«Dans le monde grec ancien, le devoir de sépulture est lié au culte des morts. C'est ce culte qui assure au défunt une survie, non pas d'abord dans un au-delà de confort individuel, mais au tréfonds de la mémoire collective, dans le souvenir entretenu (ou enfoui) au sein de la communauté qui seule survit. Au niveau héroïque, cette mémoire est liée à la conception de la gloire, du kleos, dont Jean-Pierre Vernant a si bien souligné l'importance. Dans cette culture de la louange et du blâme la privation de sépulture équivaut à une condamnation, un manquement à la mémoire et à l'intégrité du mort, à la seule survie qui lui soit assurée, celle de la pérennité de son image dans la mémoire sociale. Le tombeau est un signal, marquée par une stèle. Un signe renvoyant à un signifié. Négliger ce signe, c'est tuer une seconde fois le mort. Ou ce qu'il en reste...» (Philippe Borgeaud, «D'Antigone à Érigone» dans Muriel Gilbert, Antigone et le devoir de sépulture, Genève, Labor et Fides, «Actes et Recherches», 2005, p. 44-58).