Beaumarchais

Victor Hugo
Allez-vous-en aux bois, les belles paysannes !
Par-dessus les moulins, dont nous sommes les ânes,
Jetez tous vos bonnets, et mêlez à nos cœurs
Vos caprices, joyeux, charmants, tendres, moqueurs;
C'est dimanche. On entend jaser la cornemuse;
Le vent à chiffonner les fougères s'amuse;
Fête aux champs. Il s'agit de ne pas s'ennuyer.
Les oiseaux, qui n'ont point à payer de loyer,
Changent d'alcôve autant de fois que bon leur semble
Tout frémit; ce n'est pas pour rien que le bois tremble;
Les fourches des rameaux sur les faunes cornus
Tressaillent; copions les oiseaux ingénus;
Ah ! les petits pillards et comme ils font leurs orges!
Regardons s'entr'ouvrir les mouchoirs sur les gorges
Errons, comme Daphnis et Chloé frémissants;
Nous n'aurons pas toujours le temps d'être, innocents;
Soyons-le; jouissons du hêtre, du cytise,
Des mousses, du gazon; faisons cette bêtise,
L'amour, et livrons-nous naïvement à Dieu.
Puisque les prés sont verts, puisque le ciel est bleu,
Aimons. Par les grands mots l'idylle est engourdie;
N'ayons pas l'air de gens jouant la tragédie;
Disons tout ce qui peut nous passer par l'esprit;
Allons sous la charmille où l'églantier fleurit,
Dans l'ombre où sont les grands chuchotements des chênes.
Les douces libertés avec les douces chaînes,
Et beaucoup de réel dans un peu d'idéal,
Voilà ce que conseille en riant floréal.
L'enfant amour conduit ce vieux monde aux lisières;
Adorons les rosiers et même les rosières.
Oublions les sermons du pédant inhumain;
Que tout soit gaîté, joie, éclat de rire, hymen;
Et toi, viens avec moi, ma fraîche bien-aimée;
Qu'on entende chanter les nids sous la ramée,
L'alouette dans l'air, les coqs au poulailler,
Et que ton fichu seul ait le droit de bâiller.

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