L'Encyclopédie sur la mort


Enfants (mort et suicide)

AQRPL'enfant et sa propre mort

Ces trente dernières années, une abondante littérature (1) a été consacrée à la question de l'enfant gravement malade. E. Kübler -Ross, G. Raimbault, D. Oppenheim, D. Brun et plusieurs autres ont cherché à décrire et à analyser l'expérience de l'enfant confronté à l'éventualité de sa propre mort. Ces auteurs et plusieurs autres ont tenté de répondre aux interrogations suivantes: «Lorsque la menace d'une mort certaine plane sur le devant de la scène, par quels itinéraires psychiques les protagonistes de ce drame (l'enfant malade lui-même mais aussi son entourage) passeront-ils pour traverser cette difficile épreuve? Comment les aider?» (2)

L'enfant et la mort des autres

«Si la plupart des enfants échappent à ce cruel destin qu'est la mort de l'un des leurs, il en est d'autres que la destinée n'épargne point. Précédée parfois d'une maladie grave ou survenue brutalement à la suite d'un accident ou d'un suicide, la mort d'un père, d'une mère, d'un frère, d'une soeur ou d'un grand-parent fait violence. Elle bouleverse le cours de l'existence de ceux qui lui survivent. La mort d'une personne aimée pendant l'enfance provoque un véritable traumatisme.» Murielle Jacquet-Smailovic y consacre un livre (3)

À partir de quel âge peut-on parler de la mort avec les enfants? Pourquoi devrait-on parler de la mort avec eux? Vont-ils comprendre ce qu'on leur dit sur la mort? Lorsque survient un décès dans le cadre scolaire, devons-nous en discuter avec les élèves? Les réponses à ces questions ne sont pas uniques. Il est toujours préférable de discuter de la mort avec les enfants lorsque le contexte le permet, plutôt que de les contraindre au silence. Cette idée demeure au coeur des préoccupations des auteurs de La mort au tableau noir (D. Jeffrey (dir.), Frontières, vol. 13, n° 1, automne 2000)

L'enfant et le suicide

Le taux de suicide des enfants de 5 à 14 ans est très élevé en 2002 dans certains pays en transition*, comme en Bosnie-Herzégovine (2,6 sur 100 000, 4,0 pour les garçons et 1,1 pour les filles), en Estonie (3,0 , 4,7 pour les garçons et 1,2 pour les filles), au Kazakhstan (3,1, 4,7 garçons et 1,5 filles) , en Russie (2,4, 3,8 garçons et 1,0 filles). D’autres pays affichent un taux élevé de suicides chez les enfants. Ainsi à Sainte-Lucie en 1988 (3,2) et à Suriname en 1992 (2,2), les filles (respectivement 6,5 et 4,3) sont plus nombreuses à se suicider que les garçons dont on n’a enregistré aucun suicide. Au Sri Lanka en 1991, on compte 2,5 sur 100 000 dont 3,0 garçons et 2,0 filles. Au Canada, en 2000, le taux des 5 à 14 ans est relativement élevé, plus qu’en France*, qu’au Royaume-Uni* et qu’aux États-Unis*. Les statistiques* provenant du bureau du coroner du Québec concernant les suicides des 12 ans et moins révèlent que, en 1990, 1991 et 1996, un seul jeune, de 12 ans, s’enlevait la vie. En 1992 et en 1993, trois jeunes de 12 ans se sont suicidés. En 1994, on compte quatre suicides de jeunes de 12 ans et un suicide d’un enfant de 11 ans. En 1995, on déplore deux suicides chez les 12 ans et deux chez les 11 ans. Les statistiques partielles de 1997 indiquent un suicide d’un enfant de 8 ans, un autre d’un enfant de 10 ans et six suicides chez les jeunes de 12 ans. Au total, entre 1990 et 1997, on a enregistré vingt-six suicides chez les jeunes Québécois de 12 ans et moins dont vingt ont été accomplis par des garçons. Si l’on se limite aux jeunes de 11 ans et moins, le total des suicides est de cinq en huit ans. Au cours de la même période, on compte vingt-sept suicides chez les 13 ans et cinquante-sept chez les 14 ans.


Ces données statistiques, servies à froid, font très mal. Quelle souffrance insondable vécue par ces enfants soumis au poids des nombres, quelle douleur chez les parents! Pour une meilleure compréhension et un traitement efficace de l’enfant suicidaire, Israel Orbach écrit Children Who Don’t Want to Live: Understanding and Treating the Suicidal Child. Le désespoir ou l’inaptitude à trouver de la joie dans l’existence sem
ble être le facteur critique du comportement suicidaire chez l’enfant, plus que la dépression*. Orbach émet l’hypothèse que la conduite suicidaire (tentative de suicide* et suicide proprement dit) apparaît dans un environnement familial particulier où l’enfant se sent contraint de résoudre un problème insoluble. Psychologue clinique, l’auteur concède, par ailleurs, que des facteurs d’ordre génétique, social et culturel ont leur impact sur ce phénomène plutôt rare, mais très perturbant. Il insiste sur les risques futurs des pensées et des tentatives de suicide chez l’enfant, lorsque celui-ci atteindra l’adolescence ou l’âge adulte où il lui sera plus aisé de passer à l’acte. Les adultes ne prennent en général pas au sérieux l’existence de ces tendances chez les enfants. Un tabou social occulte ce risque pourtant bien réel. Il existe d’ailleurs des indices que certaines conduites enfantines, certains accidents, certaines manipulations de couteaux ou l’utilisation d’autres moyens* à la portée des enfants dénotent chez eux des tendances suicidaires. La capacité chez l’enfant de penser au suicide et même de l’accomplir démontre que sa relation avec la mort joue un rôle prépondérant dans son développement intellectuel, moral et psychique. D’où l’importance de l’éducation à la mort pour l’apprentissage de la vie chez l’enfant.

Dans la même Encyclopédie sur la mort, veuillez lire :

« Suicides des enfants »

« Le rapport Boris Cyrulnik : Quand un enfant se donne la mort »

Notes

1. E. Kübler-Ross, La mort et l'enfant, Genève, Tricorne, 1986; G. Raimbault,L'enfant et la mort, Paris, Privat, 1975; D. Oppenheim, L'enfant et le cancer, Paris, Bayard, 1996; D. Brun, L'enfant donné pour mort, Paris, Dunod, 1989.
2. M. Jacquet-Smailovic, L'enfant, la maladie et la mort. La maladie et la mort d'un proche expliquées à l'enfant, Bruxelles, De Boeck, 2007, p. 5.
3. M. Jacquet-Smailovic, op. cit., 7.

Bibliographie

HARDY, P. et BAILLY, D., Prévention du suicide : Angoisse de la séparation chez l’enfant et l’adolescent, Paris, Doin, 2000.

BANU, G. (dir.), L'Enfant qui meurt. Motif avec variations, Montpellier, L'Entretemps, «Champ théâtral», 2010.


Date de création:-1-11-30 | Date de modification:2012-04-12

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