L'Encyclopédie sur la mort


Épictète

 

ÉpictètePhilosophe stoïcien, originaire d’Hiérapolis, ville de Phrygie méridionale en Asie mineure. Esclave vendu à Rome et acheté par un certain Épaphrodite, Épictète suit les leçons du stoïcien Caïus Musonius Rufus et, après la mort de celui-ci, il enseigne lui-même le stoïcisme. Aux environs de 90, lorsque l’édit impérial de Domitien bannit d’Italie tous les philosophes en tant qu’adversaires de l’État, il s’établit à Nicopolis en Épire où il fonde une école et demeure jusqu’à sa mort. Ses propos ont été recueillis par son disciple grec Arrien, haut fonctionnaire, dans un Manuel et dans huit Entretiens dont les quatre premiers ont été conservés. La pensée d’Épictète, fort nuancée au sujet du suicide, a été exposée par A. Bonhöffer dans Die Ethik des Stoikers Epiktet (Stuttgart, 1894) et reformulée par Armand Jagu dans Épictète et Platon (Paris, Vrin, 1946). On y distingue trois séries de textes: 1. ceux qui voient dans le suicide un signe de parfait détachement à l’égard des biens terrestres et un signe d’obéissance à l’appel divin; 2. ceux qui considèrent le suicide comme un moyen de préserver sa dignité personnelle; 3. ceux qui condamnent le suicide comme un acte immoral (A. Bodson, La morale sociale des derniers stoïciens, Paris, Les Belles Lettres, 1967, p. 90-105).

 

Les Entretiens d’Épictète recueillis dans Les stoïciens nous offrent un échantillon très éloquent de sa pensée fort nuancée relativement à la mort volontaire. À ses disciples qui ne supportent plus d’être liés à leur misérable corps et qui lui demandent de pouvoir se détacher des liens qui leur pèsent, il réplique: «Hommes, attendez Dieu. Lorsqu’il vous fera signe et vous libérera de ce service, alors vous irez à lui; pour le moment consentez à résider dans le séjour où il vous a placés. Le temps du séjour n’est pas bien long et il est facile à supporter. […] Restez! Il serait déraisonnable de partir» (i, ix, 10-17). Un homme lui dit: «Sors de ta prison» et Épictète de répondre: «Si je ne vous sers plus à rien dans cette prison, je m’en vais; si vous avez encore besoin que j’y sois, j’y rentrerai. – Pour combien de temps? – Tant que la raison prescrit que je reste uni à mon corps; lorsqu’elle ne le prescrira plus, prenez-le et grand bien vous fasse. Seulement il faut que j’y réfléchisse sans faiblesse et que je ne prenne pas le premier prétexte venu» (i, xxix, 27-29). Cependant, il affirme devant Dieu: «Si tu m’envoies en un lieu où vivre suivant la nature est impossible aux hommes, je quitterai cette vie, non par désobéissance, mais parce que tu auras sonné pour moi la retraite. Je ne t’abandonne pas» (iii, xxiv, 101). Il compare la vie à un jeu libre et gratuit que l’on peut arrêter quand bon nous semble: «Chose essentielle, songe que la porte est ouverte. Ne sois pas plus lâche que les enfants: quand la chose ne leur plaît pas, ils disent “je ne jouerai plus”; toi aussi, quand tu crois être en semblable situation, dis “je ne jouerai plus” et va-t-en; mais si tu restes, ne gémis pas» (i, ii, 25). Mais il ne faut pas être déraisonnable, car «Dieu a besoin d’un monde comme le nôtre, et d’hommes comme nous qui vivent sur la terre» (i, xxix, 29). La cité, elle aussi, a besoin de nous. Ainsi, à un homme décidé de mourir, il riposte: «Sans la moindre raison, tu chasses de la vie et tu nous enlèves un ami, un camarade, un concitoyen de la grande et de la petite cité» (ii, xv, 10). L’utilité sociale demeure un argument important d’appréciation éthique du suicide: «Le sage sauve sa vie en la perdant. Tu dis: si Socrate* s’était sauvé, il aurait encore été utile aux hommes. Or, moi, mon ami, je te dis: ce que Socrate dit en refusant de se sauver, en mourant pour la justice, nous est bien plus utile que tout ce qu’il aurait dit et fait après s’être sauvé» (i, xiii, 14).

 

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Épictère

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Date de création:-1-11-30 | Date de modification:2012-04-05

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