L'Encyclopédie sur la mort


Tsvetaïeva (Zwetajewa) Marina

Fille d’un professeur d’histoire de l’art à l’université de Moscou, Marina Zwetajewa Tsvetaïeva (1892-1941) n’a que seize ans lorsqu’elle publie ses premiers poèmes. À vingt-neuf ans, elle dédie à Vladimir Maïakovski*, « le chantre des miracles de trottoir », un poème : « Plus haut que les croix, les cheminées, baptisé de fumée et de feu, Archange poids lourd au pas pesant, Salut dans les siècles, Vladimir ». Marquée par ses racines nationales, par les chants populaires russes et par la tradition du romantisme allemand, elle compose quelques recueils de nouvelles. Violemment opposée à la révolution d’octobre, elle ira à Berlin en 1922, avec sa fillette de douze ans, rejoindre son mari, ancien officier de l’armée blanche. Elle séjourne ensuite à Prague avant de s’installer à Paris où elle vivra dans la misère se souciant fort peu des aspects matériels de l’existence.

Elle écrit beaucoup, mais ses écrits sont rarement publiés. Dans un cycle de poèmes, dédiés à la Tchécoslovaquie, elle dénonce avec force la montée du fascisme. L’œuvre de cette « éternelle insurgée » trouve son unité dans le refus de la médiocrité bourgeoise et dans la quête de l’absolu. En 1939, dévorée de nostalgie et lassée par les intrigues de l’émigration blanche, elle rentre en URSS où, durant l’invasion allemande, elle mène une vie de privations et de douleurs jusqu’à ce qu’elle se donne la mort le 31 août 1941 (H. Troyat, L’éternelle insurgée, Paris, Grasset, 2001). En 1934, pour clore son poème « Le jardin », Marina écrit : « Un tel jardin pour mes vieux jours! L’autre jardin? ou, peut-être, est-ce l’autre monde? Donne-le moi pour ma vieillesse ou l’absolution de l’âme » (E. Triolet, La poésie russe, Paris, Seghers, 1971, p. 329). L’intériorité de la poète en mal de vivre est intimement associée au mal de vivre d’une nation soit en exil, soit sous l’emprise de l’ennemi.

Liens

Journal d’un poète du 21ème, samedi le 30 août 2008
« Marina Tsvetaeva, l'enfance »
http://bernardgueit.over-blog.com/article-22367106.html

Site consacré à Marina Zwetajewa :
http://tsvetaeva.free.fr/

Marina Zwetajewa à Sofia Parnok "Die Freundin" (1914)

16 octobre 1914

L’AMIE
Heureuse ? – Vous ne répondrez pas !
Je m’en doute ! – Et c’est tant mieux !
Vous avez, je crois, embrassé trop de gens,
De ça cette tristesse.
Les héroïnes tragiques de Shakespeare,
Je les vois toutes en vous.
Jeune lady tragique, mais vous,
Personne ne vous a sauvée.
Fatiguée, tellement, de répéter
La rengaine d’amour : ce poids
De fonte est éloquent –
Sur vos bras exsangues.
Je vous aime! – Le péché – cette nuée
D’orage – est sur vous! Car
Vous êtes agressive, et brûlante,
Et la meilleure.
Car nos vies, à nous, - sont différentes
Dans l’obscurité des chemins,
Et vos séductions inspirées,
Et votre sombre destin.
Car, mon démon au front haut,
Moi, je vous demande pardon, car
Vous, on ne peut plus vous sauver, même
En se déchirant au-dessus du cercueil! –
Car ce frisson-là se peut-il
Qu’il ne soit, lui qu’un rêve?-
Car, par une délicieuse ironie,
Vous – vous n’est pas lui.

6 octobre 1914. Traduction: Henri Deluy
http://moutonsbicolores.blogspot.com/2008/05/blog-post_16.html

Oeuvres

Rainer Maria Rilke, Marina Zwetajewa, Boris Pasternak Briefwechsel (Correspondance), Insel Verlag, 1983.
Marina Zwetajewa,
Liebesgedichte (Poèmes d'amour), Insel Verlag, 2008.
Marina Zwetajewa, Liebesgedichte, Fischer S. Verlag, 2002.
Marina Zwetajewa,
Gruß Vom Meer (Saluts du Lac), Hanser, Carl + Co., mars 1994.
Marina Zwetajewa, Auf Eigenen Wegen. Tagebuchprosa. Moskau 1917 - 1920 (Sur mes propres chemins. Journal),
Suhrkamp Verlag, 2007.

Bibliographie

Asadowski K.M., Pasternak J.W. et J.B. Pasternak, « Rilke-Briefe an Marina Zwetajewa » (Lettres de R. à M. Z.),
Neue Deutsche Literatur Berlin, 979, vol. 27, n °10, p. 119-136

Résumé : Rilke et la Russie. Les réponses de Rilke aux lettres de M. Z. (ces dernières sont conservées au département des manuscrits de la Bibliothèque. Nationale de Berne), se trouvaient dans la succession de Boris Pasternak. Elles sont, pour la plupart, datées de 1926 et écrites de Val Mont.

Mots-clés français : Poésie lyrique; Expressionnisme; Rilke (R. M.) ; Cvetaeva (M. I.); Correspondance; Edition de texte; Histoire de la littérature.

Erich Arendt, « Marina Zwetajewa : La parole suicidée ». Incipit; « Wie Hundstod Anonym dein Grab...» (Comme la mort d'un chien, anonyme est ma tombe)

« L'autre grand "poème-portrait" d'Erich Arendt, Marina Zwetajewa repose sur le même dévoilement critique des rapports entre silence, censure et totalitarisme stalinien qui va de pair avec la revendication de la mission mémorielle et médiatrice de la poésie dans la "Jetztzeit" [...] Erich Arendy fait porter l'accent principal sur les déterminations historiques de la vie et de l'oeuvre de Zwetajewa, broyée par le totalitarisme stalinien, interdite de publication de son vivant jusqu'en 1990, dont le sort effroyable s'avère indirectement paradigmatique des persécutions subies par la poésie en général sous le régime communiste qui est ici condamné avec une rare violence et clarté » (Nadia Lapshine, Poésie et histoire dans l'oeuvre tardive d'Erich Arendt (1903, vol 1 et 2, L'Harmattan, 2003, p. 210-213.



Date de création:-1-11-30 | Date de modification:2012-04-10

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