Le suicide est appelé quelquefois maladie anglaise*, notamment en raison du temps maussade qui règne en Angleterre, pluie et brume, et qui porterait à la mélancolie*. Diderot compte le climat parmi les causes du suicide, mais c’est surtout Montesquieu* qui attache de l’importance au déterminisme climatique. Morselli* a pu dire que l’espace, qui coïncide avec la région la plus tempérée de l’Europe, compris entre le 47e et le 57e degré de latitude, d’une part, et le 20e et le 40e degré de longitude, de l’autre, était une zone propice au suicide. Durkheim* conteste cette thèse: «bien loin qu’y ait un rapport entre le suicide et tel ou tel climat, il est constant qu’il a fleuri sous tous les climats» (Le suicide, p. 83). En ce qui concerne la température saisonnière, «ce n’est ni en hiver, ni en automne que le suicide atteint son maximum, mais pendant la belle saison, alors que la nature est la plus riante et la température la plus douce. L’homme quitte de préférence la vie au moment où elle est la plus facile» (p. 86).
Suivant une géographie dite «morale», «environnement et tempérament ont été associés. Les climats froids seraient sources de discipline, d'ardeur au travail et de sobriété, tandis que les climats chauds produiraient l'indolence, la paresse et l'indiscipline. On en est ainsi venu à élaborer une géographie raciste.» (Luc-Normand Tellier, Redécouvrir l'histoire mondiale, sa dynamique économique, ses villes et sa géographie, Éditions Liber, 2005, p. 21). Cependant cette géographie dite morale n'a pas joué en défaveur des peuples vivants dans des climats chauds, car toute l'approche statistique* à tendance moraliste démontre que ces peuples ont généralement des taux de suicides très bas. Parfois on entend dire pourtant que les méthodes d'enregistrement des suicides dans ces pays ne sont pas efficientes.
Au début du vingt et unième siècle, les données scientifiques éveillent des inquiétudes sur les changements climatiques et leurs effets potentiels. D’ici la fin du siècle, on s’attend à une augmentation d’environ 1 à 3,5 degrés Celsius de la température moyenne de la surface du globe par rapport à 1990, selon les prévisions actuelles d’augmentation dans la concentration atmosphérique de gaz à effet de serre et de sulfates. Le réchauffement climatique ne peut qu’avoir des impacts sur l’environnement et l’activité socioéconomique. En effet, les secteurs comme l’agriculture, la foresterie, les écosystèmes, les infrastructures, les pêches, la gestion de l’eau, le tourisme, l’activité économique, la production et la demande d’énergie devront s’ajuster à ce changement. Avec une augmentation du nombre de journées très chaudes, la fréquence des vagues de chaleur et des épisodes de smog augmenterait le nombre de décès et entraînerait une plus grande incidence d’allergies et de maladies respiratoires et cardiovasculaires, particulièrement chez les jeunes, les aînés, les personnes à la santé fragile et les malades chroniques (A. Bourque, «Les changements climatiques et leurs impacts», VertigO - La revue en sciences de l’environnement sur le WEB, vol. 1, no 2 , septembre 2000). L’impact des changements climatiques sur la santé mentale* et le crime n’a pas encore été suffisamment étudié pour faire des prévisions sérieuses. L’humanité dispose de ressources nécessaires afin de s’adapter aux nouvelles conditions climatiques et de créer des conditions de vie appropriées à ce nouvel état écologique. Il est évident que ce processus d’adaptation est une forme de crise*, c’est l’écriture d’une nouvelle version de l’ordre du monde et de la création d’une nouvelle cohérence, d’une nouvelle mentalité culturelle (J. Attali, Les trois mondes, Paris, Fayard, 1980). Un climat d’incertitude économique et écologique autant que psychosociale, causé par les changements climatiques, aura sans doute un effet négatif sur certains individus et groupes plus vulnérables. Ce n’est pas le climat proprement dit, mais la difficulté d’une collectivité d’intégrer tous ses groupes sociaux et groupes d’âges dans la lutte pour la survie, physique et culturelle, qui pourrait devenir un facteur favorisant le suicide.