Le masque est la technique la plus simple et rapide pour changer d'apparence. En cachant son visage aux personnes qu'il rencontre, il autorise son porteur à jouer un rôle tout différent de sa propre personnalité. Il est utilisé à l'occasion de carnavals, Halloween (masques d'horreur) et bals masqués.
Cependant, le masque est aussi le signe de la condition mortelle des humains. Ainsi, au moment des funérailles du roi de Léré (Tchad), la société lui confère, par la présence des masques, le statut d'homme qui lui a été refusé, lors de sa circoncision. Les za-tchou-tchou hurlant la devise rappellent au souverain sa condition mortelle: «La mort, la mort est le masque du roi!». Au Gabon, dans le bassin de la Ngounié, le mukuyi commémore les défunts. Monté sur d'immenses échasses, un danseur masqué, dont le corps se dissimule sous un vêtement en tissu -autrefois en raphia- exécute des figures acrobatiques tout en brandissant de chaque main un chasse-mouches. Les masques du mukuyi sont censés représenter des ancêtres, parfois féminins. Le visage énigmatique du masque est légèrement triangulaire. Sous les yeux clos, étirés en amande, et comme gonflés par le sommeil, les pommettes haut placées s'arrondissent.
« Parce qu'il dévoile en dissimulant, sert le culte comme les plaisirs profanes, le masque est aussi vieux que le monde. A la fin du XIXe siècle, alors que les codes du naturalisme entrent en crise, sa résurgence est massive, inventive et troublante ; elle profite de l'intérêt de l'époque pour la Grèce archaïque, le Japon et le portrait rapproché en photographie. Tous les arts donc alimentent le renouveau du masque, de la peinture au théâtre d'avant-garde. Ensor*, Munch*, Vallotton, Böcklin, Klinger, Gauguin ou Picasso, soit quelques-uns des vrais créateurs de l'époque, à travers l'Europe entière, ont attaché leur nom et leur esthétique à cette étrange vogue ».
http://www.musee-orsay.fr/fr/manifestations/expositions/au-musee-dorsay/
presentation-generale/article/masques-de-carpeaux-a-picasso-20450.html?
cHash=5bfb5c7d8f&tx_ttnews%5BbackPid%5D=221
«Mais déjà une personne, n'est-ce pas un masque? Dans le théâtre antique, l'acteur portait toujours un masque dont la bouches étaient un porte-voix, et ce masque se nommait « persona » (personne): la voix sonnait à travers lui. Ainsi, si l'homme est une personne, c'est que le masque lui a donné son nom. Un héros de tragédie était toujours en relation avec le monde divin ou le monde démoniaque. Pour frayer avec les êtres surnaturels, il portait toujours un masque; il leur présentait de lui-même une apparence rituelle, façonnée selon les canons d'un art hiératique (c'est-à-dire conforme d'une tradition liturgique). Dans toute l'Afrique, le sorcier, pour évoquer les puissances ténébreuses, revêt un costume solennel et fantasmagorique, et cache son visage sous un masque.
La nature même pose un masque à la créature humaine pour une entrée dans la vie comme pour une entrée dans la mort. Elle modèle le masque de la femme enceinte; elle sculpte d'un doigt tragique, avec l'os et la chair, ce masque prémonitoire, lisible comme des lettres familières, des hommes que va saisir la griffe de la mort.»
http://www.hermanubis.com.br/Artigos/FR/ARFRLeSymbolismeduMasque.htm
En portant le masque, l'Iroquois cesse d'être un membre de la tribu comme un autre et se métamorphose en un sorcier. il n'appartient plus alors à la vie quotidienne, mais prend part au sacré, à l'invisible. S'il s'est masqué, c'est moins pour ne pas être identifié que pour être reconnu en tant que chaman:
« Il y a la mort ; un masque, c'est de la mort, un morceau de mort. La mort d'un arbre d'abord. Voici comment le profane, une fois accepté par la False Face Society, procédait à la fabrication de son masque. Il se rendait dans les bois pour y choisir un arbre adéquat, c'est à dire vivant et plein de sève. Ceci est essentiel : en effet il s'agit de tuer, et les lois du combat, du meurtre, exigent que le vaincu s'y soit présenté en pleine Forme; pour une raison de fair-play bien sûr, mais aussi, et surtout, parce que le but recherché dans ce genre d'affaire est toujours l'appropriation de la force, de l'énergie, de la vie de l'adversaire abattu. L'Iroquois rendait visite à son arbre trois jours de suite et brûlait du tabac à son pied : ii soufflait également de la fumée dans ses branches, et lui demandait par avance pardon du crime qu'il se préparait à commettre. Puis il arrachait une partie de l'écorce, sculptait grossièrement l'esquisse de son masque à même le tronc et, parfois en abattant l'arbre, découpait la partie entaillée. Il s'écoulait parfois une dizaine d'années avant que cette dernière opération ne soit effectuée, et la croissance de l'arbre ajoutait encore à la déformation des traits du faux visage. Le travail de sculpture était terminé à la maison, où avait lieu également la finition, polissage et peinture.
Un masque iroquois représente donc la torture et, souvent, la fin d'un arbre. Mais ta matière dont il est fait ne suffit pas à évoquer la mort, il y faut ajouter son immobilité. Cette face horriblement déformée présente aujourd'hui les mêmes traits que ceux qu'elle avait le jour où elle a été sculptée; son expression n'a pas changé depuis. Elle est restée identique, arrêtée, figée comme celle d'une dépouille mortelle que paralyse la «rigor mortis» [la rigidité de la mort]. L'Iroquois nie le visage que la nature lui a donné, il y colle une peau morte. Porter un masque, c'est donc remplacer un visage mobile par un autre figé, transformer une face vivante en une morte, on peut parler de suicide symbolique.
Cependant l'homme masqué, l'Indien qui porte ce symbole de mort est bien vivant: et il exalte, dans la danse, son corps et. sa vie. de manière frénétique. [...] Le masque concrétise, rend visible la frontière entre la vie et la mort. Il illustre le moment où le vivant meurt (et c'est l'action de se masquer) et où le mort redonne la vie (et c'est le premier pas de la danse), l'instant incompréhensible où le mouvement et l'immobilité s'engendrent réciproquement, la portion de temps, ou plutôt d'éternité, où vie et mort se confondent. C'est ainsi qu'il guérit : les danseurs entraînent le malade dans un monde où toute opposition, toute contradiction est dépassée, transcendée, dans l'au-delà où sa maladie ne compte plus ; puis ils le rejettent dans l'univers de son quotidien. La maladie est restée dans ce « là-bas » symbolisé par le faux visage. Fabriquer un masque et le porter, c'est geler la vie. Figer le mouvement et, de cette mort, de cette immobilité, tirer une danse, une renaissance, la guérison ».
http://michel.balmont.free.fr/charis/masque.html
IMAGE: masque mukuyl, Gabon.