L'Encyclopédie sur la mort


Ariane

Figure mythique dont le nom signifie «très pure», «très lumineuse». Fille du roi Minos et de Pasiphaé, elle tombe amoureuse de Thésée, fils du roi Égée d’Athènes, aussitôt qu’il débarque sur l’île de Crète. Attirée par sa beauté et son courage, elle veut l’aider à accomplir sa mission: tuer le Minotaure, monstre fabuleux au corps d’homme et à la tête de taureau, né de Pasiphaé et d’un taureau. À cette fin, Ariane donne au jeune héros une pelote de fil, qu’il devra attacher à l’entrée du labyrinthe et laisser se dérouler en avançant dans les dédales obscurs du palais de Cnossos tout en prenant garde de ne pas la perdre. Après avoir abattu le monstre, Thésée réussit à sortir sain et sauf du palais royal, grâce au fil d’Ariane. Il emmène sa bien-aimée avec lui sur son navire pour l’épouser. Cependant, appelé par une nouvelle mission, Thésée abandonne Ariane sur l’île de Naxos (Dia). Elle devient l'épouse triomphale de Dionysos qui l'élève au rang des immortels. «Mythe de l'amour, mais aussi de l'éternité par l'amour, Ariane est donc une figure de félicité par-delà la mort. Dans la quête d'immortalité d'une société qui se métamorphose, elle est devenue un symbole de la survie dans l'amour divin» (Claude Vatin, Ariane et Dionysos. Un mythe de l'amour conjugal, préface de Jacqueline de Romilly, Editions Rue d'Ulm, «Etudes de littérature ancienne», 2004).

Selon une des versions du mythe, la princesse se tue de chagrin et de désespoir. C’est à cette fin tragique d’un amour prometteur que l’on doit le sublime madrigal de Monteverdi, le lamento d’Ariane, le chant de mort de celle qui meurt abandonnée sur son rocher. Le récit de l'abandon d'Ariane par Thésée a inspiré plusieurs autres poètes et compositeurs. Voici un poème d'Ovide:

C’était le temps des premières gelées, cristal couvrant la terre. Quand les oiseaux gazouillent à l’abri du feuillage. À demi réveillée, languissante de sommeil, Je me soulève et, pour saisir Thésée, vers lui j’étends mes mains. Personne ! Je retire mes mains, puis à nouveau tâtonne, Et j’agite mes bras à travers tout le lit: personne! La peur a chassé le sommeil: je me lève épouvantée, Et tout mon corps a bondi du lit vide. Ma poitrine aussitôt résonne sous les coups, Je m’arrache les cheveux dans le désordre du sommeil. Il faisait clair de lune. Je regarde si j’aperçois autre chose que le rivage. Mais le rivage seul vient s’offrir à mes yeux.

De-ci, de-là, des deux côtés, je cours sans savoir où. Mes pieds de jeune fille s’enfoncent dans le sable profond. Cependant, tout le long du rivage, ma voix criait «Thésée !» Et le creux des rochers me renvoyait ton nom: Ces lieux mêmes t’appelaient autant de fois que moi. Ces lieux voulaient porter secours à ma misère. Près d’eux, une hauteur; on voyait au sommet quelques rares arbustes. De là pend un rocher qu’usent les eaux grondantes. J’y monte – la passion me donnait du courage. Ainsi ma vue mesure au loin l’étendue de la mer. De là je vis (les vents cruels me servirent alors), Tes voiles que tendait l’impétueux Notus. Je les vis – ou je crus que je les avais vues : Plus froide que la glace, j’expirai à demi. (Ovide, Héroïdes X : Ariane à Thésée)

Et voici Goethe:

Si elle ouvre les yeux, elle va se réjouir sur ce qui vient compenser la perte qu'elle a faite, elle jouit de la présence divine, avant même d'avoir pris conscience de l'éloignement de l'infidèle. Comme tu seras heureuse, jeune fille comblée, lorsque, au dessus de cette côte rocheuse à l'aspect stérile, l'amant t'emmènera vers les collines cultivées, plantées de vignes où, entre les rangées de ceps, entourée de joyeux serviteurs, tu commenceras à jouir de la vie que tu ne finiras pas, mais dont tu jouiras dans le ciel omniprésent, en regardant vers nous du haut des étoiles, avec une éternelle bienveillance...

Parmi les pièces musicales:
Georg Friedrich Haendel (1685-1759), Arianna, le 26 janvier 1734 au King's Theatre, Londres.
Franz Joseph Haydn (1732-1809), Ariane à Naxos, cantate, 1791.
Richard Strauss (1864-1949), Ariadne auf Naxos: Opéra en un prologue et un acte, opus 60. Livret d'Hugo von Hoffmannsthal.Création de la 1e version : Stuttgart, Neues Königliches Hoftheater, le 25 octobre 1912. Création de la 2e version : Vienne, Hofoper, le 4 octobre 1916.

Image ci-dessus: Jeune fille (Ariane) endormie. Grèce
hellénistique. Réplique romaine inversée (Ier - IIe siècle après J.-C.),Musée du Louvre.

Pour les images d'Ariane et Dionysos dans l'Antiquité, consulter l'Académie de Nancy-Metz:
http://www.ac-nancy-metz.fr/enseign/Lettres/LanguesAnciennes/Ariane/fichiers/ariane_dionysos.htm

Date de création:-1-11-30 | Date de modification:2012-04-13