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«Ainsi, l'instauration d'un système d'évaluation alternatif au « Citation index », européen, voire partagé avec les russes, pourrait, s'il était reconnu par les Etats-Unis, constituer un puissant vecteur d'incitation à la publication des travaux dans une autre langue que l'anglais.»

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La termitière totalitaire

Pierre-Paul Grassé
Présentation
Qu'est-ce qui justifie la publication, dans une encyclopédie de la francophonie, d'un texte portant sur la termitière en tant que modèle pour un État totalitaire? Au cours de la décennie 1930, en Allemagne du moins, c'est l'extrême organisation qui était à la mode dans les interprétations, toujours discutables, des faits scientifiques, souvent établis approximativement. Le texte que nous reproduisons ici illustre bien cette forme de réductionisme biologique. Le même réductionisme existe aujourd'hui, mais dans l'interprétation des faits biologiques relatifs aux insectes sociaux, on met l'accent sur l'autoorganisation, sur ce qu'un auteur à succès appelle la sagesse des foules, titre emprunté à Thomas Seely, auteur d'un livre intitulé La sagesse de la ruche. Ces interprétations et ces métaphores sont au coeur de la grande utopie reliée à Internet, au coeur plus particulièrement des grands projets encyclopédiques de type Wikipedia et de l'interprétation que l'on donne fréquemment de l'efficacité étonnante du moteur de recherche Google. Le fait que le nouveau réductionisme biologique soit à première vue le contraire de l'ancien, ne doit pas nous inciter à exclure qu'il puisse conduire à la même fin.

Extrait
Pour Escherich, les sociétés animales sont en avance sur la nôtre. La termitière est un état parvenu à sa maturité, à une quasi-perfection, au terme d'une évolution qui a peut-être duré 100 millions d'années, alors que les sociétés humaines sont encore immatures. Voici comment Escherich comprend la société des Termites : « ...des millions d'individus vivent assemblés dans un petit espace, non pas simplement les uns auprès des autres, les uns pour les autres. Aucun des individus ne vit pour lui-même, mais chacun vit au service de la communauté. La reine, emmurée sa vie durant dans la cellule royale, renonce à toute liberté de mouvement pour satisfaire le besoin en oeufs de la termitière. Le roi, enfermé auprès de la reine a pour fonction de féconder la reine de temps en temps. Les ouvriers aveugles et castrés s'épuisent dans l'accomplissement de tâches telles que la toilette et l'alimentation du couple royal et du couvain, le gavage des soldats, la garde et le léchage des oeufs, l'installation et l'entretien des meules à champignons... Les grands ouvriers, la nuit, sortent de la termitière en quête de nourriture. Les petits soldats à l'intérieur du nid maintiennent l'ordre social ; les grands assurent la défense contre les ennemis venant de l'extérieur. » (Termitenwahn, 1934, p. 219.)

Texte
Dans d'autres domaines de la science, on a cherché un modèle et une justification de l'Etat national-socialiste. C'est à l'entomologiste K. Escherich, un des premiers compagnons d'Hitler et recteur magnifique de l'université de Munich, qu'on le doit (1934). Ses écrits, peu nombreux il est vrai, ne sont connus ni en France, ni en Amérique; c'est regrettable car ils éclairent les propos des néonazis et les affinités de la sociobiologie américaine avec la pensée national-socialiste.

Pour Escherich, les sociétés animales sont en avance sur la nôtre. La termitière est un état parvenu à sa maturité, à une quasi-perfection, au terme d'une évolution qui a peut-être duré 100 millions d'années, alors que les sociétés humaines sont encore immatures. Voici comment Escherich comprend la société des Termites : « ...des millions d'individus vivent assemblés dans un petit espace, non pas simplement les uns auprès des autres, les uns pour les autres. Aucun des individus ne vit pour lui-même, mais chacun vit au service de la communauté. La reine, emmurée sa vie durant dans la cellule royale, renonce à toute liberté de mouvement pour satisfaire le besoin en oeufs de la termitière. Le roi, enfermé auprès de la reine a pour fonction de féconder la reine de temps en temps. Les ouvriers aveugles et castrés s'épuisent dans l'accomplissement de tâches telles que la toilette et l'alimentation du couple royal et du couvain, le gavage des soldats, la garde et le léchage des oeufs, l'installation et l'entretien des meules à champignons... Les grands ouvriers, la nuit, sortent de la termitière en quête de nourriture. Les petits soldats à l'intérieur du nid maintiennent l'ordre social ; les grands assurent la défense contre les ennemis venant de l'extérieur. » (Termitenwahn, 1934, p. 219.)

Bien entendu, nous laissons à Escherich l'entière responsabilité de sa compréhension anthropomorphique de la termitière et de son comportement, lorsqu'il écrit : « Quiconque a eu la chance d'observer un tel peuple de Termites sera stupéfait par la discipline absolue, la subordination totale de chaque individu à une volonté commune et l'élimination de tout individualisme et tout égoïsme par le dévouement et le sacrifice de chacun à l'idée de l'Etat. Lorsqu'on voit l'abnégation et le zèle avec lesquels chaque individu remplit ses fonctions, on ne peut s'empêcher de penser que ce sont des sentiments de plaisir puissants qui sont à la base de toutes ces actions. » (Termitenwahn, 1934, p. 219.)
' La loi suprême de l'Etat national-socialiste, l'intérêt commun passe avant l'intérêt particulier, est appliquée par les Termites jusque dans ses extrêmes conséquences. L'Etat termite représente, vu de l'extérieur, un Etat totalitaire sous sa forme la plus pure, tel qu'il n'a encore jamais été réalisé chez les hommes, sauf peut-être chez les Incas.
La vie en société se montre très avantageuse à l'espèce ; elle lui confère la puissance qui lui permet de vaincre ses ennemi: ainsi que les obstacles à son expansion. Si les sociétés ne sont pas plus nombreuses, c'est parce que l'égoïsme (le gène égoïste disent les Anglo-Saxons) nécessaire à la conservation de l'individi est un obstacle à la sociabilité et que la suppression de ce carac tère biologique fondamental, sans que l'espèce soit mise en péril est prodigieusement difficile. C'est, dira-t-on, un « tour de force que la nature a réalisé chez les Termites et autres Insecte sociaux, grâce à un moyen radical, la castration, donc par une forte réduction de la sexualité qui constitue une des principale racines de l'égoïsme. La sexualité est réservée au seul couple royal.

Dans la termitière, à la lutte des uns contre les autres s'est substituée la vie des uns pour les autres, qui gagne en efficacité lorsque les membres de la communauté se partagent les tâches sociales et se répartissent en castes anatomiquement distinctes.

Le nombre des individus composant une caste est proportionnel aux besoins de la société. S'il y a trop d'ouvriers, l'excédent est purement et simplement exterminé.1 Si une caste est déficitaire, la termitière « fabrique » aussitôt un nombre suffisant d'individus de cette caste pour rétablir l'équilibre qualitatif et quantitatif de la population. Ainsi l'Etat termite reste parfait dans toutes ses parties, donc dans toutes ses fonctions ; il travaille avec autant de sûreté qu'un organisme supérieur ; on le considérera comme un « super-organisme ».
En dépit de son statut quasi parfait, la termitière n'est pas tout à fait exempte de troubles, qui découlent de ce que nous appelons corruption. Des membres de la société se laissent parfois « séduire » par des choses agréables et, alors, négligent leurs fonctions sociales. Précisons. Des insectes étrangers aux Termites pénètrent soit à l'état de larves, soit à l'état d'adultes dans la termitière. Ils sécrètent des substances dont les ouvriers sont friands et qui les plongent dans un état particulier, comme s'ils étaient sous l'empire d'un stupéfiant. Ces hôtes indésirables sont nourris, choyés au détriment du couvain de la société qui périclite et meurt. L'avenir de la termitière s'en trouve gravement compromis. Ces hôtes corrupteurs existent aussi chez les Fourmis.
Quoi qu'il en soit, la société des Termites avec sa rigoureuse organisation du travail, sa discipline inflexible, son aptitude au sacrifice pour la communauté réalise si parfaitement l'état totali­taire qu'il est naturel de le proposer à l'Homme comme modèle.
Escherich estime que cette offre est scientifiquement légitime, parce/ que, selon lui, il existe dans la constitution des Etats, des lois dévolution universelles pour ce qui concerne la construction, la structure sociale, l'organisation du travail, l'approvisionnement, qu'il s'agisse de la société des Insectes ou de celle de l'Homme. Escherich établit un modèle, niais il refuse de voir dans un Termite ou une Fourmi un homme miniaturisé, tel que l'ont conçu Büchner, Marshall et d'autres.

L’État-termite nous révèle jusqu'où la différenciation sociale peut aller sur une base purement physiologique. Rigide dans sa structure, il est arrivé au terme de son évolution qui a abouti à la suppression de l'individualité et à l'étouffement de la sexualité.
Escherich conçoit que l'Homme, par la qualité unique de son cerveau, la plasticité de sa conduite et la puissance de son indivi­dualité, répugne encore à réaliser un Etat totalitaire, mais son évolution sociale est loin d'être achevée.
L'individualisme intellectuel constitue un obstacle redoutable au bon fonctionnement de l'Etat parce qu'il est à l'origine d'actions hostiles à la société et ouvre toutes grandes les portes à la corruption politique. Si l'Homme sait le vaincre, et il le peut grâce à la sociobiologie national-socialiste, il créera une société aussi bien équilibrée, aussi parfaite que celle des Termites.

Notes
1. Escherish laisse aller son imagination. Les massacres d'ouvriers n'ont pas été observés. La régulation sociale, sauf dans le cas des sexués surnuméraires, n'entraîne pas l'immolation d'individus.
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