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Extrait de livre

Un certain virage vers le "français, langue de travail"
Gaston Cholette
Extrait
Un certain virage vers le «français, langue de travail», ne s’amorce vraiment qu’avec l’arrivée du parti libéral au pouvoir, le 29 avril 1970. Vu que le premier ministre, Robert Bourassa, rencontre les dirigeants des principales entreprises deux mois plus tard à Montréal, le 29 juin, il y a branlebas de combat à l’Office de la langue française.

Texte
Après le 29 avril 1970

Un certain virage vers le «français, langue de travail», ne s’amorce vraiment qu’avec l’arrivée du parti libéral au pouvoir, le 29 avril 1970. Vu que le premier ministre, Robert Bourassa, rencontre les dirigeants des principales entreprises deux mois plus tard à Montréal, le 29 juin, il y a branlebas de combat à l’Office de la langue française. Un tel événement, même s’il est dans un grande mesure l’affaire de l’entourage du premier ministre, exige évidemment le concours de l’Office. Celui-ci doit préparer des documents de travail, fournir des renseignements au ministre des Affaires culturelles, bref se mobiliser pour être à la hauteur de la tâche. Avec peu de temps à sa disposition, il est sur la sellette et doit faire appel à toutes ses ressources.

Le 14 juin, il remet au ministre un volumineux document intitulé Le français : langue de travail. C’est un mémoire qualifié par l’Office de dossier technique; il s’agit en réalité d’un document de référence touchant les réalisations de l’Office, ses travaux en cours et, bien entendu, quelques considérations sur le «français, langue de travail».

On y trouve des idées nouvelles sous le titre Mode opératoire proposé pour que le français devienne langue de travail. Pour appliquer méthodiquement et efficacement un programme d’action dont l’objectif est de faire du français la langue de travail, il est nécessaire, dit-on, de regrouper les entreprises sur une base sectorielle, selon des caractéristiques communes. Après accord avec les entreprises d’un secteur donné, il conviendrait de suivre la démarche suivante :

- dans une première étape, constitution d’un groupe mixte de travail (entreprises, Office, experts-conseils) pour la préparation et la diffusion de lexiques, notamment dans les entreprises (il s’agit d’une pratique partiellement appliquée pour ce qui est des travaux en cours);

- dans une deuxième étape, animation auprès des ouvriers et des employés, enseignement du français au personnel anglophone, en particulier aux cadres unilingues, enfin action parallèle du gouvernement.

C’est la première fois que l’idée de sectorisation fait son apparition dans un document de l’Office; c’est la première fois aussi que l’on dépasse le stade de la préparation et de la diffusion de vocabulaires spécialisés.

En ce qui concerne l’animation on prévoit la formation d’un groupe de travail «ad hoc», l’utilisation de diapositives illustrant l’équipement que l’on trouve dans l’industrie et les opérations exécutées par les ouvriers, la préparation de tableaux illustrés pour affichage dans les usines, l’application sur les machines-outils d’étiquettes descriptives à la vue constante du personnel. Pour faire démarrer ce programme d’animation, l’Office envisage de mettre ses animateurs et ceux des Bureaux régionaux de diffusion du français (BRDF) à la disposition des entreprises. On projette d’envoyer ces animateurs faire un stage dans les usines et de recevoir en stage, à l’Office, les spécialistes chargés de la formation du personnel dans les entreprises intéressées.

Quant à l’enseignement du français, dont il est question sous le titre Formation du personnel de direction des entreprises, on dit tout simplement qu’il y a plusieurs services compétents qui dispensent des cours adaptés à ces situations et que les entreprises peuvent y avoir recours à l’exemple de celles qui le font déjà.

Enfin, s’agissant de l’action parallèle du gouvernement, l’Office revient sur l’importance de la rectification du langage administratif et juridique et rappelle la prochaine révision des lois prévue pour 1974.

Le choix et la composition des «secteurs» en 1970 sont sujets à de fréquentes variations. Dans le dossier technique du 14 juin, il y en a neuf, sous la rubrique Services spécialisés mis à la disposition des entreprises; l’adjoint administratif de l’Office, dans un document à l’intention du sous-ministre en date du 5 juin, parle de ces services spécialisés en termes de domaines prioritaires. En voici la liste : biens de consommation; entreprises des services publics; mass média; éducation; administration; termes juridiques et administratifs; commerce, industrie, finance; santé et amélioration sociale; langues scientifiques et techniques.

Plus tard, dans un rapport au ministre sur les principales activités de l’Office depuis avril 1970 jusqu’à février 1971, on affirme que l’Office a créé en son sein les 16 secteurs dits prioritaires suivants : alimentation, électronique, finance et banques, gaz naturel et pétrole, textile, vêtement, assurances, audio-visuel, métallurgie, automobile, pâtes et papiers, mines, avionnerie, construction navale, transports, industrie chimique. Plus loin, dans le même document, on ne retrouve que 14 secteurs.

Un autre document semblable, quelques semaines plus tard, fait savoir sans plus de précisions que 6 de ces 16 secteurs sont déclarés prioritaires, compte tenu de leur influence dans l’ensemble de l’économie québécoise, du nombre d’employés et d’ouvriers qu’ils embauchent, de l’importance du public consommateur; on tient compte aussi dans cette décision de l’état des travaux de l’Office. On retrouve la liste de ces 6 secteurs dits surprioritaires dans le dossier préparé pour la défense des crédits de l’Office : alimentation; électronique; bourse, banque et finances; industrie pétrolière et gaz naturel; textile; habillement et vêtement.

Le rapport annuel de l’Office de la langue française pour l’exercice financier 1970-1971 ne fait état, quant à lui, que des 11 premiers secteurs de la liste des 16 mentionnés plus haut.

(…)

Rencontre du premier ministre et des dirigeants des grandes entreprises le 29 juin 1970

Le coup d’envoi officiel de la campagne pour faire du français la «langue de travail» au Québec est donné par le premier ministre lui-même lors d’une rencontre avec les présidents et directeurs généraux des plus grandes entreprises établies au Québec. Tout est mis en œuvre par le gouvernement pour frapper un grand coup. C’est le bureau du premier ministre qui est le maître d’œuvre de l’opération : il en fixe la date et l’endroit, en établit le format et le cheminement, détermine le niveau des personnalités à inviter (les présidents), dresse la liste des entreprises qui seront représentées, enfin se réserve le dernier mot pour ce qui est de la conférence de presse.

L’Office de la langue française, pour sa part, prépare les documents qui seront remis aux participants : une brochure intitulée Le français, langue de travail, dont l’essentiel est tiré de son dossier techique du 14 juin 1970, des textes sur son statut juridique, ses pouvoirs et ses structures.

On choisit d’inviter les entreprises qui comptent plus de 3000 salariés, d’autres dont l’image publique est auréolée par des technologies de pointe, des banques et d’autres entreprises du secteur financier, enfin de grandes entreprises commerciales. Une trentaine d’entreprises participent à la rencontre; elles sont représentées par des présidents et des vice-présidents.

Le premier ministre déclare que l’objet de la réunion est d’amorcer le processus par lequel le français deviendra partout au Québec la langue de travail et que le gouvernement est décidé à prendre toutes les mesures nécessaires à la poursuite de cet objectif. Il presse les dirigeants d’entreprises d’agir avec le plus de rapidité possible car la situation est urgente; il faut faire la preuve, au cours des prochaines années, que le Québec francophone est capable, sans briser les liens qui l’unissent au Canada, de travailler, de vivre et de réussir dans sa propre langue. Il invite les entreprises à travailler avec l’Office de la langue française à cette fin. (Rappelons que 1970 est une année ponctuée d’événements violents reliés à la question linguistique et revendiqués par le Front de libération du Québec.)

Le ministre des Affaires culturelles informe les dirigeants d’entreprises que des conseillers linguistiques de l’Office spécialisés en divers domaines sont à leur disposition. L’Office peut ainsi aider les entreprises à résoudre leurs problèmes de terminologie.

En formant des groupes de travail mixtes, avec des représentants des entreprises et des linguistes de l’Office, on pourrait préparer des lexiques appropriés. L’Office pourrait collaborer aussi avec les entreprises à la diffusion de cette terminologie et à son implantation. On utiliserait à cette fin du matériel audio-visuel et on organiserait des stages à l’intention des spécialistes chargés de la formation du personnel dans les entreprises. Des spécialistes de l’Office feraient eux-mêmes des stages dans les entreprises.

Les entreprises devraient aussi, dans une deuxième étape, s’attaquer au problème de l’enseignement du français à ses (sic) cadres anglophones; elles pourraient, à cet égard, compter sur les conseils de l’Office. François Cloutier donne, à titre d’exemple de la collaboration possible entre l’Office et les entreprises, des renseignements sur l’opération de francisation qui a débuté le 1er avril à la raffinerie Aigle d’or de Saint-Romuald, près de Québec (5).

Le ministre de l’Industrie et du Commerce affirme que la francisation améliorera la rentabilité des entreprises et favorisera l’accroissement de la productivité.

Dans les allocutions des trois ministres et dans les documents remis aux dirigeants d’entreprises, on revient constamment sur le fait que le gouvernement et l’Office de la langue française comptent uniquement sur la persuasion et la bonne volonté de tous et qu’il n’est pas question de recourir à la coercition pour franciser les entreprises.
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