Abitibi-Témiscamingue
Des premiers postes de traite à la colonisation
Dans les années 1980, le poète Raoul Duguay chantait l'«Abitatibi», cette région trop vaste pour être racontée, ce pays de légende «où les hommes ont des bras comme des troncs d'arbres». Évocation mythique d'un pays tardivement ouvert à la civilisation occidentale, venue revendiquer un territoire peuplé depuis 6 000 ans par les nomades Algonquins. En 1670, peu après que Radisson et Des Groseillers aient effectué une première expédition exploratoire dans la Baie d'Hudson, la Compagnie de la Baie d'Hudson, formée par des intérêts anglais, ouvre un premier poste de traite de la fourrure de castor à Fort-Témiscamingue. Jusqu'en 1850, l'essentiel de la présence européenne se résumera au maintien de quelques postes de traite dans le Témiscamingue. Ce n'est que vers 1850 qu'on assiste à un effort de colonisation plus important, avec le début de l'exploitation de l'«or vert», cette richesse immense que représente la forêt, de type mixte au Sud et boréal plus au Nord. Inspirés par l'exemple du père Moffette qui plante en 1879 le premier blé en sol témiscamien, les premiers agriculteurs apparaissent bientôt pour occuper les espaces ouverts par les bûcherons. Au tournant du siècle, la crise économique incite l'État et l'Église à forcer le développement des régions peu développées du Québec, favorisent l'installation de colons à qui terre était donnée à condition de la rendre exploitable et de s'y installer.
En 1898, le territoire de l'Abitibi, située au Nord du Témiscamingue, était officiellement annexé au Québec. «Le Témiscamingue se trouvait au seuil de l'âge adulte au moment où l'Abitibi allait naître» écrit l'historien Gilles Boileau. En 1923, la découverte de gisements en Abitibi signale le début d'une deuxième vague de développement: une soixante de mines ouvriront entre 1926 et 1960, donnant naissance aux villes de Rouyn et Noranda, Val-d'Or, Malarctic, Bourlamaque. Cette deuxième vague de colonisation est accompagnée de l'arrivée de nombreux immigrants venus d'Europe de l'Est, présence dont témoigne encore les églises orthodoxes russes et ukrainiennes dans cette région.
De forêts et de lacs
L'Abitibi-Témiscamingue est une des zones les moins densément peuplées du Québec (2,2 h/km2). Vaste contrée de forêts trouées par d'innombrables lacs d'eau douce, son territoire de 65000 km2 jouxte la région de l'Outaouais au Sud, de la Mauricie à l'Ouest, du Nord-du-Québec au Nord et par la province de l'Ontario à l'est et s'étend du 48e au 49e parallèles. Son paysage a été façonné par le passage des glaciers à l'ére Quaternaire: les épaisses rivières de glaces, hautes de 2 à 3 km, ont aplani son relief et mis à nu des affleurements rocheux datant du précambrien et du cambrien. Le retrait des glaciers a laissé un immense lac qui s'est vidé progressivement par le Nord et par le Sud, en laissant derrière lui dans le Témiscamingue une épaisse boue argileuse qui constitue aujourd'hui l'essentiel des terres agricoles. L'intense activité volcanique au cours de ces périodes géologiques explique la présence de nombreux gisements miniers situés dans des failles de la croûte rocheuse.
Le climat de type continental humide est préservé des phénomènes météorologiques extrêmes comme en connaissent les régions cotières. La saison agricole est plus courte d'une vingtaine de jours que dans le sud de la plaine laurentienne, malgré un nombre d'heures d'ensoleillement plus favorable en été.
L'Abitibi-Témiscamingue aujourd'hui
Le territoire est découpé en cinq unités administratives, les municipalités régionales de comté (MRC): Abitibi, Abitibi-Ouest, Rouyn-Noranda, Témiscamingue, Vallée de l'Or. Elles regroupent 88 municipalités dont la plupart sont des collectivités de moins de 5 000 (83) et seulement 2 ont plus de 20 000 habitants (Rouyn-Noranda, Val d'Or).
Le secteur primaire est des plus actifs au Québec. Dépassant largement la moyenne nationale à ce chapitre, 15,9% de l'économie de la région dépend de l'extraction minière, principalement de l'or — 19 des 20 mines d'or au Québec sont situées en Abitibi-Témiscamingue —, de l'exploitation de la forêt et de l'agriculture. Le secteur secondaire est surtout orienté vers la transformation des produits de l'industrie forestière et des mines, ainsi que les activités liées à ces industries (conception, fabrication de machinerie, entretien, etc.). Le secteur tertiaire représente 70,9% de l'activité économique de la région.