L'Encyclopédie sur la mort


Michelstaedter Carlo

Philosophe italien d’origine juive né à Gorizia. Il étudie à la faculté des mathématiques de Vienne et à la faculté des lettres de l’institut des études supérieures de Florence où il rédige son mémoire sur les concepts de persuasion et de rhétorique chez Platon* et Aristote*. (La persuasion et le rhétorique, texte établi et présenté par Sergio Campailla, traduit de l’italien par Marilène Raiola, Paris, L'Éclat,1989, 1998). Le soir de l’achèvement de son travail, il se tire une balle dans la tête. Son corps est enterré dans le cimetière juif de Valdirose, aujourd’hui situé en Slovénie.

Sa correspondance éclaire son œuvre, mais ne donne pas d’indices sur son geste mortel (Épistolaire, choix de lettres établi par M. Valensi, traduit de l’italien par G. A. Tibergien, Paris, L’Éclat, 1990). Cependant, le suicide en 1907 de son amie Nadia Baraden, d’origine russe, et la mort, accidentelle ou par suicide, de son frère Gino à New York en 1909, ne sont sans doute pas étrangers à son cheminement vers la mort. Il dessina lui-même la tombe de son frère, de dix ans son aîné, dont les cendres ont été rapportées de New York. Dans les Appendices critiques à «La persuasion et la rhétorique» (Paris, L’Éclat, 1994 et 1998), on peut lire: «La langue n’existe pas, tu dois la créer: tu dois créer son mode, tu dois créer chaque chose pour que la vie soit tienne.» Le Dialogue de la santé et autres textes (
traduit de l'italien et présenté par Antoine Parzy, avec une Postface de Massimo Cacciari, Paris, L'Éclat, «philosophie imaginaire», 2004) est une oeuvre posthume. Construit sur le modèle du dialogue platonicien (ou leopardien), Le Dialogue de la santé met en scène deux jeunes hommes, amis de Michelstaedter, Nino Paternolli, et Enrico Mreule dont Claudio Magris avait fait le personnage principal de son livre Une autre mer (Paris, Gallimard, L'Arpenteur, 1993). Au sortir d’un cimetière, le gardien salue les deux jeunes hommes d’un cri : «Que Dieu vous donne la santé.» C’est l’occasion d’une discussion âpre sur le sens des mots et le sens de la vie. Le dialogue est suivi d’autres petits dialogues moraux de Michelstaedter.

«Chacun d’entre nous, lecteur par profession ou par amour, connaît quelques volumes dont il n’est pas sorti indemne. Ils marquent obscurément les fibres, au point que la voix sonne faux quand on veut en parler de manière seulement docte. Ces livres-là, qu’on est sûr de n’oublier jamais, nous les comptons sur les doigts d’une main, rarement deux. Pour ma part, je n’hésiterai pas à y mettre désormais, La persuasion et la rhétorique» (R.-P. Droit, Le Monde).

Bibliographie
Jacques Beaudry, Le tombeau de Michelstaedter, Montréal, Lib
er, 2010.

Description
En 1910 mourait à vingt-trois ans, de sa propre main, le jeune philosophe italien Carlo Michelstaedter. Il venait de terminer La persuasion et la rhétorique, qu’on peut lire comme une réponse par anticipation aux inquiétudes de notre temps. La question du sens de l’existence n’a pas été pour lui le prétexte d’une thèse ou d’une théorie, mais quelque chose de vital: un problème humain. Cet essai où se font entendre la voix de notre époque, sous forme de soliloque, et la voix de Carlo, sous forme de dialogue, porte sur six aspects du monde qui ressortent dans l’œuvre de Michelstaedter: la douleur, la peur, la vie suffisante, la rhétorique, le poids des choses et la violence des nécessités. À la question «Qui est Carlo Michelstaedter?», on répondra qu’il était ce qu’il demeure: un jeune homme qui ignore que sa présence contribue à maintenir le monde dans l’existence. (Liber)

Opinion d'une libraire
Épris d’absolu, refusant que ses idées ne soient que mots creux et rhétorique, Carlo Michelstaedter met fin à ses jours en 1910, à l’âge de 23 ans, alors qu’il vient de terminer son ouvrage La persuasion et la rhétorique. En reprenant dans un soliloque d’une brutale intensité les thèmes de prédilection du jeune penseur, tels que la douleur, la peur, la vie suffisante ou la violence des nécessités, Jacques Beaudry jette un regard pessimiste sur la société contemporaine mais, surtout, sur le grand paradoxe humain qui restreint la vie à un univers limité de possibles, par souci des convenances. Dans un idéal messianique, Michelstaedter s’est enlevé la vie pour que nous devenions vivants tout entiers. Au lieu de quoi, par peur, nous nous sommes contentés d’être son tombeau.
Anne-Marie Genest, Pantoute

Incipit
«Le jeune philosophe de Gorizia est mort au contact de l'oeuvre qu'il a produite parce que cette oeuvre représentait une intensification de son moi, que ce moi ne pouvait atteindre hors d'elle. Carlo Michelstaedter avait achevé sa thèse comme on vainc la cime d'une montagne. Ue fois tout en haut, il était hors de question qu'il courbe l'échine, il se devait d'élever sa personnalité au niveau de son oeuvre sans plus tarder. Comme il avait su dans sa thèse échapper à la force des choses en se les appropriant idéalement, il s'estimait tenu de prendre de la hauteur dans la vie en se conduisant d'une manière idéale.» (op. cit., p. 9)



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Carlo Michelstaedter
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Date de création:-1-11-30 | Date de modification:2012-04-18