L'Encyclopédie sur la mort


Caraco Albert

Albert CaracoAlbert Caraco est né en 1919 à Constantinople dans une famille juive établie en Turquie depuis près de quatre siècles. Ayant passé son enfance en Allemagne et en Europe Centrale, Albert Caraco et sa famille fuient la menace nazie en 1939, émigrent en Amérique du Sud et prennent la nationalité uruguayenne. A cette époque, Caraco, élevé dans la religion catholique, s’exprime déjà parfaitement en français, en allemand, en espagnol et en anglais. Il publie alors à Montevideo ses premiers écrits, principalement des poèmes et des contes symbolistes.

Il s’installe à Paris au lendemain de la guerre et commence alors à rédiger son œuvre théorique, se pliant à une discipline monastique, écrivant six heures chaque jour à horaires fixes. Reniant son éducation catholique, il projette alors son suicide, et décide d’attendre la mort du dernier de ses géniteurs pour l’accomplir. Il se suicide en septembre 1971, quelques heures après le décès de son père, laissant derrière lui un œuvre gigantesque, composé d'essais et de journaux intimes, que la maison d’édition L’Age d’Homme entreprend de publier depuis des années.

Un site a été créé afin d'offrir une introduction à l'oeuvre de ce penseur et écrivain inclassable.
http://albertcaraco.free.fr/

Post Mortem est sans doute son oeuvre la plus accessible dont voici l'incipit:

Madame Mère est morte, je l'avais oubliée depuis assez de temps, sa fin la restitue à ma mémoire, ne fût-ce que pour quelques heures, méditons là-dessus, avant qu'elle retombe dans les oubliettes. Je me demande si je l'aime et je suis forcé de répondre: Non, je lui reproche de m'avoir châtré, c'est vraiment peu de choses, mais enfin... elle m'a légué son tempérament et c'est plus grave, car elle souffrait d'alcalose et d'allergies, j'en souffre encore bien plus qu'elle et mes infirmités ne se dénombrent pas et puis... et puis elle m'a mis au monde et je fais profession de haïr le monde (Post Mortem, Lausanne, L'Age d'Homme, 1968).

Son pessimisme et sa misanthropie sont transparents dans ses oeuvres dont voici un échantillon:

Mais à quoi bon prêcher ces milliards de somnambules, qui marchent au chaos d’un pas égal, sous la houlette de leurs séducteurs spirituels et sous le bâton de leurs maîtres ? Ils sont coupables parce qu’ils sont innombrables, les masses de perdition doivent mourir, pour qu’une restauration de l’homme soit possible. Mon prochain n’est pas un insecte aveugle et sourd, n’est pas un automate spermatique. Que nous importe le néant de ces esclaves ? Nul ne les sauve ni d’eux-mêmes, ni de l’évidence, tout se dispose à les précipiter dans les ténèbres, ils furent engendrés au hasard des accouplements, puis naquirent à l’égal des briques sortant de leur moule, et les voici formant des rangées parallèles et dont les tas s’élèvent jusqu’aux nues. Sont-ce des hommes ? Non, la masse de perdition ne se compose jamais d’hommes » (Bréviaire du chaos, Lausanne, L'Age d'Homme, 1999).

Date de création:-1-11-30 | Date de modification:2012-04-10