire de valoriser nos déchets. A Hanoï
(Viêtnam), nous avons rencontré Mlle Le Minh Ngoc, l’une des responsables du projet 3R :
Reduce, Reuse and Recycle. En réalisant son projet, elle a constaté que la sensibilisation est
essentielle pour un changement durable des comportements des citoyens.
Elle nous explique que le système de collecte des déchets est très peu efficace. Les éboueurs
parcourent chaque jour les rues de la capitale à pied. Ils poussent un chariot et alertent les
habitants de leur passage à l’aide d’une cloche. Quand la cloche retentit, les résidents sortent
les uns après les autres, pour jeter tous leurs déchets dans le chariot. Pas de tri préalable,
aucune valorisation possible. De ce constat est née l’idée du projet 3R en 2006.
Dans 4 quartiers-pilotes, l’ambition du projet est d’améliorer le système de collecte et de
diminuer le volume des déchets enfouis à la décharge. Pour ce faire, l’équipe de Mlle Le
Minh Ngoc a repensé tout le processus. Tous les 200 mètres environ sont disposées deux
poubelles, l’une orange et l’autre verte, dans lesquelles les habitants de Hanoï peuvent
déposer respectivement les déchets inorganiques et les déchets organiques, à n’importe quelle
heure de la journée. Ils n’ont plus à attendre le passage du chariot. Les déchets organiques
déposés dans les poubelles vertes sont ensuite transportés à la Cau Dien compost, l’usine qui
transforme les déchets organiques en compost.
Disposer deux poubelles aux couleurs différentes n’est pas suffisant. Selon Mlle Le Minh
Ngoc, si ce projet est une réussite, c’est avant tout grâce au travail de sensibilisation effectué
en amont. De nombreuses publicités, ainsi que des clips télévisés et des chansons, ont été
réalisés pour sensibiliser la population à l’importance du tri de leur déchet. Dans chacun des
quatre quartiers concernés par le projet, des personnes sont élues «chef de résidence» et
assurent la bonne mise en œuvre du projet 3R. Nous avons rencontré l’un d’entre eux. Au
début du projet, il avait l’habitude de se poster devant les poubelles, une heure par jour, pour
contrôler les gestes éco-citoyens des habitants de la résidence!
L’ambition du Ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de la Mer
en France est similaire à celle du projet 3R au Vietnam. L’un des axes stratégiques de La
politique des déchets 2009- 2012 est de « faire passer de dix à douze millions les foyers
pratiquant le compostage domestique, avec l’appui de maîtres composteurs. […] Le
compostage maîtrisé de quartier, en pied d’immeuble, et le compostage autonome, en
établissement, seront également encouragés» (MEEDM, septembre 2009). Les habitants élus
«maître composteur » assurent alors le même rôle de sensibilisation que le « chef de
résidence » à Hanoï. Il s’agit de s’assurer que les déchets organiques sont bien séparés des
déchets inorganiques, d’abord pour alléger le poids de nos poubelles, ensuite pour transformer
nos déchets organiques en compost.
En conclusion, l’existence d’un gain économique apparait comme un levier intéressant pour
une meilleure gestion des déchets. Mais c’est surtout la sensibilisation qui permet à chacun de
mieux comprendre les enjeux du développement durable : ainsi les citoyens s’adaptent plus
facilement aux nouvelles exigences.
En tant qu’étudiants en école de commerce, spécialisés en gestion et développement durable,
nous nous questionnons maintenant sur les stratégies à mettre en place au sein des entreprises
pour diminuer la quantité de déchets qu’elles produisent. Aujourd’hui, fabriquer un produit
c’est créer des déchets. Certaines démarches, comme celles de l'organisme suédois The Natural Step ou du Capitalisme
naturel, nous poussent à réfléchir différemment.
Aurélien AMAZ et Charlotte MOUREY, le 4 novembre 2010
Pour toutes questions ou informations complémentaires, vous pouvez nous joindre par e-mail aux adresses suivantes :
aurelien.amaz@gmail.com et charlotte.mourey@gmail.com
Bibliographie
ADEME. (s.d.). Récupéré sur http://www2.ademe.fr/servlet/KBaseShow?sort=-
1&cid=96&m=3&catid=15806
MEEDM. (septembre 2009). La politique des déchets 2009- 2012. Récupéré sur
www.developpement-durable.gouv.fr/.../Brochure_Dechets_cle13b473.pdf
MEEDM. (Juillet 2010). Le Grenelle de l'Environnement, Loi Grenelle 2. Récupéré sur
www.developpement-durable.gouv.fr/.../Grenelle_Envt-2_DEF_web.pdf
Missions économiques- Ambassade de France en Thaïlande. (2004). La gestion des déchets
en Thaïlande. Récupéré sur www.dree.org/documents/98/70622.pdf
Enjeux
On entend souvent dire que dans les pays d'Asie, les gens sont généralement trop pauvres pour se préoccuper de recyclage. Deux étudiants français du programme de Gestion et développement durable de l'université de Sherbrooke, Charlotte Mourey et Aurélien Amaz, y ont fait une tournée afin de comparer quelques systèmes asiatiques de gestion des déchets ménagers avec ceux que l'on retrouve en Occident.
Synthèse
Ce que nous jetons dans la première poubelle venue, d’autres le gardent précieusement et lui
attribuent même une valeur monétaire. La notion de « déchet» est donc très relative. De la Thaïlande jusqu’au Vietnam, en passant par le Laos et le Cambodge,
nous sommes partis quatre mois interviewer des entrepreneurs qui agissent pour une meilleure
gestion des déchets ménagers dans leur pays.