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Questions vives
Fin des méchants capitalistes et des bons travailleurs?
Pour ce qui est de la culture de transition, voici un avis partiel.  Cette transition devra pour réussir rompre avec la traditionelle rhétorique des méchants capitalistes et des bons travailleurs.  Pour aller vers une société qui ne soit plus sous le seul joug de la loi du profit des seuls actionnaires, il nous faut apprendre à articuler son organisation aussi autour d'une reconnaissance des droits et responsabilités ainsi que d'un pouvoir réel des véritables producteurs des biens et services. Les quatre axes choisis - l'argent comme outil indispensable à la circulation de l'information financière, la responsabilité sociale et collective de nourrir l'humanité, la destruction de notre habitacle planétaire, une diversification énergétique équilibrée - sont effectivement à ce point inter reliés qu'il est à mon avis suicidaire d'imaginer pouvoir les dissocier dans la recherche des solutions. La connaissance et l'éducation pour tous, sans lesquelles les techno-sciences ne pourront pas être mises au service du bien commun, doivent être cultivées dans un climat où respire une conception responsable de la liberté. Le socialisme démocratique que je prône n'a rigoureusement rien à voir avec les régimes totalitaires soviétiques ou chinois. Ces régimes n'ont été que des capitalismes d'État, beaucoup moins performant que le capitalisme privé; et on a vu comment a été facile et rapide leur passage dans le rang du plus fort. Le temps est venu de relire Le Capital avec un regard éclairé. Voir l'article du philosophe Lucien Sève, 'Marx contre-attaque', dans Le Monde diplomatique, décembre 2008, 3. Une culture de transition, développée dans une réelle valorisation de nos divergences, est une voie qui s'impose. ...

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Petite histoire de la politique linguistique au Québec

Marc Chevrier
Texte
La première loi à caractère linguistique du Québec fut timide. Elle créa en 1961 l'Office de la langue française. Ce fut le gouvernement Bertrand qui adopta en novembre 1969 la première loi linguistique du Québec, la Loi pour promouvoir la langue française au Québec (loi 63) 42.  Cette loi poursuivit des buts contradictoires. D'une part, elle enjoignait les commissions scolaires de donner leurs enseignements en français ; d'autre part, elle reconnut aux parents le libre choix de la langue d'enseignement, auquel cas les commissions scolaires devaient garantir aux enfants inscrits dans les classes anglaises une connaissance d'usage de la langue française.  Cette loi enjoignait aussi les autorités du ministère de l'immigration du Québec de voir à ce que les immigrants installés au Québec apprennent le français.  Mais cette première loi ne parut pas propre à maintenir le fragile équilibre linguistique du Québec, surtout à Montréal, où les écoles anglaises attiraient beaucoup d'immigrants et où le libre choix de la langue d'enseignement avait dressé anglophones, allophones et francophones les uns contre les autres.

Ce fut le gouvernement libéral de Robert Bourassa qui adopta la première loi linguistique où le législateur québécois affirma sa volonté de relever le statut du français dans la vie sociale.  Il s'était inspiré de certaines des recommandations de la Commission Gendron et, au contraire des artisans de la loi 63, il fut d'avis que la politique de la langue ne pouvait reposer sur la seule incitation mais devait aussi comporter des mesures coercitives.  Sanctionnée en juillet 1974 après un vote de 92 contre 10 à l'Assemblée nationale, cette loi, Loi sur la langue officielle du Québec (ou loi 22)43, indiqua clairement dans son préambule l'intention du législateur québécois :

« ...la langue française constitue un patrimoine national que l'État a le devoir de préserver, et [...] il incombe au gouvernement du Québec de tout mettre en oeuvre pour en assurer la prééminence et pour en favoriser l'épanouissement et la qualité. »

Cette loi étendit considérablement les visées et le champ d'application de la législation linguistique québécoise.  Pour la première fois dans son histoire, l'Assemblée nationale déclara le français langue officielle du Québec.  Dorénavant, la langue française devait être la langue de communication courante du gouvernement québécois ; les travailleurs devaient pouvoir communiquer entre eux et avec leurs supérieurs en français.  La langue française devait devenir omniprésente dans le monde des affaires, en ce qui concernait la direction des entreprises, les raisons sociales, l'affichage publique et les contrats.  En matière d'enseignement, la loi 22 reprit le principe du libre choix, mais en le tempérant.  Les parents conservaient le libre choix, pourvu que leurs enfants possèdent une connaissance suffisante de la langue d'enseignement.  Pour évaluer cette connaissance des élèves, la loi prévit l'imposition de tests linguistiques, dont les résultats décideraient de l'inscription d'un élève à l'école anglaise ou française.  Enfin, la loi dota le gouvernement d'organismes d'application et de surveillance de la loi.  Elle institua une Régie de la langue française, chargée entre autres de l'application du programme de francisation des entreprises prévu dans la loi et qui, par ses commissaires-enquêteurs, voyait à relever les violations de la loi et à en signaler l'existence au gouvernement.  Elle réservait aussi au gouvernement le droit de créer des commissions de terminologie pour normaliser l'emploi de la langue française.

Si la loi 22 marqua pour la première fois la volonté du législateur québécois de prendre activement la défense du français, elle ne réussit toutefois pas à établir de consensus sur les moyens de sa politique. L'application de tests linguistiques imposés aux enfants et la francisation des entreprises avaient buté sur de vives résistances dans la communauté anglophone et chez les immigrants. Chez les francophones, on salua dans la loi un essai loyal de réforme linguistique ; cependant, d'aucuns y virent une loi inapplicable, armée de demi-mesures, qui n'accordait pas au français toute la primauté qui lui était due.

Peu de temps après son accession au pouvoir en novembre 1976, le gouvernement du Parti québécois annonça son intention de réviser la loi 2244. En avril 1977, le ministre d'État au Développement culturel, M. Camille Laurin, déposa à l'Assemblée nationale un livre blanc sur la politique québécoise de la langue française45. Dans ce document, le gouvernement annonça qu'il accorderait la priorité à la langue dans son programme législatif et que dans son esprit, sa législation linguistique prendrait la forme d'une charte.

Selon le livre blanc, plusieurs raisons impérieuses justifiaient que l'État québécois prenne sur lui de redresser la condition de la langue française au Québec.  Se fondant sur l'analyse des tendances démographiques, il conclut que les francophones seraient de moins en moins nombreux, au Canada comme au Québec.  La forte propension des immigrants à s'intégrer au groupe anglophone précipiterait ce déclin.  Dans le monde de l'entreprise, le français demeurait encore la langue des petits emplois et des faibles revenus et l'anglais, langue des affaires, régissait encore les communications au travail.  De plus, les Québécois ne pouvaient compter sur le concours ni de la Confédération canadienne, ni du gouvernement fédéral, qui n'avaient su réfréner l'assimilation des francophones.  Enfin, de constater le livre blanc, beaucoup de Québécois étaient insatisfaits de la qualité de la langue française au Québec et ont tourné leurs espoirs vers l'État québécois, pour qu'il en rehausse le statut, l'usage et la qualité.

Dans ce livre blanc, le gouvernement indiqua les principes de sa politique de la langue.  Tout d'abord, la langue n'est pas un simple mode d'expression dont il s'agit de réguler les usages. Accorder à une langue la protection de la loi, c'est aussi veiller à la « qualité d'un milieu de vie, dont le langage est l'une des premières composantes » .  Ensuite, aussi loin qu'il aille dans la régie de la langue française au Québec, le législateur québécois entend respecter ses minorités, ainsi que leurs langues et leurs cultures.  Le gouvernement y reconnut que « dans le Québec, il existe une population et une culture anglaise »; « cette population, cette culture constituent une composante irréductible de notre société ».  Il reconnut l'apport précieux des autres langues et cultures minoritaires à la société québécoise, mais insista sur l'acquisition par ces minorités d'une connaissance suffisante de la langue nationale pour favoriser leur intégration à la société.  Autre principe : la promotion du français comme langue nationale du Québec n'exclut pas, tant s'en faut, l'apprentissage par les Québécois d'une deuxième ou d'une troisième langue.  Enfin, le relèvement du statut de la langue française est une question de justice sociale, c'est-à-dire, il importe que le français ne soit plus un obstacle à l'emploi et à la richesse.  « Ce qui est demandé à la majorité française, note le document, c'est de ressaisir le pouvoir qui leur revient, non pour dominer, mais pour s'imposer au rang et dans tout l'espace qui convient à son importance. »

À la fin avril 1977, le gouvernement saisit l'Assemblée nationale d'un projet de loi, intitulé Charte de la langue française (ou loi 101), qu'elle adopta le 26 août 197746.  Dans son préambule, la Charte énonce les principes d'action du législateur québécois.  Elle déclare la langue française « langue distinctive d'un peuple majoritairement francophone », « qui permet au peuple québécois d'exprimer son identité »  L'Assemblée nationale y manifeste sa résolution de faire du français la langue de l'État et de la loi aussi bien que la langue normale et habituelle du travail, de l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires.  Ce faisant, elle reconnaît l'apport précieux des minorités ethniques au développement du Québec et le droit des Amérindiens et Inuit du Québec de développer leur langue et culture d'origine.  (Depuis 1983, le préambule précise que l'Assemblée nationale entend poursuivre l'objectif de la Charte dans le respect des institutions de la communauté québécoise d'expression anglaise.47) Enfin, elle souligne l'obligation impartie à chaque peuple d'apporter une contribution particulière à la communauté internationale.

Dans son dispositif, la Charte de 1977, à l'instar de la loi 22, proclame le français langue officielle du Québec.  Elle énonce ensuite une série de « droits linguistiques fondamentaux », comme le droit des travailleurs d'exercer leur activité en français, ou celui du consommateur d'être informé et servi en français.  Le français est reconnu langue de la législation et de la justice au Québec, sans empêcher que les jugements et les procédures usent d'une autre langue, si c'est le voeu des parties.  La langue française devient la langue des communications du gouvernement, de ses ministères et de ses organismes affiliés, ainsi que des sociétés d'État et des ordres professionnels.  La régie interne des organismes municipaux, scolaires et de santé pourra se faire en français et dans une autre langue si ces organismes servent une clientèle dont plus de la moitié n'est pas francophone.

Au chapitre du commerce et des affaires, le français devient la langue obligatoire — mais non exclusive — de l'étiquetage et la seule langue de l'affichage public et de la publicité commerciale.  Par exception au principe de l'affichage unilingue français, la loi de 1977 autorise les entreprises employant au plus quatre personnes à pratiquer le bilinguisme, pourvu que le français fût aussi évident que l'autre langue.  Une exception du même type valait pour les activités culturelles des groupes ethniques et pour la publicité des organismes à but non lucratif.  De même, la loi fait du français la seule langue des raisons sociales, le bilinguisme étant admis pour la raison sociale des associations sans but lucratif à caractère ethnique.

Enfin, la Charte de 1977 abolit les critères d'admission à l'école anglaise prévus par la loi 22.  Dorénavant, ont droit d'être inscrits à l'école anglaise les enfants dont les parents ont reçu leur instruction primaire en anglais au Québec ; de même, les enfants dont l'un des parents a reçu, à l'entrée en vigueur de la loi, un tel enseignement ailleurs au Canada, ainsi que ceux qui sont déjà inscrits à l'école anglaise, et leurs frères et soeurs cadets.  Une commission d'appel entend les appels des parents estimant qu'on aurait dû déclarer admissibles leurs enfants à l'école anglaise.

Outre cette commission d'appel, la Charte de 1977 crée cinq organismes chargés de sa mise en oeuvre.  L'Office de la langue française s'occupe de la politique québécoise en matière de recherche et de terminologie linguistiques, autorise les organismes municipaux et parapublics servant une population d'une majorité autre que française à suivre un fonctionnement interne bilingue et administre le processus de francisation des entreprises. Ce programme vise toutes entreprises de cinquante personnes ou plus et a pour but de certifier que l'utilisation du français s'y est généralisé à tous les niveaux de leur fonctionnement.  Les entreprises peuvent appeler des décisions de l'Office devant une commission d'appel.  Une commission de toponymie s'intéresse à la dénomination des lieux, en tout ce qui touche à leur inventaire, aux règles d'écriture et au choix de leur nom.  Une commission de surveillance s'assure de l'observance de la loi et fait enquête sur les contraventions de la loi, signalées par une tierce personne ou découvertes par ses enquêteurs.  Enfin, un organisme consultatif, le Conseil de la langue française, conseille le gouvernement sur la situation de la langue française au Québec, de même que sur l'interprétation et sur l'application de la Charte de la langue française.

Les réactions à la Charte de langue française ont beaucoup varié.  Plusieurs groupes et associations de défense du français ont vu dans la proclamation de cette charte un événement historique.  Chez les francophones, le gouvernement crut obtenir un fort appui à son action.  Chez les anglophones, les réactions allèrent de l'acceptation prudente à la contestation ouverte, et la charte n'eut pas plus tôt été sanctionnée que déjà des représentants de la communauté anglophone projetèrent d'en contester la validité devant les tribunaux.

La contestation judiciaire a marqué la vie de la Charte de la langue française et en a, au fil des décisions de justice, limité la portée. Plusieurs de ces actions ont été portées jusqu'à la Cour suprême du Canada, contribuant ainsi à politiser la contestation judiciaire et à attirer l'attention de tout le Canada sur elle.

Ainsi, dès 1978, la Cour suprême décida que l'Assemblée nationale ne pouvait déclarer le français seule langue de la législation et des tribunaux48.  La Constitution, celle qui fut à l'origine de la création du Canada en 1867, obligeait le Québec à respecter le bilinguisme pour l'édiction des lois et pour les procédures judiciaires, et cette obligation s'étend, outre aux lois proprement dites, à tout texte normatif émanant du gouvernement49.

En 1982 survinrent de graves événements qui marquèrent l'avenir de la Charte de la langue française et du Québec.  Le Canada réformait tout d'un bloc sa constitution et le régime fédéral.  Ce faisant, il laissait pour compte le Québec, à qui il avait imposé cette réforme malgré son désaccord manifeste.  Le Québec subissait ainsi une perte de statut et de compétences, qui heurtait pour une deuxième fois depuis la conquête de 1760 la continuité de ses institutions.  Cette réforme dotait le Canada d'une Charte des droits et libertés, laissée à l'interprétation et à la sanction des tribunaux de tout le pays et inscrivait dans la Constitution les droits linguistiques des minorités de langue officielle.  Ces droits étaient ainsi rédigés qu'ils donnaient à ces minorités — francophone, en dehors du Québec, anglophone au Québec — le droit de faire instruire leurs enfants dans leur langue dans les écoles publiques financées par la province50.  Là où le nombre le justifie, ces minorités obtenaient aussi le droit de gérer leurs écoles.  Ces droits constitutionnels, applicables au Canada tout entier, visaient particulièrement la législation linguistique du Québec.

La Charte canadienne des droits et libertés ne tarda pas à révéler ses effets.  En 1984, la Cour suprême arrêta que le Québec ne pouvait restreindre l'accès à l'école anglaise publique aux seuls enfants dont les parents ont suivi leur enseignement primaire au Québec en anglais.  La Charte canadienne étendait ce droit à tous les parents qui avaient reçu leur instruction primaire en anglais au Canada51.  En 1988, la Cour décida que l'Assemblée nationale du Québec ne pouvait non plus exiger que l'affichage public et la publicité commerciale se fassent en français uniquement et que seule la raison sociale en langue française ait cours52. Aux dires de la Cour, ces exigences violeraient la liberté d'expression garantie par la Charte canadienne, même si le titulaire en est une société commerciale.  De plus, elles iraient à l'encontre des droits à l'égalité.  Bien que la Cour ait reconnu dans le projet d'assurer la qualité et le rayonnement de la langue française un objectif légitime de législation, il semble, aux dires du professeur de droit Ghislain Otis, qu'elle « n'a en définitive accordé guère de poids au véritable projet de société inhérent » à la loi 101, soit promouvoir le français comme langue commune.  La Cour a reconnu que le législateur québécois pouvait légitimement prendre des mesures pour que le « visage linguistique »  du Québec reflète la prédominance du français, sans reconnaître dans la prescription de l'unilinguisme dans l'affichage une mesure nécessaire à l'accomplissement des objectifs de la loi 10153.  Toutefois, a précisé la Cour, exiger que la langue française prédomine, même nettement, sur les affichages et les enseignes serait une mesure compatible avec les chartes québécoise et canadienne54.

À la suite de ce jugement, le gouvernement libéral de Robert Bourassa fit adopter en décembre 1988 une loi qui soustrayait la Charte de la langue française au contrôle judiciaire — la Constitution canadienne autorise ce genre de dérogation, pour une période de cinq ans55 — et modifiait les règles de l'affichage public56.  La règle de l'unilinguisme français continuait de prévaloir pour l'affichage public et la publicité commerciale à l'extérieur des établissements.  Cependant, à l'intérieur d'eux, l'usage d'une autre langue était permis, pourvu que le français soit visible de façon nettement prédominante.  Ce type de bilinguisme comportait des exceptions, les entreprises franchisées employant entre cinq à cinquante personnes et les centres commerciaux étant soumis à un régime plus strict.

Le 31 mars 1993, le Comité des droits de l'homme des Nations Unies, un organisme institué par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, livra ses « constatations » à la suite de plaintes déposées par des commerçants anglophones du Québec. Le comité reconnut qu'il est légitime pour un État de choisir une ou plusieurs langues officielles, notamment pour protéger une minorité en position vulnérable comme les francophones au Canada. Cependant, il vit dans les règles de la loi 101 prescrivant l'affichage unilingue, même modifiées par la loi 178, une violation de la liberté d'expression consacrée par le Pacte.  Toutefois, ces règles ne créaient aucune discrimination fondée sur la langue ni ne brimaient les droits des minorités reconnus par le Pacte.  En effet, les citoyens canadiens anglophones ne peuvent être considérés comme une minorité linguistique, puisqu'ils sont majoritaires au Canada 57.

De nouveau, le gouvernement modifia la Charte de la langue française en adoptant en juin 1993 une loi (loi 86) qui réformait le régime de l'affichage public et de la publicité commerciale58.  Désormais, ils pouvaient être faits en français et dans une autre langue, pourvu que le français y paraisse « de façon nettement prédominante ».  La loi réservait toutefois au gouvernement le pouvoir de déterminer les situations où l'affichage public et la publicité commerciale doivent se faire uniquement en français ou peuvent se faire avec prédominance du français ou uniquement dans une autre langue.

Le 10 juin 1996, Mme Louise Beaudoin, ministre de la Culture et des Communications et ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française a annoncé les nouvelles intentions de son gouvernement en matière linguistique.  Elle a saisi en ce sens l'Assemblée nationale d'un projet de loi modifiant la Charte de la langue française (projet de loi no 40) et rendu publique une proposition de politique linguistique soumise à la consultation 59.  Selon la ministre, « [l]es orientations et actions proposées dans le document de consultation constituent un nouveau contrat linguistique axé sur l'affirmation du français, d'un français de qualité, comme langue commune et langue de convergence qui nous permettra de construire ensemble l'avenir du Québec, dans le respect des droits de la communauté anglophone et des nations autochtones ». Le projet de loi ferait revivre l'ancienne Commission de protection de langue française, abolie en 1993, et ajouterait quelques dispositions relatives à la commercialisation de certains produits, dont les logiciels, qui devront être mis sur le marché avec une version française, si elle est disponible.  En novembre 1996, le gouvernement québécois rendait publique une politique visant à rehausser l'emploi et la qualité de la langue française dans l'administration publique québécoise, de telle manière que ses activités reflètent le fait que le français est à la fois la langue officielle et la langue normale et habituelle de la vie politique60.

Il est dans la tradition du législateur québécois de soumettre ses grandes réformes à la consultation publique par le biais de commissions parlementaires permanentes de l'Assemblée nationale.  Ces commissions entendent en audience publique les témoignages et les avis des associations et des citoyens. Ainsi, la commission de la Culture de l'Assemblée nationale a entrepris en août 1996 une consultation publique sur le projet de loi et la proposition de politique linguistique.

Notes
42. C.9, sanctionnée le 28 novembre 1969. 
43. C.6, sanctionnée le 24 juillet 1974. 
44. Le Soleil, 20 janvier 1977. 
45. QUÉBEC (GOUVERNEMENT), MINISTRE D'ÉTAT AU DÉVELOPPEMENT CULTUREL.  La politique québécoise de la langue française, mars 1977, 67 p. 
46. Charte de la langue française, L.Q., c. 5, 1977. 
47. Voir Loi modifiant la Charte de la langue française, L.Q., c. 56, 1983. 
48. Blaikie c. Procureur général du Québec et autres, [1979] 2 R.C.S. 1017. 
49. Procureur général du Québec c. Blaikie et autre, [1981] 1 R.C.S. 312. 
50. Article 23, Loi constitutionnelle de 1982. 
51. Procureur général du Québec c. Quebec Protestant School Boards, [1984] 2 R.C.S. 67. 
52. Ford c. Québec, [1988] 2 R.C.S. 712 ; Devine c. Québec, [1988] 2 R.C.S. 790. 
53. OTIS, Ghislain.   , (1995) 27 Revue de droit de l'Université d'Ottawa, 261, p. 277. 
54. Ford, p. 780. 
55. Article 33, Loi constitutionnelle de 1982. 
56. Loi modifiant la Charte de la langue française, L.Q., 1988, ch.54. 
57. Affaire McIntyre, CCPR/C/47/D/359/1989 et 385/1989/rev.1, 5 mai 1993. 
58. Loi modifiant la Charte de la langue française, L.Q., 1993, ch.40. 
59. QUÉBEC (GOUVERNEMENT), MINIST_RE DE LA CULTURE ET DES COMMUNICATIONS.  Le français langue commune.  Promouvoir l'usage et la qualité du français, langue officielle et langue commune du Québec.  Proposition de politique linguistique, 1996, 77 p. 
60. QUÉBEC (GOUVERNEMENT).  Politique gouvernementale relative à l'emploi et à la qualité de la langue française dans l'administration, 1996, 9 p.

Source
Marc Chevrier, Des lois et des langues au Québec. Principes et moyens de la politique linguistique québécoise. Étude publiée par la Direction des communications du Ministère des Relations internationales du Québec, mars 1997.
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