L'Encyclopédie sur la mort


Lépine Marc

Le 6 décembre 1989, Lépine a tué quatorze étudiantes de l’École polytechnique de l’université de Montréal avant de se suicider le même jour. De service à l’École polytechnique, c’est le policier Pierre Leclair qui a découvert le corps inerte de sa propre fille près de celui du tueur. Voici des faits rapportés par le policier à la journaliste Isabelle Hachey: «Maryse, 23 ans, finissante en métallurgie, était en train de faire une présentation devant les autres étudiants lorsque Lépine a fait irruption dans la classe. Il a tout de suite tiré sur elle, l’atteignant à l’omoplate. Elle est tombée par terre et gémissait: “Venez m’aider, venez m’aider…” Mais au même moment, Lépine courait sur les bureaux et tuait les filles dans la classe. Alors personne n’est allé l’aider. Après quelques minutes de ce terrible manège, Lépine est revenu auprès de Maryse et l’a poignardée en plein cœur. Son père croit aujourd’hui que c’est à ce moment que le tueur a pris conscience de son geste insensé et s’est donné la mort» («La lumière au bout du tunnel», La Presse, 27 novembre 1999, p. B1). Selon Louis Rousseau, professeur à l’université du Québec à Montréal, «la clef de ce théâtre se trouve peut-être cachée dans le discours du meurtrier lui-même. Pour Marc Lépine, le déplacement des rôles sexuels dans la société québécoise des années quatre-vingt lui fit interpréter l’entrée des femmes dans le territoire du pouvoir des mâles comme responsable de la clôture […] de son propre désir. Pour lui, dans le nouveau montage symbolique de notre culture, le féminisme pourra donc se substituer à l’image du père terroriste…» («Les ondes de choc d’un meurtre collectif: Polytechnique, le 6 décembre 1989», Frontières, vol. 4, no 2, 1991, p. 5-10).

En effet, Marc Lépine a laissé une lettre dans laquelle il donne libre cours à ses sentiments antiféministes: «Si je me suicide aujourd’hui, ce n’est pas pour des raisons économiques […] mais bien pour des raisons politiques. Car j’ai décidé d’envoyer Ad Patres les féministes qui m’ont toujours gâché la vie. Depuis 7 ans que la vie ne m’apporte plus de joie et étant totalement blasé, j’ai décidé de mettre des bâtons dans les roues à ces viragos. […] Même si l’épithète Tireur Fou va m’être attribué dans les médias, je me considère comme un érudit rationnel que seule la venue de la Faucheuse a amené à poser des gestes extrémistes. Car pourquoi persévérer à exister si ce n’est que pour faire plaisir au gouvernement…» En annexe suit une liste de dix-neuf noms de femmes et la note suivante: «Ont toutes failli disparaître aujourd’hui. Le manque de temps (car je m’y suis mis trop tard) a permis que ces féministes radicales survives [sic. Alea jacta est.» Outre la frustration, manifeste dans la lettre, à l’égard des femmes qui cherchent à faire une carrière professionnelle, l’absence du père («le père manquant») semble être un autre des facteurs susceptibles d’expliquer ce meurtre hautement symbolique qui a secoué profondément la population du Québec. L’impact de cette incroyable tragédie sur les familles des victimes, dix ans plus tard, a été mesuré avec une sensibilité et une précision remarquables par Isabelle Hachey dans son article «Les autres victimes de Marc Lépine», La Presse, 27 novembre 1999, p. B1.]
Date de création:-1-11-30 | Date de modification:-1-11-30