Robert Bresson, Au hasard Balthazar, 1966.
Film suédois, français, 1h 36 min.
Scénario : Robert Bresson
Musique : andante de la sonate pour piano, n. 20 de Schubert.
Interprétation : Anne Wiazemsky (Marie), Francois Lafarge (Gérard), Philippe Asselin (le père de Marie), Nathalie Joyaut (la mère de Marie). Walter Green (Jacques).
La figure centrale de ce film est un âne appelé Balthasar, Celui-ci connut une enfance heureuse et fut traité très affectueusement par Marie, petite fille du pays basque. Puis l’âne est vendu et volé, battu et maltraité. À la fois victime et témoin de la cruauté des humains, il est ballotté d’un propriétaire à un autre. Il va jusqu’à performer dans un cirque où un échange de regards entre lui et les autres animaux révèle la puissance de communication entre ces êtres sans parole, mais pleins d’entendement. Le regard constant que l’âne jette sur les êtres et les choses, sur les événements et les agissements des humains est d’ailleurs inoubliable et poursuit les spectateurs longtemps après le visionnement du film. Vers la fin, Balthasar, couvert de reliques, participera à une procession. Il paraîtra déjà comme enveloppé de l’aura de la sainteté. Durant la même nuit, il sera capturé par des contrebandiers, qui le chargeront de leur butin et l’amèneront jusqu’à la frontière. Dans l’obscurité de la nuit retentissent des coups de fusil qui chassent les malfaiteurs. Le lendemain matin, des clochettes sonnent et des moutons s’approchent pour entourer la bête. Lorsque ceux-ci s’éloignent, on voit l’âne, tout seul, affaissé sous son lourd fardeau et mortellement blessé.
Bresson raconte : «Je voulais que l’âne traverse un certain nombre de groupes humains qui représentent les vices de l’humanité. Il fallait aussi, étant donné que la vie d’un âne est très égale, très sereine, trouver un mouvement, une montée dramatique. C’est à ce moment que j’ai pensé à une fille, à la fille qui se perd.» Effectivement, Balthasar passe par toutes les étapes de la vie humaine et son destin suit des courbes semblables à celles de l’existence tragique de la jeune Marie qui vont de l’enfance heureuse jusqu’à la mort douloureuse. Tous deux font l’apprentissage de la souffrance, la leur et celle des autres.
Balthasar est une figure symbolique de l’humble bonté confrontée à l’orgueil et à la méchanceté de la masse des humains. En effet, à la fin du film, la mère de Marie attribue à l’âne le qualificatif de « saint ». Il n’est donc pas étonnant que plusieurs critiques ont fait un rapprochement entre la symbolique du film et le rituel religieux, entre Balthasar et Jésus. À la fois lucide et sans complaisance, le regard de Balthasar est aussi celui que Bresson porte sur ses acteurs et ses personnages, sur lui-même et sur l’humanité entière. On devine l’empathie qui habite l’auteur, une forme d’identification avec son «personnage», qui devient contagieuse en se propageant sur les spectateurs.