L'Encyclopédie sur la mort


Weiss Nathan

Weiss NathanNathan Weiss, médecin et neurologiste autrichien d'origine juive, est né le 8 mai 1851 à Gross-Meseritsch (aujourhui Velké Meziříčí, Tchéquie). En1874, il obtient son doctorat en médecine à Vienne où il exercera sa profession à l'Hôpital général et où il sera nommé chef de la clinique externe des maladies neurologiques, à quelques mois avant sa mort. En 1881, il a su démontrer les rapports qui existent entre le tétanos et l'ablation du goitre. Le «signe de Weiss », un des signes d'hyper-excitabilité neuro-musculaire, est connu aujourd'hui sous le nom de «signe de Chvostek». Son ouvrage sur le traitement du tétanos (Über Tetanie) fait partie du volume, publié par Richard von Volkmann, intitulé Sammlung klinischer Vorträge (Recueil des conférences cliniques). Weiss s'est pendu le 13 septembre 1883 à l'âge de 32 ans, peu après son retour de son voyage de noces. Il a laissé deux lettres: une à la police, l’autre à sa jeune épouse, signe d'un certain degré d'altruisme* à même de son état maniaque. Weiss fut un grand ami de Sigmund Freud* qui fut accablé par la mort d’un proche, tout jeune marié.

Selon Ernest Jones, biographe de Freud, ce fut le décès de Weiss qui fit décider Freud de se spécialiser lui-même en neurologie afin de poursuivre l'oeuvre de son ami. Ce fut lui aussi qui annonça la mort de Weiss à sa femme par lettre: « Le 13, à deux heures de l’après-midi, il s’est pendu dans un établissement de bains de la Landstrasse […]. Qu’il était donc difficile de se représenter, silencieux, mort, un homme qui réunissait en lui plus d’agitation, plus de joie de vivre qu’aucun autre ! » Freud s'interroge sur la cause du passage à l’acte suicidaire de son ami. Il a du mal à comprendre et suppose que le passage à l’acte est lié aux déterminants affectifs, liés à son mariage, Weiss doutant de l’amour de sa femme. (1)

Traits de la personnalité de Nathan Weiss


Dans une lettre à Martha Bernays, datée du 16 septembre 1883, Freud décrit la personnalité de Weiss: «Personnalité brillante et extrêmement agitée, se comportant comme s’il avait trop bu, donnant l’impression du fou ou du maniaque, tourbillonnant sans répit, se montrant toujours absorbé par des choses parfois insignifiantes, mal élevé et cynique, étant capable de parler pendant des heures sans écouter l’autre, développant un grand débit du flux de la pensée aussi bien qu’un jeu astucieux des combinaisons langagières, et avançant en corrodant tout sur son passage. (2)

Dans son article sur le suicide Victor Tausk*, autre ami de Sigmund Freud*, German Arce Ross établit d'abord un parallèle entre la personnalité de Tausk et celle de Weiss. Puis, l'article s'appuie sur les études de J.-L. Bonnat afin de mieux comprendre le «passage à l'acte» d'un Weiss, habité par la honte depuis qu'il eut constaté que son épouse s'était sentie «forcée» de l'épouser, alors qu'elle ne voulait pas de ce mariage:

«Partant du commentaire de J.-L. Bonnat (3), nous pouvons dire que le passage à l’acte peut constituer une sortie de l’impasse de la honte* et à l’état de dignité perdue lors du cycle dépressif*. Par l’acte suicidaire, le sujet tenterait ainsi de récupérer paradoxalement l’humanité qui semble lui avoir échappé. Malheureusement, s’il réussit par ce biais à sortir de l’impasse de la honte, il n’en demeure pas moins qu’il rate de façon radicale le peu d’humanité, ou de dignité, qu’il lui reste encore. Soumis à la forclusion et à ses suppléances, le sujet souffre en désespoir mais sans honte ; confronté au retour mortel ou maniaque du forclos aussi bien qu’à la honte, le sujet est emmené à ne concevoir qu’une seule sortie, celle radicale.» (4)

Comme Freud, Nathan Weiss fut un joueur d'échecs très mordu:

«[...] le jeu* d'échecs mobilise évidemment une organisation des émois oedipiens; il s'agit de prendre la reine et de tuer le roi («Cheik mat» qui signifie «le roi est mort»), devenu échec et mat. Il est amusant de se souvenir que S. Freud lui-même connaissait bien ce jeu. (5) L'un de ses amis d'études en médecine, Nathan Weiss, qui s'était suicidé en 1883, était un remarquable joueur. À cette époque, et jusqu'en 1906, S. Freud aimait disputer des parties d'échecs, que ce soit dans des «coffee-houses» viennois ou chez lui ou encore chez ses amis. Après quoi il préférera se consacrer au jeu de tarots, notamment dans le cadre de sa participation à la Société juive B'nai B'rith de Vienne les samedis soirs. S. Freud devait se référer aux échecs au début d'un article sur le traitement analytique.(6) À ses yeux, le rôle des règles y est semblable. Seuls le commencement et la fin peuvent s'apprendre; entre les deux, une observance de grande rigueur du cadre permet en réalité un déploiement imprévisible. À la rigueur, en échecs comme en psychanalyse, l'étude des maîtres, dit S. Freud, peut aider à combler les lacunes et aider à affronter toutes les situations. En mars 1922, dans le cadre des soirées de conférence du mercredi, on trouve encore une trace de l'intérêt de S. Freud pour les échecs. Un dentiste, le Dr Folkschaner, y fit un exposé établissant un parallèle entre ce jeu et la névrose obsessionnelle. Les Minutes de cette soirée, encore inédites, relatent juste que S. Freud trouva cet exposé simplificateur. (7)»

Notes

1. Marion Tremel, Tentatives de suicide et suicides, Mémoire pour le Diplôme Inter Universitaire : Etude et prise en charge des conduites suicidaires,
http://www.med.univ-angers.fr/discipline/psychiatrie_adulte/memoires/Freud-suicide-Tremel-2008.pdf
2. S. Freud, Correspondance (1873-1939), Paris, Gallimard, 1966, 1979, p. 69-76.
3. J.-L. Bonnat, « Sur le suicide de Nathan Weiss : lettre de S. Freud », La lettre mensuelle, 99, Paris, ECF, 1991, p. 6-8; J.-L. Bonnat, « Impasse de la honte. Sortie par l’acte », Trames, 29, Éditions Trames, Nice, 2000, p. 64.
4. German Arce Ross, «Le suicide maniaque de Victor Tausk»
http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=CM_066_0155
5. Jones, E., La vie et l'oeuvre de S. Freud (1953), PUF, 3 vol. 1970.
6. Freud, S, «Le début du traitement » (1913), dans La technique psychanalytique, PUF, 1970, p. 80-104
7. Jean-Tristan Richard, Marcel Duchamp, Mis a nu par la Psychanalyse, même. Une psychobiographie, Paris, L'Harmattan, «L'oeuvre et la psyché», p. 74-75
http://books.google.ca/books?id=Jm4maLU7kYwC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

Date de création:-1-11-30 | Date de modification:2012-04-18