Cette expression, qui désigne le suicide, trouve son origine dans le livre du médecin George Cheyne, The English Malady or a Treatise of Nervous Diseases of all Kinds (1733). D’après Cheyne, les tendances suicidaires des Anglais seraient liées, «d’une part, aux progrès de l’athéisme et de l’esprit philosophique et, d’autre part, au tempérament mélancolique des insulaires, dû à des conditions géographiques et climatiques défavorables» (G. Minois, Histoire du suicide, p. 213). L’auteur a été stimulé par des amis inquiets «de la récente fréquence et de l’augmentation quotidienne des suicides étranges et extraordinaires», parmi lesquels il faut compter celui de Thomas Creech* et de George Edwards. Dans son Journal, John Evelyn note: «C’est une triste chose de penser à tous ceux qui se sont tués eux-mêmes dans cette nation depuis quinze ou seize ans» (1702). Or, depuis peu, les données concernant la mortalité (Bills of Mortality) sont accessibles dans les journaux, de sorte que l’élite anglaise se rend compte du nombre élevé de suicides dans son pays. Ainsi, l’Angleterre acquiert la réputation peu enviable de «pays du suicide». Ce mythe du «mal anglais» affecte même César de Saussure, écrivain suisse, auteur de Lettres de Turquie et de Notices. En visite en Angleterre, il écrit à sa famille, en 1727, qu’à peine arrivé à Londres il se sent «accablé par le temps qu’il fait, et ajoute que, s’il était anglais, il se serait sans doute suicidé» (G. Minois, Histoire du suicide, p. 213). Ce mythe va durer jusqu’à l’avènement des statistiques modernes où le taux de suicide en Angleterre sera largement dépassé par celui d’autres nations. Dans De l’esprit des lois, Montesquieu* explique la différence du suicide chez les Romains par rapport au suicide chez les Anglais. Ainsi, il écrit: «Nous ne voyons point, dans les histoires, des Romains qui se fissent mourir sans sujet; mais les Anglais se tuent sans qu’on puisse imaginer aucune raison qui les y détermine, ils se tuent dans le sein même du bonheur. Cette action, chez les Romains, était l’effet de l’éducation; elle tenait à leur manière de penser et à leurs coutumes: chez les Anglais, elle est l’effet d’une maladie; elle tient à l’état physique de la machine, et est indépendante de toute autre cause. Il y a apparence que c’est un défaut de filtration du suc nerveux; la machine, dont les forces motrices se trouvent à tout moment sans action, est lasse d’elle-même; l’âme ne sent point de douleur, mais une certaine difficulté de l’existence. La douleur est un mal local qui nous porte au désir de voir cesser cette douleur; le poids de la vie est un mal qui n’a point de lieu particulier, et qui nous porte au désir de voir finir cette vie» (Œuvres complètes, Paris, Seuil, «L’intégrale», 1964, iii, xiv, 12, p. 617).
Bibliographie
Bareuc, Dissertation sur la mélancolie anglaise ou réflexions physiques et morales sur le suicide, 1789
http://suicide.ecoute.free.fr/BiblioAuteur.html