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Les diasporas scientiques
Dans le contexte de l'exode des cerveaux les diasporas scientifiques représentent un espoir.

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La francophonie contre Google: le jugement contre la machine
Dossier: Google

Jacques Dufresne
Présentation
Combien de milliards d'euros les divers projets de moteur de recherche auront-ils coûté à l'Europe et à la France? Tel est le prestige de la technique! A-t-on idée du résultat qu'on aurait pu obtenir en investissant les mêmes milliards dans l'exercice du jugement, en octroyant par exemple un supplément de 5 000 euros par année pour permettre à des chercheurs et à des professeurs de collaborer à une grande oeuvre fondée sur l'exercice du jugement?

Extrait
Une chose est claire, nous en faisons la démonstration en annexe, Google a gagné la guerre mécanique. Il ne reste à la Francophonie et à l'Europe qu'un espoir: lancer la guerre du jugement et la gagner. Les outils de Google ont déjà fait tout ce qu'il est possible de faire mécaniquement dans le traitement du contenu des livres. Il demeure toutefois possible d'atteindre des résultats plus intéressants et plus enrichissants par un exercice du jugement s'appuyant sur une technologie plus simple que celle de Google. Ce travail consisterait à créer une encyclopédie faisant une large place aux extraits de livres, anciens et nouveaux, et donnant des liens conduisant directement aux versions numériques des livres.

Texte
mmm. mmm
Marc Tessier

Le Rapport Tessier sur la numérisation des livres est une bonne nouvelle pour tous les francophones et pour nous de l'Agora en particulier. Il s'agit certes d'un rapport après bien d'autres, alors qu'on attendait une réalisation convaincante, mais il prouve au moins que quelques personnes en France ne se sont pas encore résignées à s'incliner devant Google comme devant une fatalité. Personne n'a poussé plus loin que nous la critique du Soft Power américain dont Google est devenu le fer de lance. Dans le Rapport Tessier,  on propose, outre de négocier avec Google, les objectifs suivants:


  • Améliorer la présence de Gallica et de ses contenus sur l’internet
  • Améliorer le service rendu par Gallica
  • Mutualiser les actions des bibliothèques
  • Faire évoluer Europeana
  • Une charte commune des partenariats publics/privés
L'essentiel c'est que le débat sur l'exception culturelle soit ainsi relancé. Est-il permis d'espérer que la France profite de l'occasion pour comprendre enfin que la Francophonie ne se réduit pas à elle?

Une chose est claire, nous en faisons la démonstration en annexe, Google a gagné la guerre mécanique. Il ne reste à la Francophonie et à l'Europe qu'un espoir: lancer la guerre du jugement et la gagner. Les outils de Google ont déjà fait tout ce qu'il est possible de faire mécaniquement dans le traitement du contenu des livres. Il demeure toutefois possible d'atteindre des résultats plus intéressants et plus enrichissants par un exercice du jugement s'appuyant sur une technologie plus simple que celle de Google. Ce travail consisterait à créer une encyclopédie faisant une large place aux extraits de livres, anciens et nouveaux, et donnant des liens conduisant directement aux versions numériques des livres.

Nous étions bien résolus à suivre cette méthode quand nous nous sommes engagés dans la rédaction de l'Encyclopédie de L'Agora. Nous avons découvert que rares sont les livres qui ne contiennent pas au moins un paragraphe jetant un éclairage original sur un mot ou une idée et nous atteignions le sommet de la joie quand nous reproduisions un texte de premier ordre, devant lequel nous nous disions: comme il serait regrettable qu’il tombe dans l’oubli ! C'est ainsi que nous avons introduit un long passage d'André Suarès dans notre dossier violon. Les trésors du passé devaient constituer le fond de nos dossiers, à charge pour les titulaires de les compléter en puisant dans les connaissances actuelles. Puisque l'outil informatique le permet, comment résister au plaisir d'insérer un texte de Plutarque dans le dossier Jules César ou un texte de Vasari dans le dossier Botticelli ? Également dans ce dernier dossier, un texte admirable d'un auteur oublié, M. E.Bertaux, que l'on peut lire dans la Grande Encyclopédie ? Rien de plus simple ensuite que de publier la liste des liens conduisant aux livres et aux articles les plus intéressants. Une telle oeuvre pourrait avec le temps satisfaire la curiosité des meilleurs esprits tout en faisant à Google une respectable concurrence, la seule en tout cas qui soit encore possible.

Google pourra aligner des occurrences d'une séquence de mots en quantité illimitée, mais il le fera sans finesse et c'est le hasard qui vous permettra de découvrir par ce moyen que Madame de Chateaubriand a parodié un vers célèbre: «L'ennui naquit un jour de l'Université !» Qui plus est, si vous ne connaissez pas les auteurs qui apparaissent dans vos résultats, il y a peu de chances que ce soit cette opération qui vous les fasse découvrir. Alors qu'une encyclopédie faisant une large place aux livres anciens et nouveaux pourrait, à condition que l'exercice du jugement en soit la règle, donner accès aux textes tout en fournissant des raisons de les lire. De l'oeuvre d'André Suarès par exemple nous avons tiré dix passages, que nous avons insérés dans autant de dossiers différents. Voilà dix fenêtres ouvertes sur l'oeuvre de cet auteur et autant d'occasions de le lire et de moyen d' accéder à ses livres.

Nous avons défendu cette stratégie depuis nos premiers succès en 2000, on nous a même donné l'occasion d'exposer nos vues auprès des autorités françaises et de celles de la Francophonie. La publication du rapport Tessier nous incite à revenir à la charge. Numériser les livres, créer des sites bibliothèques, oui ! Ces sites  sont la base.  Mais pour assurer la diffusion des livres, il faut ensuite miser, autant sinon plus que sur des moteurs de recherche,  sur des sites encyclopédiques faisant une large place aux livres et par là, à la perspective historique. Google n'a pas renoncé à cette seconde arme. Il faudra voir ce que deviendra son encyclopédie Knol. Si un grand chantier encyclopédique fondé sur le livre, tirant profit des ouvrages numérisés, était lancé à l'échelle de la Francophonie, on pourrait être bien vite étonné de la qualité du résultat. Le succès que nous avons nous-mêmes obtenu, avec une toute petite équipe et un soutien de l'État qui n'a duré que deux ans, donne une bonne idée du succès que pourrait connaître une oeuvre d'envergure rédigée par une équipe internationale. Si les francophones du monde entier ont répondu si généreusement à l'appel de Wikipedia, refuseraient-ils de répondre à l'appel de leurs pays regroupés dans la Francophonie?


Le soutien des gouvernements est nécessaire à un tel projet. Nous n'avons pas encore renoncé à convaincre le nôtre, celui du Québec, de passer à l'action. Nous n'avons pas encore de politique d'édition sur Internet et notre gouvernement ne voit pas la nécessité d'une telle politique. Nous avons appris, de bonne source, qu'il ne veut pas prendre le risque de revoir sa politique du livre. Nous croyons au contraire, et nous l'avons même démontré, qu'Internet rentabilise à peu de frais les investissements publics et privés dans l'industrie du livre. À titre d’exemple, notre Encyclopédie sur la mort a pour base un seul livre savant vendu, jusqu'à sa mise en ligne dans notre format encyclopédique, à quelques centaines d'exemplaires. Il a reçu au cours des douze derniers mois 2009-2010, 329,436 visiteurs qui ont consulté 660 000 pages.

Annexe

Depuis l'arrivée en force de Google sur Internet, nous avons à l'Agora multiplié les appels à l'unité et à la cohérence au sein de la francophonie, en particulier en ce qui a trait à la numérisation des livres et à la nécessaire complémentarité entre les sites bibliothèques et les sites encyclopédiques. Le projet Google Books, lancé il y a quelques années, et dont on commence à voir les résultats, avait avivé nos craintes. Nous avons multiplié les mises en garde contre le monopole américain sur Internet, attiré l'attention sur la part démesurée des revenus de publicité mondiaux qu'accapare déjà Google.

En vain? Je le répète, en tant qu'opération de Soft Power, Internet est, pour un empire, l'empire américain en l'occurrence, la plus brillante réussite de tous les temps. Quand jadis un empire voulait obtenir des renseignements sur une lointaine possession, il devait mener une enquête à ses frais et à ses risques. Grâce à Internet, les sujets de l'empire américain livrent eux-mêmes à leurs frais et à leurs risques, l'information qui complétera leur fiche et l'empire prélève un revenu publicitaire au passage. L'abbé Charles-François Painchaud, qui sortit de sa forêt pour fonder le collège de la Pocatière en 1827  inspiré par sa passion pour Chateaubriand, avec qui il avait correspondu, soit dit en passant , n'est pas le personnage au monde le plus important. Au Québec, seuls quelques historiens et quelques anciens de son collège savent qui il est. J'avais le vague souvenir qu'on lui avait consacré une biographie. J'inscris donc Painchaud La Pocatière, dans le fenestron de recherche de Google Books. Moins d'une seconde plus tard, je peux commencer à lire, en version intégrale, une biographie datant de 1994 et signée Narcisse-Eutrope Dionne. Et à droite de l'écran, qu'est-ce que j'aperçois? Une annonce payée par l'hôtel La Pocatière de Coutances. Désireux de savoir s'il y a un lien entre Coutances et la ville de La Pocatière au Québec, je clique sur l'annonce. J'autorisais ainsi Google à réclamer quelques dollars à un petit hôtel de Province en France. Et il s'agit là d'un revenu publicitaire dont seront privés les médias locaux.

J'ai ensuite fait divers tests pour comparer Google Books à Gallica pour ce qui est des livres en langue française seulement. «Qu'importe ton sein maigre, ô mon objet aimé, on est plus près du coeur quand la poitrine est plate.» Je voulais m'assurer que Louis Bouilhet, ami de Flaubert, était bien l'auteur de ces vers amusants. Dans Gallica, j'ai d'abord utilisé la recherche générale. Sans résultats. J'ai mis ensuite des guillemets de part et d'autre de ma séquence de mots : ''qu'importe ton sein maigre ô mon objet…'' Effort inutile. J'ai eu recours ensuite  à la recherche avancée. J'ai inscrit ma séquence dans un fenestron, en précisant qu'il fallait chercher l'expression exacte. En vain! Il m'a suffit d'inscrire, sans guillemets, ma séquence dans le fenestron de recherche générale de Google Livres pour obtenir plus de résultats pertinents que je ne pouvais en lire. Louis Bouilhet était non seulement identifié comme l'auteur de ces vers, mais j'ai eu droit à une liste de livres de divers auteurs où ils sont cités. Une recherche comparée de même nature, portant cette fois sur ce vers connu: « L'ennui naquit un jour de l'uniformité », m'a permis d'apprendre via Google que son auteur est Lamothe-Houdart et que Madame de Chateaubriand l'avait parodié ainsi: «L'ennui naquit un jour de l'Université !»

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