Auteur de ce passage: Jean Tardif.
Nous remercions l'éditeur, HC, qui en a autorisé la reproduction à titre gracieux.
Comment définir et construire le pluralisme culturel mondial comme un projet politique de la gouvernance mondiale? Il ne suffit pas de défendre la diversité comme un fait, il faut promouvoir le pluralisme comme le fruit de choix et de décisions politiques volontaires.
En matière de culture, distinguer la diversité du pluralisme — deux termes trop souvent employés l’un pour l’autre — ne relève pas de la coquetterie intellectuelle. C’est la condition première pour définir clairement les objectifs d’un projet politique et développer une stratégie efficace pour les atteindre.
La diversité, c’est la condition du vivant, incluant l’homme. C’est une donnée de la nature qui ne cesse de la produire. On peut à bon droit vouloir préserver la diversité des espèces, ou l’environnement comme un bien public global. Mais même si l’on considère la culture comme l’écosystème humain, à pousser trop loin l’analogie entre biodiversité et diversité culturelle, on risque non seulement d’oublier la différence entre culture et nature (sans pour autant admettre la disconti nuité entre les deux), mais surtout de réduire le combat pour la diversité culturelle à un statut exceptionnel des biens et services culturels dans l’univers marchand dont on continuerait ainsi à reconnaître la prééminence, de façon implicite et sans doute involontaire mais bien réelle.
Appliqué à la culture, le pluralisme veut conjuguer deux éléments: reconnaître l’Autre dans son altérité et donc composer avec les différences. Puisque toute culture se construit dans des interactions complexes et continuelles qui produisent constamment de la différence, le pluralisme exprime le choix délibéré de reconnaître les différences non pour chercher à les réduire, mais pour traiter les interactions sur le mode politique.
La culture comme processus vit de l’ouverture. Aucune culture n’a jamais été et ne pourra jamais être un isolat. Mais aucune interaction véritable ne peut se développer dans des conditions d’inégalité trop grande ou sous le contrôle effectif des plus puissants sans générer de puissantes réactions. Il ne s’agit donc pas de défendre le fait de la diversité comme une entité réifiée, un patrimoine qu’on pourrait protéger en le mettant sous vide, une sorte d’apartheid culturel qui consacrerait les frontières entre les cultures dans un statu quo fictif. Il importe plutôt de réunir les conditions dans lesquelles ces choix et ces interactions pourront s’opérer de façon acceptable et responsable dans le contexte actuel. Ces conditions concernent notamment la liberté d’expression, la diversité de médias indépendants et responsables, le multilinguisme, des flux culturels plus équilibrés et équitables ainsi que la possibilité pour toutes les formes d’expression culturelle d’avoir accès aux instruments modernes de production et de diffusion .1 Le pluralisme comme choix explicitement assumé et affirmé constitue le fondement du vivre-ensemble à l’échelle planétaire.
Notes
1-Déclaration de Cancun sur la diversité culturelle. [www.ebu.ch/news/press_archive/press_breves_204_Cancun.php?dia play=Fr], 3 juin 2005. |