Information

Autre mot que l’on ne peut utiliser sans se rattacher à un courant de pensée que l’on n’a pas toujours choisi en toute connaissance de cause. Dans son usage le plus courant, ce mot appartient à la sphère du journalisme. Avez-vous écouté les informations télévisées? Dans son usage technique, il a deux sens distincts, comme nous le rappelle Philippe Breton : «Au sens strict de la théorie de l’information, l’information est une quantité, mesurée à l’aide d’une formule qui est sensiblement la même, (mais avec un signe inversé) que celle utilisée par le physicien Ludwig Boltzmann à la fin du XIXe siècle pour mesurer l’entropie des gaz. (...) On utilise également le terme information pour désigner un symbole numérique (0 ou 1)qui est codé de façon binaire.» Histoire de l’informatique, La découverte, Paris 1987, p.43.

Ce n’est là toutefois que l’un des sens techniques admis, celui qui s’est imposé dans le sillage de l’ordinateur et de ses théoriciens. Peu après la publication des travaux de Norbert Wiener sur la cybernétique et de Claude Shannon, Une théorie mathématique des communications, le nouveau sens donné au mot information a suscité un enthousiasme tel que plusieurs ont cru que c’était là, dans les sciences, un événement comparable à la découverte de la notion de force quelques siècles auparavant. D’éminents physiciens, tel Léon Brillouin, ont cru y découvrir une nouveau concept pour expliquer l’ensemble des phénomènes naturels. C’est dans le contexte que le mot information, dans son sens technique, a été utilisée en biologie et dans les sciences humaines.

Cet enthousiasme a été de courte durée. Comme nous le rappelle aussi Philippe Breton, le nouvel usage du mot information découle d’une distinction essentielle, faite longtemps auparavant, entre la forme et le sens du message. Les symboles utilisés en télégraphie, symboles transformés en signaux électriques, illustrent bien la différence entre le sens ou la signification du message et sa forme. On a eu bien des raisons d’étudier la forme séparément. Si elle n’est pas à l’abri d’une certaine dégradation, elle est à l’abri du mensonge, toujours rattaché au sens. L’intérêt pour la forme séparée s’inscrit en outre, à partir du XIVe siècle, dans une montée du formalisme touchant aussi bien la vie quotidienne que les sciences.

La réduction de l’information à un phénomène physique quantifiable est l’aboutissement de l’étude séparée de la forme du message. Il fallait avoir poussé cette réduction à sa limite pour en arriver à soutenir, à la suite de Shannon, que «l’information est la mesure de l’entropie, de la dégradation du signal en présence du bruit,» mot qui est ici synonyme de nuisance. Le but de Shannon et de ses collègues ingénieurs étaient d’étudier le bruit, pour apprendre à la réduire et assurer ainsi de meilleures communications.

Il n'en reste pas moins qu'en choisissant le mot information pour ne désigner que l'aspect physique de ce phénomène complexe, on a détourné l'attention des autres sens techniques de ce mot qui est indissociable du mot forme et du verbe informer. Il suffit de penser au sens que donnait Aristote à ces mots pour mesurer les effets du nouvel usage.

Essentiel

Umberto Eco écrit dans L’œuvre ouverte, « ...plus élevée est l’information, plus il est difficile de la communiquer ; et plus le message se communique clairement, moins il informe.»

Enjeux

L’information, au sens technique, réduite à son aspect formel, n’a-t-elle pas pris une importance démesurée par rapport au sens, à la signification des messages? Nous savons d’avance ce que révélerait une étude comparée du progrès accomplis dans le lutte contre les bruits à ceux accomplis dans la lutte contre la manipulation dégradante des messages dans la propagande, la publicité et même dans ce qu’on appelle communément l’information. Nous savons depuis Staline et Hitler, et le président George Bush nous l'a rappelé récemment, que ce qu'il nous faut d'abord craindre c'est une information déséquilibrée, constituée d'une forme(au sens physique) améliorée et d'un sens dégradé.

Articles


L'information et la vie

Jacques Dufresne
La démesure du progrès a toujours rendu le philosophe mélancolique. Il ne peut que condamner la démesure et suivre le progrès, comme tout le monde.

Différents sens du mot information

Jacques Dufresne
L'origine philosophique du mot information.

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