Voyager en dépit du terrorisme

Franck Michel

Devant la menace du terrorisme, les voyagistes s'adaptent et proposent de voyager pour comprendre!

Kidnappings et attentats, le tourisme est-il une potentielle bombe à retardement? Intervention américaine en Irak, SRAS en Asie orientale, enlèvements en Colombie ou en Algérie, attentats un peu partout, pour le voyageur contemporain, le trosième millénaire a mal commencé! Mais en dépit de ce pessimisme ambiant qui conduit le nomade fragilisé à se sédentariser d'urgence, le tout-sécuritaire n'est pas encore la tasse de thé du voyageur qui s'est fixé pour objectif de découvrir le monde. Ni même pour le vacancier qui refuse de céder son "droit" de repos, exotique de préférence. Si le terroir est plus que jamais à la mode, certains touristes ne se découragent pas, et comme le souligne le rédacteur en chef de Géo, Jean-Luc Marty, parlant d'une année de reportages publiés dans son magazine: "c'est heureusement, la preuve qu'il existe toujours des voyages jamais faits, des paysages jamais vus, des chemins de traverse incroyables, même dans des pays sous tension" ( dans Géo, décembre 2003, éditorial). On peut ne pas partager cet optimisme. Certains voyagistes, rebaptisés "agences tous risques", à l'instar de Cosmopolis, entonnent un credo plutôt encourageant: "Voyager pour comprendre". Le problème commence lorsque ce tourisme de proximité d'un genre assez nouveau combine les visites avec les rencontres avec des personnalités. Ainsi, en 2002, lors d'un voyage en Irak encore sous le règne du Raïs, une rencontre avec le numéro deux du régime, Tarek Haziz, transforma le voyage touristique en voyage officiel avec son cortège de voitures ministérielles! Lorsque le touriste en vient, bon gré, mal gré, à se compromettre de la sorte avec les tenants d'un régime dictatorial, on ne peut guère s'étonner que la population qui subit de plein fouet la terreur au jour le jour soit si peu disposée à "aimer les touristes" et le tourisme en général. D'aucuns iront, pacifiquement ou non, et le plus logiquement du monde, se révolter à la première occasion donnée. Quand les voyageurs consultent le site Internet du ministère des Affaires étrangères qui mentionne les pays à risques, ils devraient garder en mémoire que parfois le tourisme, par son arrogance et sa prétention, fomente et instaure son propre boycott (p. 328-329).

À lire également du même auteur

Les transformations de l'imaginaire
Ce qui risque d'advenir lorsque les spiritualités orientales sont récupérées par l'imaginaire occidental...

Quête du sacré
La recherche du sacré dans le voyage, une expérience réelle ou une occasion de prendre des libertés avec les règles de la vie normale?

Voyager en marchant
Renouer avec la marche, c'est s'adonner au plus vieux mode de voyager des êtres humains.

Exotisme et voyage
Paradoxe du voyageur: il veut s'assimiler à l'autre qu'il découvre mais cette assimilation n'est-elle pas fantasmatique plus que réelle?

Les origines du tourisme
Le tourisme se perd-il dans la nuit des temps (époque gréco-romaine ou Europe médiévale) ou tire-t-il son origine de la révolution industrielle? Les opinions varient à ce sujet selon les auteurs.




Lettre de L'Agora - Printemps 2025

  • Billets de Jacques Dufresne

    J'ai peur – Jour de la Terre, le pape François, Pâques, les abeilles – «This is ours»: un Texan à propos de l'eau du Canada – Journée des femmes : Hypatie – Tarifs etc: économistes, éclairez-moi ! – Musk : danger d'être plus riche que le roi – Zelensky ou l'humiliation-spectacle – Le christianisme a-t-il un avenir?

  • Majorité silencieuse

    Daniel Laguitton
    2024 est une année record pour le nombre de personnes appelées à voter, mais c'est malheureusement aussi l’année où l'abstentionnisme aura mis la démocratie sur la liste des espèces menacées.

  • De Pierre Teilhard de Chardin à Thomas Berry : un post-teilhardisme nécessaire

    Daniel Laguitton
    Un post-teilhardisme s'impose devant l'évidence des ravages physiques et spirituels de l'ère industrielle. L'écologie intégrale exposée dans les ouvrages de l'écothéologien Thomas Berry donne un cadre à ce post-teilhardisme.

  • Réflexions critiques sur J.D. Vance du point de vue du néothomisme québécois

    Georges-Rémy Fortin
    Les propos de J.D. Vance sur l'ordo amoris chrétien ne sont somme toute qu'une trop brève référence à une théorie complexe. Ce mince verni intellectuel ne peut cacher un mépris égal pour l'humanité et pour la philosophie classique.

  • François, pape de l’Occident lointain

    Marc Chevrier
    Selon plusieurs, François a été un pape non occidental parce qu'il venait d'Amérique latine. Ah bon ? Cette Amérique se tiendrait hors de l'Occident ?

  • L'athéisme, religion des puissants

    Yan Barcelo
    L’athéisme peut-il être moral? Certainement. Peut-il fonder une morale? Moins certain, car l’athéisme porte en lui-même les semences de la négation de toute moralité.

  • Entre le bien et le mal

    Nicolas Bourdon
    Une journée d’octobre splendide, alors que je revenais de la pêche, Jermyn me fit signe d’arrêter. « Attends ! J&

  • Le racisme imaginaire

    Marc Chevrier
    À propos des ouvrages de Yannick Lacroix, Erreur de diagnostic et de François Charbonneau, L'affaire Cannon

  • Le capitalisme de la finitude selon Arnaud Orain

    Georges-Rémy Fortin
    Nous sommes entrés dans l'ère du capitalisme de la finitude. C'est du moins la thèse que Arnaud Orain dans son récent ouvrage, Le monde confisqué

  • Brèves

    La source augustinienne de la spiritualité de Léon XIV – La source augustinienne de la spiritualité de Léon XIV – Chine: une économie plus fragile qu'on ne le croit – Serge Mongeau (1937-2025) – Trump: 100 jours de ressentiment – La classe moyenne américaine est-elle si mal en point?