L'Encyclopédie sur la mort


En Frise: suicide collectif de 400 Romains (28 ap. J.-C.)

28 apr. J.-C.: en Frise, sous Tibère, 400 Romains, cernées dans une maison et craignant d'être trahis, se suicident collectivement (Tacite, Annales, IV, 72-73).

[4,72]

(1) La même année, la paix fut troublée chez les Frisons, au-delà du Rhin, plutôt par notre avidité que par l'indocilité de ce peuple. La nation était pauvre, et Drusus ne lui avait imposé d'autre tribut qu'un certain nombre de cuirs de boeufs pour l'usage de nos troupes. Personne ne les avait inquiétés sur la grandeur et la force de ces cuirs, jusqu'au primipilaire Olennius, qui, chargé du commandement de la Frise, choisit des peaux d'aurochs pour modèle de celles qu'on recevrait. (2) Cette condition, dure partout ailleurs, était impraticable en Germanie, où les animaux domestiques sont petits, tandis que les forêts en nourrissent d'énormes. Ils furent réduits à livrer d'abord les boeufs mêmes, ensuite leurs champs, enfin à donner comme esclaves leurs enfants et leurs femmes. (3) De là l'indignation, les plaintes, et la guerre, dernier remède à des maux dont on n'obtenait point le soulagement. Ils saisissent les soldats qui levaient le tribut, et les mettent en croix. Olennius dut son salut à la fuite. Il trouva un asile dans le château de Flève, d'où un corps assez nombreux de Romains et d'alliés observait les côtes de l'Océan.

[4,73]

(1) À cette nouvelle, L. Apronius, propréteur de la Germanie inférieure, fait venir de la province supérieure des détachements de légions et l'élite de l'infanterie et de la cavalerie auxiliaires. Avec ces troupes réunies aux siennes, il s'embarque sur le Rhin et descend chez les Frisons. Les rebelles avaient déjà levé le siège du château pour courir à la défense de leurs foyers. Des lagunes arrêtaient la marche d'Apronius; il y construisit des chaussées et des ponts, pour assurer le passage du gros de l'armée. (2) Pendant ce temps ayant trouvé un gué, il détache une aile de Canninéfates, et ce qu'il avait sous ses drapeaux d'infanterie germaine, avec ordre de tourner l'ennemi. Celui-ci, déjà rangé en bataille, repousse les escadrons alliés et la cavalerie légionnaire envoyée pour les soutenir. Alors on fait partir trois cohortes légères, ensuite deux, et quelque temps après toute la cavalerie auxiliaire, forces suffisantes, si elles eussent donné toutes ensemble; arrivant par intervalles, non seulement elles ne rendirent point le courage à ceux qui pliaient, mais la terreur et la fuite des autres les entraînèrent elles-mêmes. (3) Le général donne à Cethegus Labeo, lieutenant de la cinquième légion, ce qui lui restait de troupes alliées. Ce nouveau renfort pliait aussi, et Cethegus, placé dans une position critique, dépêchait courrier sur courrier, pour implorer le secours des légions. Elles s'élancent, la cinquième en tête, et, après un combat opiniâtre, elles repoussent l'ennemi et ramènent les cohortes et la cavalerie chargées de blessures. Le général romain ne songea point à la vengeance et n'ensevelit pas les morts, quoiqu'on eût perdu beaucoup de tribuns, de préfets, et les premiers centurions. (4) On sut bientôt par les transfuges que neuf cents Romains avaient péri auprès du bois de Baduhenna*, après avoir prolongé le combat jusqu'au lendemain, et que quatre cents autres, voulant se défendre dans une maison dont le maître, nommé Cruptorix, avait servi dans nos armées, avaient craint d'être trahis, et s'étaient mutuellement donné la mort.

Source: Tacite, Annales - Livre IV, 72-73
Bibliotheca classica selecta
Université catholique de Louvain, Belgique
http://bcs.fltr.ucl.ac.be/tac/anniv.html#72

Baduhenna est un bois sacré dédié à Baduhenna, déesse du champ de bataille. Ce bois était situé sur le territoire qui appartient aujourd'hui à Bitgum, au Nord-Ouest de Frise dans la commune de Menaldumadeel (Beetgum, Friesland, Pays-Bas) dans la proximité du Ysselmeer (Iselmar en Frison). (É.V.)

Date de création:-1-11-30 | Date de modification:2012-04-18