L'Encyclopédie sur la mort


Abélard et Héloïse

Pierre Abélard

Nous sommes dans les années 1114-1118. L'enseignement d'Abélard, maître de rhétorique et de théologie à l'école Notre-Dame, à Paris, remporte un grand succès. Abélard tombe amoureux d'Héloise, jeune fille de quatorze ans, rompue au latin, au grec et à l'hébreu. Il obtient de devenir son précepteur. Enceinte, Héloise s'enfuit du domicile familial et se réfugie chez la soeur de son amant, Denise, en Bretagne. Elle y donne naissance à un fils Astrolabe en 1116. Avec l'accord du chanoine Fulbert, oncle d'Héloïse, le mariage des amants est célébré discrètement. Pour ne pas compromettre la carrière de son mari, Héloïse se retire au couvent d'Argenteuil. En 1125, Abélard accepte de diriger l'abbaye de Saint-Gildas-de-Rhuys en Bretagne. En 1129, Héloïse devient abbesse de l'oratoire du Paraclet fondé par Abélard près de Troyes. Vers 1132 Abélard quitte Saint-Gildas, où l'animosité des moines est à son comble. C'est à cette époque qu'il rédige Historia calamitatum Abaelardi (Histoire de mes malheurs).
memo.fr«Le mythe des amants unis jusqu'à la mort, qui fait d'Héloïse et Abélard un couple jumeau de Tristan et Iseut*, prit sans doute naissance quand Jean de Meung inséra L'Histoire de mes malheurs dans le Roman de la Rose (1280). Il fascina par la suite Pétrarque*, Diderot*, Chateaubriand, Lamartine* et Roger Vailland, sans parler de Rousseau*: le XII° siècle n'est-il pas le siècle où furent «inventés» à la fois le roman et la fin'amor, le dévouement mutuel, définitif et exclusif des coeurs? La réalité, au moins du côté de maître Pierre, est plus prosaïque: non seulement son désir de la belle adolescente a été satisfait sans le moindre des délais indispensables en bonne courtoisie, mais il refuse ensuite d'y voir autre chose qu'une faute, un abandon coupable à la luxure. Quant au mariage, considéré dans le milieu des clercs comme un asservissement et une déchéance, et qui selon ses propres dires transforme l'homme en «âne domestique», il ne s'y est résolu que pour apaiser Fulbert, exigeant qu'on ne le divulgue pas. À la différence d'Héloïse, qui proclama jusqu'au bout sa passion pour Abélard, ce dernier ne semble nullement souffrir d'une séparation qui lui rend sa liberté.» (Jérôme Vérain, «Plaies du corps, plaies de l'esprit», op. cit., p. 77-78)

Histoire de mes malheurs (Extrait)

Enfin parlant en son nom, elle me représentait comme il était dangereux pour moi de la ramener à Paris, ajoutant que le titre d'amante serait à la fois infiniment plus cher pour elle et plus honorable pour moi que celui d'épouse; elle voulait me conserver seulement pour une faveur de ma tendresse, et non pas me tenir par des liens, et elle ajoutait que nos séparations momentanées répandraient sur nos rapprochements d'autant plus de charme, qu'ils seraient plus rares. Puis, voyant que tous ses efforts pour me convaincre et me dissuader venaient se briser contre ma sottise, et ne pouvant se résoudre à heurter de front ma volonté, elle termina ainsi dans les sanglots et dans les larmes: «c'est la seule chose que nous reste à faire, me dit-elle, pour nous perdre tous deux et nous préparer une peine aussi grande que notre amour.» Et cette circonstance, comme tout le monde l'a reconnu, l'esprit de prophétie ne lui manqua.

Nous recommandons donc à ma soeur notre jeune fils, et nous revenons secrètement à Paris. Quelques jours plus tard, après avoir passé une nuit à célébrer vigiles dans une église, à l'aube du matin, nous reçûmes la bénédiction nuptiale en présence de l'oncle d'Héloïse et de plusieurs de ses amis et des nôtres.

Puis nous nous retirâmes séparément et dans le plus grand mystère, et nous ne nous vîmes plus désormais qu'en cachette et très rarement afin de laisser ignorer notre mariage. (Abélard, Histoire de mes malheurs, op. cit., p. 30-31)

IMAGE
Abélard et Héloïse
manuscrit du XIV° siècle
http://www.memo.fr/Media/Abelard_Heloise.jpg


Date de création:-1-11-30 | Date de modification:-1-11-30

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