L'Encyclopédie sur la mort


La maladie et la mort comme épreuve de la foi

Renée Legris

À Radio-Canada en 1963, des huit émissions radiophoniques de la série documentaire Philosophes et penseurs, Hubert Aquin en rédige quatre qui «relèvent de sujets concernant l'histoire des religions et les courants philosophico-religieux à travers diverses époques. Comme Aquin est un spécialiste de la patristique et de la philosophie médiévale, il construit pour ce programme quatre émissions, exceptionnelles par leur densité, sur la culture religieuse des monothéismes.»(op. cit., p. 204) De saint Paul. écrivain et prêcheur, il retient, entre autres thèmes, son enseignement sur la maladie et la mort.
Aquin a retenu que, dans ses Épîtres, l'apôtre du Christ ne laisse pas d'évoquer les aspects pénibles de son existence de voyageur et de missionnaire, car aux épreuves normales de cette existence s'ajoute une souffrance qui relève d'une santé tout compte fait fragile (96). Mais, pour Paul, dans les textes où il élabore sa pensée théologique, ces évocations en sont le faire-valoir. Comme preuve de l'action du Christ, il met en relief que même dans sa faiblesse, une force se manifeste. C'est dans une mise en alternance de la Voix I et du Narrateur qu'Aquin a choisi d'expliciter cette expérience: «Narrateur: [...] autant de grandes étapes dans l'aventure missionnaire de saint Paul, aventure douloureuse, puisque saint Paul était pris d'une fièvre dont les récurrences étaient longues et violentes, Paul n'a jamais été au-dessus de sa maladie ... » Pourtant, cette douleur est saisie comme un élément dynamique de sa quête de missionnaire et de voyageur-apôtre. À cette citation qui reprend les paroles mêmes de Paul, s'ajoute un commentaire d'Aquin dont l'intérêt est de préciser qu'elle appuie la théorie paulinienne de la participation: «Voix I: «Quand je suis malade, c'est alors que je suis puissant» [ ... ] Et ce paradoxe a quelque chose de vrai sur le plan humain, puisque saint Paul n'a pas plus cessé d'être malade qu'il n'a cessé de voyager d'une ville à l'autre inlassablement, obéissant en cela à l'ordre divin qu'il avait entendu sur la route de Damas (97).»

Dans le prolongement d'une thématique des épreuves, Aquin rappelle la fin tragique de Paul. Sa mort ne fait pas l'objet d'une longue description pathétique, elle est plutôt évoquée dans le documentaire comme une synthèse des étapes du cheminement de Paul depuis sa conversion jusqu'à son martyre*: «Narrateur: Persécuté, ce penseur qui dérange le pouvoir en place, est décapité, en 67, sur l'ordre de Néron. Théologien et martyr, sa vie n'a trouvé de sens que dans cette «folie» et cette «passion» de la croix. Ennemi du nationalisme religieux des Juifs, Paul n'échappe pas aux persécutions qui le poursuivent à son tour comme les témoins du Christ en son temps. Mais que lui importait les difficultés puisque son message rejoignait les coins les plus reculés de la Grèce, de l'Asie mineure et Rome. Ses lettres dispersées auprès des chrétiens d'Antioche, Colosses, Éphèse, Philippes, Corinthe, Athènes, Rome, Thessalonique ... auront construit les grands thèmes de sa pensée et rendu témoignage de sa totale fidélité au mandat reçu.» Par son efficacité narrative, ce commentaire sur la biographie rend compte à la fois d'une quête personnelle et d'un témoignage qui engage tout l'être au service d'une mission remplie de façon tout à fait exemplaire. L'évocation de «la folie» de Paul renvoie à quelques Épîtres (1 Co l. 10; 1 R-29; 2 Co 12, 11 ~ 12) et à un passage des Actes (Ac 24, 26) où le thème est justifié par le contexte. Les villes énumérées, lieux de l'action apostolique de Paul, sont en majeure partie celles des destinataires de ses Épîtres.

Notes
96. L'importance du thème de la maladie n'est pas étrangère à un intérêt qui se retrouve dans plusieurs émissions d'Hubert Aquin. À croire que les grands penseurs et écrivains ont une prédisposition à la maladie! Ainsi avons-nous trouvé intéressant cet exemple de Paul par lequel Aquin semble illustrer le fait que, dans plusieurs de ses émissions, la maladie des auteurs n'est que «variante». Comme il l'a fait pour Pascal et Dostoïevski, dans Les Hommes illustres, Aquin suggère que la maladie est une compagne quotidienne féconde malgré tout pour les écrivains, du moins est-ce la vision de Paul.

97. Saint Paul, dans Philosophes et penseurs, CBF, 8 décembre, texte dactylographié et microfilmé, Documents et Dossiers, Société Radio-Canada, 16 p.
Date de création:-1-11-30 | Date de modification:-1-11-30

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