L'Encyclopédie sur la mort


« Et in Arcadia ego » (les bergers d'Arcadie)

Benjamin Delmotte

Dans le chapitre 3 intitulé « L'arrêt. La dimension morale et religieuse des Memento mori est-elle fondamentale?» du livre de Benjamin Delmotte, Esthétique de l'angoisse. Le Memento mori comme thème esthétique, Paris, PUF, PUF, « Lignes d'art, 2010, p. 37-44, compare la peinture du Guerchin à celle de Nicolas Poussin représentant des bergers d'Arcadie autour d'un tombeau ayant pour inscription Et in Arcadia ego.

Le Et in Arcadia ego du Guerchin se différencie de la version du thème traitée ultérieurement pas Poussin, qui « ne représente plus une dramatique rencontre avec la mort, mais une méditation contemplative sur l'idée de mortalité ». (B. Delmotte, o.c., p. 37)



Guerchin Le tableau du Guerchin utilise en effet la diagonale de la toile pour suggérer le choc de la confrontation et met en scène l'immobilité contemplative des bergers. La vision du crâne semble les plonger dans leurs pensées et chacun d'eux intériorise la vision dans une direction propre : l'un à côté de l'autre, dans des positions symétriques, ils sont en effet fortement individualisés, comme s'ils se séparaient nettement en pensée à partir de l'expérience de la rencontre avec le crâne (à la base, les deux corps sont parallèles avant de s'épanouir en des directions opposées). Ce mouvement de séparation des deux bergers peut d'ailleurs se lire comme une représentation analogique de la dissociation interne à la conscience : devant ce crâne, la conscience se scinde entre une perception qui reste attachée à l'objet réel et une rêverie anxieuse autour de la possibilité de la mort. (o.c., p. 38)

Le tableau du Guerchin met donc en scène à la fois le choc de la rencontre et l'intériorisation de la vision, alors que celui de Poussin montre l'action (on s'approche, on cherche, on déchiffre), le calme repos (le personnage de gauche qui s'appuie négligemment sur le tombeau) et l'immobilité douce et réconfortante (la bergère). (o.c., p. 38)

Notes historiques

Giovanni Francesco Barbieri , dit "il Guercino" car il louchait, en français le Guerchin, est un peintre italien né à Cento, près de Ferrare, en 1591, et mort à Bologne en 1666. Son tableau Et in Arcadia ego, qui est visible dans la Galleria Borghese à Rome, a été peint entre 1618 et 1622. Deux bergers étonnés sont représentés devant un crâne percé, posé sur un socle de pierre qui porte l'inscription Et in Arcadia ego. L'oeuvre est exposée maintenant dans la Galleria Corsini à Rome. En toute probabilité elle fût commissionnée par la famille florentine Barberini, une des plus importante protectrice des arts à Rome, d'ailleurs le cardinal Francesco Barberini lui avait déjà commandé La mort de Germanicus. Est-ce cet homme qui a alors averti Poussin de la création de l' oeuvre de Guerchin?

Poussin a, en fait, peint deux oeuvres sur le même thème de la "mort dans l'Arcadie". Il réalise la première peinture vers environ 1630-1632 (elle se trouve maintenant dans la collection du duc et de la duchesse de Devonshire, Chatsworth House, Derbyshire, Angleterre). Elle montre dans une campagne idyllique deux bergers en compagnie d'une charmante jeune femme, découvrant avec frayeur un tombeau portant le message inquiétant. Ils sont représentés se penchant en avant contemplant leur terrible découverte. Comme dans l'oeuvre de Guerchin, mais avec moins de proéminence, sur le tombeau, repose un crâne - un attribut essentiel de memento mori. Poussin ajoute également le dieu du fleuve, Alpheus, à 'assemblée. Le visage de la jeune fille donne une note de mélancolie. C'est une oeuvre à caractère plus sérieux et plus solennel que la deuxième . Comme pour la première version, nous ne savons pas qui a commissionné la deuxième oeuvre, exécutée autour de 1638-1640 et maintenant exposée dans le Musée du Louvre à Paris.



Deuxième version de Poussin. Les 3 bergers semblent découvrir avec étonnement un tombeau et son inscription. La bergère pose une main rassurante sur l'un des bergers. L'Arcadie est une contrée montagneuse de l'ancienne Grèce et plus précisément du Péloponnèse. Dans la mythologie grecque l'Arcadie était appréciée par les Dieux car il faisait bon y vivre. Surtout par le Dieu Pan, Dieu des bergers et des troupeaux, fils de Zeus roi des dieux et de Callisto.




La formulation ET IN ARCADIA EGO que l'on retrouve sur d'autres peintures est remarquable tout simplement par ses propriétés d'anagramme :

1ère anagramme : Et in Arcadia ego - I Tego Arcana Dei

TEGO peut se traduire par "Je voile", "Je couvre", "Je dissimule", "Je cache" et même "Je protège". Nous obtenons alors une traduction possible qui pourrait être : "Va ! Je cache les secrets de Dieu"

2ème anagramme : Il faut savoir en fait que l'expression latine ET IN ARCADIA EGO semble incomplète. Si on la termine par le verbe être conjugué au présent SUM, on obtient "Et en Arcadie je suis" ou plus exactement "Je suis en Arcadie". C'est à partir de cette formulation que nous obtenons une seconde anagramme : Et in Arcadia ego sum - Tango arcam Dei Iesu .Ce qui peut se traduire par: "Je touche le tombeau de Dieu Jésus"

3ème anagramme :
Elle m'a été cordialement signalée par un internaute passionné. Et in Arcadia ego - Regina a Dei acto. Ce qui peut se traduire par : "Reine par décret de Dieu".

Liens

http://www.mezzo-mondo.com/arts/nicolas-poussin/fr/poussin-et-in-arcadia-ego.html

http://www.rennes-le-chateau-archive.com/index.htm?id=les_bergers_darcadie_versions.htm

























Date de création:-1-11-30 | Date de modification:-1-11-30

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