Pèlerinage

Voyage purificateur vers un lieu sacré

Lorsqu’on étudie les pérégrinations, on voit tout de suite que cette pratique religieuse dépasse le cadre même des différentes religions et s’avère être l’un des rituels les plus prisés par les différentes civilisations de notre planète. La Mecque, Jérusalem, Rome, pour ne nommer que les plus connus, continuent encore aujourd’hui d’accueillir un flot perpétuel d’individus et de groupes qui viennent en ce lieu précis guérir leur âme et parfois leur corps. L’importance des centres de pérégrinations dans la dynamique culturelle des sociétés n’est d’ailleurs plus à démontrer et il suffit d’étudier, par exemple, les multiples rôles qu’ont joués au Moyen-Âge les pèlerinages à Saint-Jacques-de-Compostelle en Espagne pour prendre connaissance de l’étendue du phénomène. Dans un article intitulé «Importance réelle des routes dites de Saint-Jacques» (1), René de la Coste-Messelière démontre très bien en effet comment «l’histoire sociale et économique ne peut se dissocier de l’histoire religieuse» (p. 452). Il suffit de s’y arrêter un instant pour mesurer l’ampleur du phénomène. Ainsi peut-on dire que tout le «réseau hospitalier» du nord de l’Espagne et du sud de la France a été «fondé et entretenu pour voyageurs et pèlerins» (p. 466). De même, nombre de confréries d’anciens pèlerins siégeant à l’organisation des paroisses et les multiples «fondations» et œuvres d’art des pèlerins exaucés sont autant d’éléments ayant marqué l’histoire de la France médiévale. Si nous nous penchons sur l’un des multiples lieux de pèlerinage mineur, que ce soit le Mont Saint-Michel, la Grotte de Notre-Dame-de-Lourdes ou l’Oratoire Saint-Joseph, nous ne prendrons qu’un temps pour nous rendre compte de l’importance de ces centres de pérégrinations pour le développement de leur région respective et parfois même de l’histoire de la nation.

Toute cette attraction est fondée sur la croyance théurgique qui consiste à régler un rapport d’échange avec le créateur de la vie: un «vœu» (impliquant sacrifices de toutes sortes pour le déplacement) contre une «faveur» (qui peut consister en n’importe quoi). Et, évidemment, on ne dépense tant d’énergie que pour les plus hautes et importantes faveurs. La plus grande faveur est sans doute de jouir d’une vie éternelle et bienheureuse; cette faveur est automatiquement obtenue par tout pèlerin de bonne foi dans la plupart des centres existants des différentes religions. Par exemple, pour ce qui est des pèlerinages de la chrétienté, les conditions de l’obtention de l’indulgence plénière se réduisent à être en état de grâce, communier et prier pour le pape devant une statue ou une peinture miraculeuse, à défaut d’une relique. La seconde faveur en importance est sans doute, pour le croyant, l’assurance d’une mort douce, d’une vieillesse paisible, bref un état de santé qui puisse conserver l’harmonie de l’homme et de la nature. Si la santé ne va plus, ou même que la souffrance se soit installée dans le corps de façon désespérée, le pèlerin viendra ou se fera amener afin d’être guéri. Cependant, les vœux ne se réduisent pas à ces deux promesses de survie; le pèlerin ira demander ce qu’il juge important d’obtenir et promettra d’accomplir ce qu’il juge être l’équivalent en sacrifice. Il doit savoir qu’il ne s’agit pas d’un contrat entre égaux et que, s’il est absolument sûr d’obtenir ce qu’il demande, il n’a aucune certitude sur la façon dont le Créateur lui répondra.

Ce rapport d’échange théurgique du vœu et du miracle ne se réalise cependant pas dans n’importe quelles conditions matérielles. Il est à noter tout de suite que la plupart, sinon la totalité, des centres de pérégrinations sont situés dans un environnement naturel particulier.

Claude Gagnon, Médecine, alchimie et pèlerinages, Critère, no 13, juin 1976. Repris dans l’ouvrage du même auteur: Enquêtes au Proche-Occident. Philosophie de la culture, Éditions Le Préambule, Longueuil, 1983.
Note
(1) René de la Coste-Messelière, «Importance réelle des routes dites de Saint-Jacques dans le pays du sud de la France et en Espagne du Nord», dans Bull. philol. et hist., année 1969, vol. 1, p. 451 et ss. Une chronique de presse locale témoigne de la nature toute touristique de cette importance; cf. «Un centre de tourisme au Moyen-Âge, Saint-Jacques-de-Compostelle», dans La Presse, 17 mars 1973.

Camino Santiago, Chemin de Saint-Jacques (Compostelle 2004)

Carte des chemins de Compostelle en France au XIIe siècle.

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Essentiel

«À travers tout chemin, il s’agit bien d’une quête de sens qui est toujours recherche de son propre cœur, en son lieu secret de pureté et de source. C’est la douloureuse expérience du «Connais-toi toi-même» qui précède toute rencontre avec Dieu.»
André Gouzes, préface de La voie et ses chemins, par Pierre Camparidès.

Enjeux

«L’abandon progressif de la marche au profit de la machine traduit un appauvrissement de l’être. La longue randonnée permet un réapprentissage de la vie nomade. Pour un temps, elle oblige à se désenvoûter de la technique. Ainsi apprend-on à mesurer à sa juste valeur le km/marcheur, bien différent du km/voiture. On peut encore nuancer entre le kilomètre matinal, joyeux et plein d’espoir, et le dernier de la journée, parfois proche du calvaire. On redécouvre une notion autre que celle du temps numérique et abstrait de nos montres: la cloche des églises qui indique l’heure. Ou encore la course du Soleil.»
Michel Dongois, Le chemin étoilé, L'Agora, vol 2, no 3, 1994.

Articles


Saint-Jacques de Montréal

Claude Gagnon
Enquête menée sur les églises Saint-Jacques au Canada (1980-1982).

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