Confucius naquit à Qufu au pays de Lu en 551 avant J. C. et mourut en 479. Son nom est une latinisation du nom chinois Kongzi ou Kongfuzi (Maître Kong). Mettant les bases de ce que certains auteurs appellent l'« humanisme chinois », Confucius place l’homme au centre de ses préoccupations. Dès lors, il peut paraître étrange qu'il refuse de parler de la mort. Il ne sait rien de la vie, dit-il, comment pourrait-il alors savoir ce qu'est la mort? Préoccupé du bon fonctionnement du gouvernement grâce à des institutions politiques et des comportements individuelles recevables, il prête très peu d'attention à la survie des humains ou au monde des esprits. Ce qui lui importe c'est la politique, le rituel et les lois sur la terre. S'il parle quand-même de la mort, c'est en relation avec le culte des ancêtres et les rites du sacrifice ou en rapport avec la gestion de la vie des hommes dans sa quotidienneté. Cette gestion ou ce contrôle des sujets se fait par l'éducation sans distinction de rang et selon la formule : «apprendre par l'expérience». Or, cette éducation universelle prend des allures de répression ou de redressement des conduites ayant pour but l'ordre politique et l'harmonie sociale.
Les Entretiens de Confucius, tels qu'ils nous ont été transmis par les jésuites aux XVII° et XVII° siècles, présentent le Maître entouré de ses disciples fidèles, proférant des aphorismes sur la bonne conduite des humains. Dans leur état actuel, ils ont été codifiés à la fin de la dynastie des Han autour du III° siècle de notre ère. Ils reflètent davantage le confucianisme dogmatique de l'orthodoxie d'État que la pensée de Confucius lui-même.
Au sujet du deuil* on observe que le deuil le plus lourd est celui que le fils doit à son père ou le sujet à son souverain:
« Le Maître dit: Observe les intentions d'un homme, tant que son père est en vie; ce n'est qu'à la mort de son père qu'il révélera ses principes de conduite. Si, durant les trois ans de deuil, il perpétue les principes de son père, il aura fait preuve d'une grande piété filiale » (Livre I, 11).
«Zai Wo: À quoi bon observer trois ans de deuil pour ses parents, alors qu'un seul suffirait amplement. Si, pendant trois ans, les hommes de bien délaissent les rites, ceux-ci tomberont en désuétude; s'ils abandonnent la musique, elle finira par disparaître. En l'espace d'un an, les récoltes de l'année précédente ont le temps de s'épuiser, le grain nouveau de mûrir et la vrille à feu de faire jaillir cinq fois le feu saisonnier. Un an ne suffit-il pas?
Le Maître: Ne serais-tu pas gêné, au bout d'un an, de manger du bon riz et de porter du brocart?
Zai Wo: Non.
Le Maître: Eh bien, dans ce cas, fais-le. Tant que dure le deuil, l'homme de bien, lui, ne savoure pas les bonnes choses qu'il mange, n'apprécie pas la musique qu'il entend, pas plus qu'il se sent à l'aise dans son son séjour habituel. Voilà pourquoi il n'agit pas comme tu le dis. Mais toi, si tu en as la conscience nette, fais-le.
Zai Wo sort. Le Maître dit: Quel homme insensible! Un nouveau-né met trois ans à sortir du giron de ses parents: aussi le deuil filial est-il de trois ans universellement. Zai Wo ne lui doit-il pas trois ans d'amour à ses parents?»(Livre XVII, 21).
Le Maître donne quelques conseils pratiques toujours en rapport avec la conduite lors d'un deuil: aide financière et un respect du moins en apparence:
«S'il arrive qu'un de tes amis meure sans avoir de parents pour subvenir aux frais d'enterrement, il dit: Je me charge des obsèques » (Livre X, 15).
«Quand il dort, il évite la position des morts. Chez lui, il n'use pas de formalités. En revanche, à la vue d'une personne en deuil, si familière soit-elle, ou en coiffe de cérémonie, ou aveugle, si informelle soit la rencontre, son visage s'empreint de respect. S'il est char, il s'incline jusqu'à la barre devant une personne en grand deuil...» (Livre X, 16)
Le livre IV est consacré au ren, une sorte de règle d'or qui gère les relations de l'homme confucéen avec ses parents, le souverain et les amis. Le huitième aphorisme fait référence à la Voie (dao=chemin, route), c'est-à-dire: la Voie perdue, la Voie des Anciens. Elle est un principe ou une méthode pour devenir un «homme de bien» et contribuer ainsi à la stabilité politique et à l'harmonie sociale. La Voie est celle du Grand Milieu:
«Le Maître dit: Qui le matin entend parler de la Voie peut mourir content le soir même» (Livre IV, 8).
Le Maître étant tombé gravement malade, Zilu lui demande la permission de dire la prière d'Expiation:
« Le Maître dit: il est dit : Cela existe donc?
Zilu: Oui. il est dit dans le Livre des Éloges: Nous avons dit pour toi les prières d'expiation, invoquant les esprits du Ciel et de la Terre.
Le Maître dit: Ce genre de prière, je le fais depuis toujours» (Livre VII, 34).
À l'égard du sacrifice*, en l'occurrence celui dû aux fondateurs de la dynastie ou à ses propres ancêtres, le Maître garde un certain sens agnostique et critique:
10. Le Maître dit: Quand il y a Grand Sacrifice à la Cour, tout ce qui suit la première libation offre un spectacle que je ne peux tolérer.
11. On demande quel est le sens du Grand Sacrifice. Le Maître dit : Je l'ignore. Celui qui le saurait trouverait aussi aisé de gouverner que de montrer la paume de sa main (dit-il en levant la sienne).
12. Le Maître sacrifie à ses ancêtres ou aux esprits comme s'ils étaient présents. Il dit: Si je ne suis moi-même présent, j'estime qu'il n'y a pas de sacrifice.
13. Le grand ministre Wangsun Jia: Maître, que pensez-vous de ce dicton:
« Mieux vaut adorer le fournel*
Que rendre culte à l'autel ».
Le Maître dit: C'est faux. Quand on a offensé le ciel, à quoi bon prier encore?
Note
* «fournel» est un ancien mot français pour fourneau, diminutif de four (Le Petit Robert) n.d.l'éd.