Enjeux
Influencés par la mode selon laquelle leur avenir est écrit dans leur corps, dans leurs gènes en particulier, bien des gens, parce qu'ils ont des pertes de mémoire ou parce qu'on leur a appris qu'ils avaient en eux l'allèle 4 du gène Apo E, se laissent emporter par la fatalité vers la maladie d'Alzheimer et la démence qu'elle entraîne.
Voici à ce propos le commentaire de Margaret Locke, de l'Université McGill, (Montréal, Canada) sur l'une des recherches les plus célèbres consacrées à la maladie d'Alzheimer: L'Étude des soeurs. S'il y a déterminisme dans le cas de la maladie d'Alzheimer, ce n'est pas la science dans son état actuel qui le prouve.
«Dans le même article, cette information était mise en rapport avec les résultats de la célèbre « Étude des sœurs » à laquelle participèrent, en provenance de sept régions des États-Unis, 678 religieuses catholiques de la Congrégation des Sœurs Enseignantes de Notre-Dame. Après des décennies de conservation tatillonne, furent récupérés des textes rédigés par les religieuses, alors jeunes filles, concernant leurs motivations à prendre le voile. Ces énoncés écrits furent comparés à des évaluations neuro-psychiatriques subies par les sœurs à partir de leur 75e anniversaire, puis subséquemment mis en lien avec les résultats d’autopsies après le décès des femmes (chaque religieuse participant à l’étude ayant bien sûr préalablement accepté de faire don de son cerveau). D’après les résultats de la recherche, il est possible de croire que les individus qui auraient présenté une pensée imaginative et complexe dans leur jeunesse (une pensée à « densité élevée d’idées » selon le terme des chercheurs) seraient moins enclins à succomber à la maladie d’Alzheimer une fois âgés (Snowdon : 2001). D’aucune façon ces résultats différentiels ne purent être attribués à une variation dans le nombre d’années d’éducation des sœurs et, qui plus est, les conclusions furent graduellement confirmées par les résultats des autopsies : 90% des religieuses dont les cerveaux autopsiés présentaient des dommages sévères semblaient avoir manifesté à vingt ans une « pensée à faible densité d’idées ». Cette célèbre « Étude des sœurs » donna un essor considérable à l’hypothèse maintenant connue comme «l’hypothèse de la réserve cérébrale », selon laquelle les dés de la démence sénile se joueraient dès le séjour in utero, hypothèse largement admise aujourd’hui dans les recherches sur la genèse de la maladie d’Alzheimer, et ce malgré une absence significative de validation scientifique substantielle.
Toutefois, et de façon encore plus intéressante, une large proportion des religieuses de « l’Étude des sœurs » qui s’étaient habilement débrouillées à la batterie de tests neuro-psychologiques présentèrent paradoxalement à l’autopsie des signes de plaques de dégénérescence, d’enchevêtrements et de dégradation cellulaire du cerveau : des signes physiologiques considérés comme les marqueurs pathologiques de la maladie depuis Alois Alzheimer. Un nombre significatif de travaux récents, entre autres une étude portant sur l’autopsie de cerveaux de centenaires, proposent des résultats tout aussi contre-intuitifs (Silver et al. : 2002). Inversement, il est aussi reconnu que certains individus dont les cerveaux présentent à l’autopsie peu ou pas de marques de dégénérescence anatomique ont néanmoins manifesté de leur vivant tous les signes comportementaux de la démence. »
Ce texte est tiré d'une conférence intitulée:
Futur immédiat: situer les bio-marqueurs de la démence, qu'il importe de lire si l'on veut bien connaître la pensée de Margaret Lock sur la question en cause.