Chirac Jacques

29 / 11 / 1932
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Jacques Chirac et l'universalité à la française

La guerre contre l'Irak aura été, pour le président Jacques Chirac et son pays, une occasion d'assumer dans le monde un leadership moral et intellectuel dont les Américains eux-mêmes, d'abord hostiles à la France jusqu'au fanatisme, commencèrent à mesurer l'importance et la signification dès l'automne 2003.

Notre collaborateur Jean-Philippe Trottier a vu dans ces événements une occasion de proposer une distinction entre la mondialisation à l'américaine et l'universalité à la française.


«La chute du communisme puis le nouvel ordre mondial qui en est sorti ont mis au jour un phénomène en préparation depuis longtemps: la mondialisation. Une mondialisation aux accents utopistes, avec son cortège de nuisances et de bienfaits, dont les États-Unis sont le maître d'oeuvre. C'est un phénomène dont on commence à percevoir le potentiel explosif, notamment depuis l'élection controversée de G.W. Bush. Ce dernier en effet ne cesse d'essayer de se faire pardonner sa demi-légitimité et l'on comprend à quel point les attentats du 11 septembre ont été du pain bénit pour celui que l'on surnomme George Dubya: jamais le thème de la patrie en danger n'a-t-il fait autant florès, ni son corollaire moral, celui de devoir rosser l'ennemi. D'où ce manichéisme de plus en plus virulent qui se nourrit d'un angélisme servant aussi de terreau à la mondialisation entendue comme marche de l'Histoire, vers le Bien, évidemment.
La France s'oppose à cette vision et à l'impératif moral qui en découle, à savoir qu'il faut en découdre avec Saddam Hussein, le nouvel Hitler. Elle le fait tout d'abord au sein des Nations Unies, où elle joue un rôle important en tant que membre permanent du Conseil de sécurité au même titre que la Russie, la Chine, la Grande-Bretagne et les États-Unis, chacun doté d'un pouvoir de veto. Elle le fait ensuite au sein de l'OTAN, où, en compagnie de l'Allemagne et de la Belgique, elle estime qu'accepter tout de suite de défendre un autre membre de l'organisation, la Turquie, en cas d'attaque de l'Irak équivaudrait à entériner de facto la logique de guerre américano-britannique.

Si importants que soient ces leviers dont la France dispose, ils ne suffisent pas à expliquer la flambée de francophobie dont font preuve les médias aux États-Unis et en Angleterre. L'animosité pluriséculaire entre la France et cette nouvelle Normandie appelée Angleterre n'est pas non plus une explication satisfaisante. Les Américains ont beau oublier les services que la France leur a rendus au moment de leur révolution pour ne se souvenir que de ceux qu'ils lui ont rendus lors de la seconde guerre mondiale, cela n'explique pas leur exaspération à l'endroit de la France. Le pétrole est certes un enjeu important dans le conflit actuel, il ne l'est pas au point que les Américains veuillent cesser de boire l'eau et le vin des Gaulois.»
©Graeme MacKay.
L'article du Hamilton Spectator qui suit cette caricature illustre bien l'hostilité dont, au cours de l'hiver 2003, la France était l'objet, aux États-Unis et dans de nombreux médias canadiens de langue anglaise.

«Qu'est-ce donc qui irrite à ce point l'aigle américain dans le comportement du coq gaulois? Ne serait-ce pas le fait qu'une puissance moyenne, forte du prestige moral associé à son haut degré de civilisation, parvienne à rassembler sous sa bannière des puissances telles que la Russie, la Chine, l'Allemagne, le Brésil, auxquelles s'ajoutent des figures morales telles que Jean-Paul II ou Kofi Annan?

N'assistons-nous pas, par-delà le choc de deux civilisations, l'Islam et l'Occident, à la confrontation de deux conceptions de l'ordre international, une conception mondialiste centrée sur le libre échange et la réduction de l'autre au rôle d'agent interchangeable et monnayable et une conception universaliste caractérisée par l'échange libre où l'indispensable commerce avec l'autre est rendu possible précisément en raison de sa différence culturelle, religieuse et politique? Et l'on sait que le mot commerce signifiait au XVIIIe siècle, période faste de la diplomatie française, non seulement négoce mais aussi fréquentation et dialogue. Les discours ont pu perdre la France, mais ils pourraient la rétablir. N'est-ce pas de cette possibilité que témoigne avec éloquence la violente réaction anglo-américaine?»

Source: La guerre contre l'Irak.

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