Les végétaux dans les proverbes - Les fleurs : la violette

Charles Rozan
Vous vous cachez, timide violette ;
Mais c'est en vain : le doigt sait vous trouver
Il vous arrache à l'obscure retraite
Qui recélait vos appas inconnus;
Et destinée aux boudoirs de Cythère,
Vous renaissez sur un trône de verre,
Ou vous mourez sur le sein de Vénus.
(PARNY, Les Fleurs)


Cette aimable petite fleur n'a pas la beauté éclatante de la rose, ainsi que le dit Alcanter de Brahm, dans son joli poème La Violette de Toulouse :
    Tu n'as pas l'orgueil de la rose
    dont le rubis, couleur de sang,
    évoque l'aspect grandiose
    d'un amour trop incandescent.
Mais, en revanche, ajoute le même poète :
    Ni le lotus aux chastes poses,
    ni le muguet un peu pâlot,
    ni l'églantine, enfant des roses,
    ni l'oeillet blanc, frêle jabot,
    ne sont doués du charme tendre
    que tu revêts au demi-deuil
    grave et modeste, à me surprendre
    par ton parfum de bon accueil.
    (Les Voix anciennes)
La violette est l'image de la timidité, de ce sentiment qui fait incliner à se tenir à l'écart, à se ranger parmi les humbles. « Mme de Fontanges est toujours languissante, mais si touchée de la grandeur qu'il faut l'imaginer précisément le contraire de cette petite violette (Mme de La Vallière), qui se cachait sous l'herbe et qui était honteuse d'être maîtresse, d'être mère, d'être duchesse. Jamais il n'y en aura de ce moule.» (Mme de Sévigné, Lettre du 1er septembre 1680.)

A cause de leur couleur un peu sombre, et par opposition aux couleurs vives de la rose, qui respirent la vie, les violettes se disent ou plutôt se disaient de la teinte livide de la mort. J.-J. Rousseau a écrit à propos du visage d'une femme morte : « Les violettes livides en ont chassé les roses », et Bernardin de Saint-Pierre, parlant de Virginie : « Les pâles violettes de la mort se confondaient sur ses joues avec les roses de la pudeur. »

Cette comparaison est hors d'usage; au moins, le dictionnaire de l'Académie ne l'a pas consacrée.

Parmi les petits vers que la violette a inspirés, on cite volontiers le quatrain qui accompagnait la Violette de Desmarets, dans la Guirlande de Julie; il y avait là soixante-deux petits morceaux de ce genre, et, celui-ci est regardé comme le meilleur :
    Modeste en ma couleur, modeste en mon séjour,
    Franche d'ambition, je me cache sous l'herbe;
    Mais si sur votre front je puis me voir un jour,
    La plus humble des fleurs sera la plus superbe.

Source : Charles Rozan (1824-1905), Les végétaux dans les proverbes, Paris, Ducrocq, 1905, p. 126-129.
On peut lire le texte original sur le site Gallica (Bibliothèque nationale de France) - format PDF

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