Ce terme est utilisé pour signifier parfois le suicide proprement dit, parfois des comportements destructeurs comme l’automutilation, l’alcoolisme*, la toxicomanie* ou d’autres conduites extrêmes* à haut risque*. Certains suicides peuvent être considérés comme appartenant au type d’autodestruction lorsque l’intention suicidaire est de détruire le corps, symbole d’un moi à supprimer. Cette haine de soi se manifeste alors par l’utilisation de moyens* extrêmement violents, par exemple en se jetant devant le métro. Cependant, la plupart du temps, les suicides ne sont pas des formes d’autodestruction, car le suicidant cherche à préserver son moi et à lui assurer une vie, un état ou une fonction posthumes. L’examen des lettres d’adieu* nous apprend que «le suicidant présente sa mort volontaire comme une voie de salut au milieu de la détresse. Ce salut peut prendre plusieurs formes: paix ou plénitude, béatitude ou puissance. Il est le fruit d’une conviction très tenace et très répandue dans la culture occidentale, celle de la permanence du moi qui ne périt pas avec la mort» (E. Volant, «Le moi posthume», dans E. Volant (dir.), Adieu, la vie…, p. 159).
Il est préférable de réserver le terme «autodestruction» au domaine de la psychanalyse, notamment à l’instinct du même nom tel qu’il a été présenté par Sabina Spielrein (1885-1941), lors de la réunion de la Société psychanalytique de Vienne du mercredi 29 novembre 1911 (K. Alnaes, Sabina, Paris, Calmann-Lévy, 1997). Dans son essai Die Destruktion als Ursache des Werdens («La destruction comme cause du devenir»), Spielrein met au jour «la composition agressive de l’amour». Elle élabore la théorie selon laquelle il existe dans la nature humaine une tendance autodestructrice liée à l’instinct d’autoconservation. Les mythes, dans la culture juive autant que dans les autres cultures, mettent en scène les relations entre le déclin et la naissance: on retourne à la matière originelle pour renaître au monde. La psychiatre perçoit dans l’érotisme un élément agressif et destructeur, présent en nous sous forme de pulsion qui, intimement associée au plaisir, nous permet de faire de la place à de nouvelles formes de vie, en d’autres termes de créer. Cette théorie est née dans la période zurichoise de Sabina Spielrein, lorsqu’elle était patiente et disciple bien-aimée de Carl Gustav Jung. Boudée d’abord par Freud*, cette théorie fut reprise par lui dans Au-delà du principe de plaisir (1920) et dans Malaise dans la civilisation (1930). Elle figure aussi dans l’œuvre de Stekel*, comme le rapporte Sabina Spielrein elle-même: «Quand j’eus achevé la rédaction de cet article, Le langage des rêves du docteur Stekel n’était pas encore publié. Dans son ouvrage, l’auteur indique que, dans de très nombreux rêves, le désir de vivre va de pair avec le désir de mourir. Ce dernier désir, il le conçoit comme une opposition au désir de vivre qui sous-tend l’instinct sexuel» (cité dans Sabina, p. 320).