Gestion de projets

Dans la plupart des dictionnaires, le mot leadership est associé aux qualités de chef ou à l’action de commander. Cette définition relève plus du contrôle et de la motivation, qui supposent une influence extérieure déterminant le comportement d’un groupe, que de l’inspiration, qui suscite l’élan créateur et l’enthousiasme des individus qui le composent. Le spectre des conceptions du leadership s’étend d’une vision individuelle, le mythe du héros, à une vision collective, la communauté de leaders.

Essentiel

L’action se déroule dans une région isolée de l’île au Nord de la Nouvelle-Zélande, dans la vallée Whirinaki située près de la forêt du même nom. Elle met en vedette la communauté de Te Whaiti Nui-a-Toi formée de Maoris du peuple Ngatiwhare et de pakeha, Néo-zélandais de descendance européenne. Jusque dans les années 1980, l’économie de cette petite communauté reposait presque exclusivement sur l’exploitation forestière. Mais la forêt Whirinaki est l’une des plus imposantes et des plus précieuses forêts pluviales indigènes de notre planète. Elle s’est donc retrouvée sur la liste des forêts protégées, au détriment des habitants de Te Whaiti qui ont vu leur taux de chômage grimper à 99%!

L’école primaire de Te Whaiti est perchée sur la colline Poukuru, un site inspirant que les Ngatiwhare ont jugé digne d’accueillir une maison d’éducation. Pourtant, en 1996, son existence a été remise en question quand les inspecteurs du ministère néo-zélandais de l’Éducation (Education Review Office ou ERO) ont relevé de multiples manquements à leurs critères: le programme n’était pas couvert, il n’y avait pas de procédures d’évaluation, la gestion était dans une mauvaise passe, etc. La communauté de Te Whaiti, d’abord privée de son gagne-pain, est maintenant menacée de perdre son école: l’avenir s’annonce très sombre. Laissée à elle-même, la petite société doit se mobiliser toute entière pour se sortir du pétrin. Comme Genevieve Doherty, la directrice de l’école, en témoigne: «Nous avons réalisé qu’avant de pouvoir changer quoi que ce soit, nous devions nous changer nous-mêmes». Plutôt que d’engager à grands frais des spécialistes de l’extérieur et de gaspiller ses précieuses ressources financières, la communauté de Te Whaiti a donc choisi de retrouver ses connaissances ancestrales, d’explorer ses propres talents, de les mettre à profit et d’aller chercher les compétences qui lui manquaient. Les résultats de cette introspection et de la participation de toutes les générations sont révolutionnaires.

Lire La transformation de l'école de Te Whaiti

Le processus de transformation de l'école de Te Whaiti a fasciné Peter Goldsbury à tel point qu’il y a dirigé une recherche pour aider la communauté à «extraire la magie du kiwi», pour reprendre son image vivante, c’est-à-dire à conceptualiser sa méthode naturelle unique et à la diffuser comme nouveau modèle de leadership. Peter, le conseil scolaire, les aînés de la communauté, les professeurs de l’AUT et quelques participants de son atelier de gestion de projets ont travaillé bénévolement pendant des mois à la conception de ce modèle auquel ils ont donné le nom de Cycle de vie - Tipu Ake ki te Ora (Tipu: croître de l’intérieur, Ake: toujours plus haut, ki te Ora: vers le bien-être).


Lire la description du modèle de gestion pour les organisations innovatrices Tipu Ake ki te Ora

Enjeux

Dans La Danse du Changement, Peter Senge décrit ainsi le mythe du super dirigeant (p. 16): «Selon cette croyance largement partagée, les dirigeants seraient une élite dotée de capacités de commandement et d’influence. Ils seraient parvenus à leur poste justement en raison de cet ensemble unique de talent, d’ambition, de vision, de charisme mâtiné d’une certaine dose d’orgueil démesuré. Ils seraient en mesure de surmonter les obstacles qui paralysent les autres. Ils permettraient que de grandes choses se réalisent. La logique est claire: si vous voulez faire la différence, il vaudrait mieux que vous apparteniez à ce groupe hors du commun.» Par ailleurs, Senge décrit aussi «les ingrédients d’une bonne «écologie du leadership» (p. 672), une communauté humaine interdépendante à la hauteur de la diversité et de la taille des défis du changement profond». Il ajoute: «Il faudrait être un peu fou pour à la fois prendre au sérieux les multiples défis interdépendants impliqués dans le changement profond et continuer à penser que le changement se produit lorsque de grands hommes «conduisent» le changement d’en haut. Comment un homme ou un petit groupe en haut de la hiérarchie aurait-il les moyens de traiter tous les défis (que nos organisations doivent relever)?»

De plus en plus d’auteurs, comme Daniel Goleman (Primal Leadership), Max DePree (Jazz Leadership) et Rick Lash (Share the Wisdom of the Tribe), s’intéressent au type de leadership exercé dans les Premières Nations. Une tribu n’embauche pas, on en fait partie. Ce sentiment d’appartenance, la reconnaissance des interdépendances et l’intimité entre les membres assurent la combinaison des talents et des compétences nécessaires au progrès de la communauté. Les leaders tribaux font appel à la mythologie pour inciter les membres à jouer leur rôle dans le grand drame de la vie. Ils créent du sens en faisant appel au sens d’identité et à la quête personnelle de chacun. L’analyste jungien James Hollis dit que les leaders «ne sont pas là pour nous détourner de notre propre voyage, mais plutôt pour nous le rappeler» (Rick Lash, Globe and Mail, 29 août 2003). La complexité des problèmes auxquels nos organisations sont aujourd’hui confrontées exige la participation de tous les individus qui les composent. C’est pourquoi le modèle tribal de partage des connaissances et du leadership retrouve toute sa pertinence.

Nul n’est allé aussi loin dans la compréhension de ce mode de fonctionnement que le modèle Tipu Ake ki te Ora inspiré de l’histoire d’une petite communauté autochtone néo-zélandaise, isolée, désoeuvrée et menacée de perdre son école primaire, mais qui a su puiser dans ses valeurs et dans la sagesse de ses ancêtres maoris le courage d’ouvrir à ses enfants les portes de l’économie du savoir.

Articles


La transformation de l'école de Te Whaiti

Andrée Mathieu
Une petite communauté autochtone néo-zélandaise, isolée, désoeuvrée et menacée de perdre son école primaire a su puiser dans ses valeurs et dans la sagesse de ses ancêtres maoris le courage d’ouvrir à ses enfants les portes de l’économ

Dossiers connexes




Articles récents