L'Encyclopédie sur la mort


Le livre de la pauvreté et de la mort (Extrait)

Rainer Rilke

Troisième partie du Livre d'heures, Le livre de la pauvreté et de la mort a été écrite à Verragio en 1903. Rilke oppose la vie moderne, bâtie sur le culte de l'argent, à la vie spirituelle, issue de la pauvreté et en dialogue avec Dieu dans la solitude. Chez Rilke, la pensée de la mort est intimement associée à la pensée de la vie, car pour lui la mort est immanente à la vie elle-même.
O mon Dieu, donne à chacun sa propre mort,
donne à chacun la mort née de sa propre vie
où il connut la mort et la misère.

Car nous ne sommes que l'écorce, que la feuille,
mais le fruit qui est au centre de tout
c'est la grande mort que chacun porte en soi.

C'est pour elle que les jeunes filles s'épanouissent,
et que les enfants rêvent d'être des hommes
et que les adolescents font des femmes leurs confidentes
d'une angoisse que personne d'autres n'accueille.
C'est pour elle que toutes les choses subsistent éternellement
même si le temps a effacé le souvenir,
et quiconque dans sa vie s'efforce de créer,
enclôt ce fruit d'un univers qui tour à tour le gèle et le réchauffe.

Dans ce fruit peut entrer toute la chaleur
des coeurs et l'éclat blanc des pensées ;
mais des anges sont venus comme une nuée d'oiseaux
et tous les fruits étaient encore verts.

Seigneur, nous sommes plus pauvres que les pauvres bêtes
qui, même aveugles, achèvent leur propre mort.

Oh, donne nous la force et la science
de lier notre vie en espalier
et le printemps autour d'elle commencera de bonne heure.


Date de création:-1-11-30 | Date de modification:-1-11-30